Alors que se tient actuellement au tribunal de Paris le procès sur l’affaire du financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 – il a débuté lundi 6 janvier et doit durer quatre mois –, le documentaire Personne ne comprend rien arrive à point nommé pour faire la lumière sur une saga politico-financière complexe et sulfureuse.
Avec un titre comme “Personne ne comprend rien”, le réalisateur Yannick Kergoat donne le ton : ce documentaire, coproduit par Mediapart, entend faire la lumière sur l’affaire du financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007.
Spoiler : à la fin, on comprend (un peu) mieux, mais surtout, on reste sidéré par la confiance de l’ancien président qui clame l’injustice depuis ses tribunes médiatiques. Un exercice d’équilibriste entre le cynisme des accusés et l’entêtement des enquêteurs.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, ce film ne sera pas distribué dans les grands complexes comme UGC ou MK2. Seuls les maisons d’art et d’essai ont accepté de le programmer. Le sujet du film semble effrayer les circuits traditionnels.
Le film déroule un thriller politico-financier qui ferait rougir les scénaristes les plus tordus. Au centre de l’intrigue, un trio explosif : Sarkozy, Kadhafi et l’homme d’affaires libanais Ziad Takieddine, alias « le pigeon voyageur des valises ».
Ajoutez à cela des complices hauts en couleur – Thierry Herzog, Claude Guéant et autres – et une équipe de journalistes Mediapart en mode « scoop pitbull ». Cela constitue un cocktail explosif où des millions d’euros coulent à flots… mais pas vraiment dans les urnes.
La déco ? Un appartement vide où les témoins racontent leur histoire. Pas de fioritures, juste des mots forts et une accumulation de preuves. La mise en scène minimaliste se concentre sur la mécanique acharnée de l’enquête, appuyée par des archives télévisées qui prennent une saveur bien différente au gré des révélations. Quand on voit Sarkozy dérouler le tapis rouge à Kadhafi en 2007, ça pique encore plus.
Kergoat fait appel à deux poids lourds de l’investigation, les journalistes de Mediapart Fabrice Arfi et Karl Laske, pour raconter l’histoire. Leur ton sec, précis et légèrement sarcastique donne à l’ensemble une dynamique captivante. Nous pensons qu’ils ont vu se produire des « prétendus pactes de corruption ».
Et pour pimenter le tout, la voix off de l’actrice Florence Loiret Caille ajoute une touche dramatique qui rappelle les thrillers politiques français. C’est comme si Le Bureau des Légendes s’était invité aux Guignols de l’info.
Le titre joue évidemment sur l’ironie : Sarkozy lui-même disait que « personne ne comprend rien », mais ce documentaire prouve le contraire. Les pièces du puzzle sont soigneusement alignées, et le spectateur suit avec un mélange de fascination et d’indignation cette saga qui mêle pots-de-vin, pots-de-vin et appels téléphoniques surréalistes.
Ce qui fait la force du film, c’est qu’il ne tombe pas dans la moralisation. On vous montre les faits, bruts, souvent glaçants, et c’est à vous de juger. Personne ne comprend rien… sauf ceux qui prennent le temps de voir ce film.
