le grand classique La Garçonnière, de Billy Wilder

La Garçonnière de Billy Wilder reste une comédie douce-amère incontournable, et en plus, elle se déroule à Noël.

Peu de ont eu autant d’impact sur l’industrie cinématographique américaine que Certains l’aiment chaud. Sortie en 1959, la comédie déjantée de Billy Wilder a fait briller comme jamais les stars Marilyn Monroe et Jack Lemmon, et a donné un formidable élan à la fourmilière d’Hollywood par son usage transgressif du travestissement. Beaucoup considèrent même que le film est responsable de la fin du célèbre CodeHays, qui a dicté les règles de l’autocensure dans les productions du Ville de rêves.

Une telle réussite ne laisse évidemment pas indifférent. Dès la fin du tournage du film, le réalisateur Billy Wilder et son co-scénariste IAL Diamond savent qu’ils souhaitent renouveler l’expérience avec Jack Lemmon, qui est en passe de devenir leur acteur préféré. Autant frapper le fer alors que certains l’aiment chaud…

Le résultat est La Garçonnière (un titre français qui révèle bien plus que la sobriété L’Appartement de la version originale), une comédie romantique ayant la particularité de se dérouler pendant Célébrations de Noël à Manhattanpour ne pas être toujours très drôle, et – accessoirement – ​​pour être l’un des plus beaux films jamais produits à Hollywood.

Les cartes de vœux dans la culture anglophone sont encore assez folles, on ne va pas se mentir

La Garçonnière, a Christmas film?

Si la démocratisation de Saint Nicolas et sa transformation en célébration autant familiale que nationale aux Etats-Unis date de la fin du XIXème siècle, ce n’est que durant la première moitié du XXème siècle que Noël devient un véritable événement commercialet une célébration de la réussite économique de la population américaine.

Le premier vrai «Films de Noël» produit par Hollywood est apparu dans les années 40, et ce n’est pas un hasard. C’est une période de forte croissance, où le consumérisme est en plein essor. Des conditions idéales pour permettre l’émergence d’un sous-genre cinématographique qui a gagné en codifications au fil du temps, tout en conservant une essence thématique qui pourrait se résumer ainsi : une tension idéologique fondamentale entre l’individualisme carriériste d’une part et l’amour altruiste de l’autre.

La Garçonnière illustre parfaitement cette dynamique. Jack Lemmon incarne un employé d’une compagnie d’assurance new-yorkaise qui utilise des méthodes non conventionnelles pour obtenir une promotion : CC Baxter, dont le joli nom est, prête son appartement à ses supérieurs pour qu’ils puissent y emmener leurs amants en secret, loin du regard de leurs femmes.

L’espace ouvert de l’Ecran Large ressemble plus ou moins à ceci

La situation se complique lorsque Jeff Sheldrake, le grand patron de la compagnie d’assurance incarné par un Fred MacMurray magnifiquement détestable, emmène sa petite amie dans l’appartement de Baxter pour le réveillon du Nouvel An le 24 décembre. Car cette jeune femme, prénommée Fran Kubelik et incarnée par l’exceptionnelle Shirley MacLaine, n’est autre que celui pour qui bat le petit cœur de CC Baxter

La dramaturgie s’appuie donc sur questions moralisatrices constitutives du sous-genre du film de Noël. Le héros se retrouve, au fur et à mesure de l’histoire, à devoir choisir entre son avancement au sein de l’entreprise, c’est-à-dire des gains matériels (un bureau individuel, un joli chapeau, etc.) et sa conscience. .

Car s’il sait bien que Fran Kubelik est follement amoureux de Sheldrake, ce dernier l’emmène faire un tour et lui fait des promesses qu’il n’a pas l’intention de tenir, comme celle de quitter sa femme. Baxter peut-il permettre à son supérieur de la manipuler ainsi dans son propre appartement, en échange du confort de vie qu’il obtient ?

“Bien?” Réponds, Baxter ! »

La Garçonnière est pourtant rarement cité dans les listes des meilleurs films de Noël. Le défaut en est sans doute son originalité excessive, qui l’empêche, malgré son adhésion à certains codes structurels du genre, d’en être un stricto-sensu. En effet, si la majorité de l’histoire se déroule lors des festivités du 25 décembre, la conclusion échappe aux conventions narratives et a lieu pendant la transition vers la nouvelle année.

Ce faisant, Le film de Wilder est autant un « film de Noël » qu’un « film du Nouvel An » – tant que le genre existe. Surtout, il cache sous ses jolis décors et sa comédie légère une sombre mélancolie qui a de quoi dérouter plus d’un.

La quantité d’alcool nécessaire pour écrire sur le Sonyverse est à peu près celle-ci

Cinéma aigre-doux

La Garçonnière est encore présenté aujourd’hui comme une comédieet à juste titre. Le film est très drôle, notamment grâce à la virtuosité du jeu de Jack Lemmon, dont les misères sont mises en scène avec une telle exagération dans les gestes qu’on ne peut s’empêcher de rire. L’acteur, doté d’un physique fabuleuxinteragit constamment avec les éléments du décor et parvient à rendre quelque chose d’amusant d’un simple mouvement de tête ou d’un geste de la main.

Sans jamais hésiter à tout mettre en œuvre, Lemmon exploite la marge de manœuvre que lui donnent les écrits de Wilder et Diamond – les coscénaristes lui ont laissé carte blanche en matière d’improvisation à condition que cela ne nuise pas aux dialogues – et parvient à donner vie à son personnage, comme lorsqu’on le voit utiliser une raquette de tennis pour égoutter des pâtes dans sa cuisine. Mais la meilleure idée comique du film est l’inclusion d’un couple de voisins convaincus que toutes les femmes qui défilent dans l’appartement sont ses amantes. Ils l’imaginent donc comme le Dom Juan le plus actif de tout Manhattanlui qui passe effectivement ses soirées seul devant sa télévision.

“Même Nadal ne connaît pas cette technique”

Si les malheurs de CC Baxter font sourire, ce n’est pas le cas de l’autre protagoniste du film, la très triste Fran Kubelik. L’aveuglement de la jeune femme dans sa relation à sens unique avec son patron Jeff Sheldrake n’a rien d’amusant. Le personnage de Shirley MacLaine porte sur son visage, plus figé et fermé que celui de Lemmon, le drame d’une femme qui se sait condamnée à aimer désespérément sans jamais recevoir autre chose que des paroles vides de sens.

Incapable d’agir pour son propre bien, son seul pouvoir d’action réside justement dans les jolies répliques que lui proposent les scénaristes Wilder et Diamond ; ses paroles lui permettent d’ironiser sur sa situation avec élégance et humour, mais qui ne sont que de minuscules pansements sur un cœur très blessé.

L’une des plus grandes utilisations de l’ironie dramatique au cinéma se trouve dans cette scène.

Le scénario change brusquement lorsqu’il tentative de suicideun pivot narratif suffisamment abrupt et singulier dans une production de l’époque pour être particulièrement marquant. C’est comme si Fran Kubelik, condamnée à faire des allers-retours dans son métier d’ascenseur sans jamais avoir aucune possibilité d’évolution, n’a vu que cette seule et unique solution pour mettre fin au cycle sans fin de sa relation avec Sheldrake.

L’arrivée du spectre de la mort a un impact immédiat sur le film, étouffant les rires et serrant la gorge. Il a surtout rappelé au public l’époque où Le cinéma de Billy Wilder n’a pas toujours été celui de la bouffonnerie joyeuse et festive des Certains l’aiment chaud.

Si votre rendez-vous vous regarde comme ça lors d’un premier rendez-vous, petit conseil : ça ne se passe pas très bien

1+1=3, un film somme pour Billy Wilder

C’est pourquoi La Garçonnière réussit à être le film le plus unique de la carrière de son réalisateur : en mêlant la comédie légère et les codes du cinéma de Noël à la mélancolie tragique, il parvient à se positionner exactement à mi-chemin entre les deux extrêmes de la filmographie de Plus sauvage.

Le cinéaste allemand a débuté sa carrière à Los Angeles sous la direction du génie de la comédie Ernst Lubitschet participe à l’écriture de deux des meilleurs films de son partenaire : La huitième épouse de Barbe Bleue et Ninotchka. Lorsqu’il est passé à la réalisation, Wilder a même affiché une pancarte dans sa loge indiquant : « Que ferait Lubitsch ?preuve de l’énorme influence que son mentor a eu sur lui.

Certains scénaristes pourraient vendre leur âme pour l’idée de la phrase « tais-toi et fais un marché » de Shirley MacLaine.

Pourtant, le premier grand succès de Billy Wilder n’a pas une once de comédie dans son film : Assurance décèssorti en 1944 est un film noir pur sang. Dans les années qui suivirent, le réalisateur persiste et signe dans des œuvres sombres et dramatiquescomme en témoigne le superbe Boulevard du Crépuscule et Le gouffre des chimères. En même temps, il se permet aussi de faire pleurer de rire tout le pays avec Certains l’aiment chaud ou Sept ans de réflexionréaliser une scission digne de Jean-Claude Van Damme.

Aucun autre cinéaste n’a autant excellé à Hollywood pendant l’âge d’or dans ces deux domaines. En cela, La Garçonnière est donc la synthèse parfaite de tout ce que Wilder représente. Drôle mais jamais trop, tragique mais sans être déprimant, il possède un équilibre impeccable et presque miraculeux.

En 2006, la Screenwriters Guild of America a établi une liste des meilleurs scénarios de tous les temps. Dans le top 15, Billy Wilder apparaît à trois reprises. La Garçonnièreévidemment, en fait partie. Vous savez maintenant quoi regarder à Noël.

 
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