Elle met sa voix, son histoire, sa souffrance au service d’autres victimes. Depuis la révélation, en 2020, du système de violence sous soumission chimique mis en place par son père, Dominique Pelicot, pour violer et faire violer sa mère, Gisèle Pelicot, par des dizaines d’inconnus, Caroline Darian se bat. Dans le documentaire Soumission chimique : pour que la honte change de campdiffusée sur France 2 ce mardi 21 janvier au soir, elle rappelle son statut singulier : «Je suis la fille de la victime et aussi, qu’est-ce que c’est encore plus dur à supporter, de la part du bourreau.» Avant l’ouverture du retentissant procès à Avignon en septembre, elle s’est longtemps sentie seule, “lanceur d’alerte [via son association M’endors pas, créée en 2023, ndlr] dans une société qui refusait d’écouter ces victimes droguées pour être violées.
Tandis que la voix de sa mère, Gisèle Pelicot, « une héroïne des temps modernes », mais aussi les siennes et celles de ses deux frères ont résonné à travers le monde, elle profite de ce moment rare d’écoute pour porter cette cause, à travers ce film écrit par Linda Bendali et Andrea Rawlins-Gaston. Suivant le fil rouge de ce procès historique, à l’issue duquel son père a été condamné à vingt ans de réclusion criminelle et les 50 coaccusés reconnus coupables, Caroline Darian s’attache à démontrer les ravages du mode opératoire.e « systémique » qu’est-ce que la soumission chimique, “l’étape ultime de la domination masculine”, insiste-t-elle. A ses côtés, quatre femmes âgées de 22 à 53 ans, un adolescent de 16 ans et un homme de 48 ans témoignent des violences subies dans le contexte familial, professionnel ou encore festif, montrant que la soumission chimique se déploie dans tous les espaces. C’est un « Un viol parfait qui ne laisse aucune trace »résume Katia, 53 ans, en introduction.
Dépossession de leurs corps
A travers leurs histoires et celle de Caroline Darian, le documentaire décrypte le fléau de la soumission chimique, bousculant les idées reçues : dans deux cas sur trois, les substances administrées sont des médicaments (somnifères, anxiolytiques, analgésiques, antiépileptiques ou encore antiallergiques). . Les vécus de ces victimes s’entremêlent, ce sentiment que leur corps leur fait défaut, d’en être dépossédées, parfois amnésie… Une victime sur deux ne se souvient de rien, comme Gisèle Pelicot, dont le mari était sous sédatifs aux anxiolytiques, mais aussi comme Zoé, qui avait 15 ans et “réveillez-vous à travers la pente contre un arbre”, en 2006, nue après avoir bu un peu d’alcool lors d’une fête de musique. Elle est aujourd’hui médecin généraliste et n’a jamais été formée à la soumission chimique, comme la plupart des soignants.
-Certaines victimes restent conscientes des sévices qui leur sont infligés, sans pouvoir réagir, comme Rénald, 53 ans aujourd’hui. Il avait 17 ans lorsqu’un homme qu’il a rencontré dans une boîte de nuit l’a violé sous l’effet de produits chimiques. “Il me traite comme un morceau de viande […] Je suis conscient de tout, je vois tout mais je ne pouvais plus réagir. Les drogues et médicaments sont éliminés très rapidement dans le sang et les urines. Seule une analyse capillaire peut révéler des substances administrées plusieurs mois auparavant. Les longs cheveux bruns de Lilween, 16 ans, ont permis de déceler que son père administrait des somnifères, interdits aux moins de 15 ans et disponibles sans ordonnance, dans ses yaourts pour lui infliger des violences sexuelles dès l’âge de 9 ans. condamné à quinze ans de réclusion criminelle. Malgré la présence de sperme dans ses échantillons et la présence d’anxiolytiques dans ses cheveux, l’agresseur de Katia a été acquitté.
Victime de la captation d’images impudiques, prises à son insu par son père, Caroline Darian est également détruite par cette certitude d’avoir été victime d’une soumission chimique. Faute de preuves tangibles, Dominique Pelicot, qui s’en défend, n’a pas été poursuivi pour ces faits. Alors qu’une mission gouvernementale est en cours, conduite par Sandrine Josso, députée Modem elle-même victime, ce documentaire est un appel à agir à tous les niveaux, sanitaire, judiciaire, politique, et à ne plus jamais laisser les victimes démunies se soumettre aux produits chimiques.