Que vaut Nosferatu de Robbert Eggers ?

Que vaut Nosferatu de Robbert Eggers ?
Que vaut Nosferatu de Robbert Eggers ?

C’est l’image la plus culte : son ombre bossue, son nez crochu et ses doigts courbés qui se détachent sur un mur blanc. Le chef-d’œuvre de Frédéric Guillaume Murnauqui fait encore sourciller plus de cent ans après sa sortie, a notamment participé à la promotion d’un des mouvements les plus intéressants du cinéma : l’expressionnisme allemand, que l’on remarque grâce à ses décors abstraits et sa beauté romantique. Depuis, Nosferatu s’est développé, sous le regard d’autres cinéastes. Werner Herzog par exemple qui, en 1979, a choisi Klaus Kinski pour incarner le terrible monstre, dans une sublime réécriture du film de 1922. Son interprétation cristallise ainsi l’apogée du nouveau cinéma allemand, ce mouvement des années 1970 né des grands studios et largement influencé par la Nouvelle Vague française. Mais notre préféré, dans l’historiographie des films de vampires, va droit au but. Dracula de Francis Ford Coppola (1992), qui prête à sa créature sanguinaire une histoire d’amour ancestrale, afin de colorer le récit d’un mélodrame érotique aussi kitsch que délicieux. Devant la caméra du cinéaste américain, le monstre devient un séducteur éhonté, sous les traits d’un Gary Oldmanface à laquelle la jeune Mina Murray, interprétée par Winona Ryderne peut pas résister. L’occasion de placer l’érotisme, jusqu’ici thème sous-jacent du conte de Dracula, au cœur du récit. C’est peut-être là la relation la plus flagrante entre le film de Robert Eggers (Le phare, La sorcière), qui, avec son propre Nosferatu, crée une fable ambivalente sur le désir féminin. Qu’en avons-nous pensé ?

Willem Dafoe et Lily-Rose Depp dans Nosferatu les Robert Eggers.Avec l’aimable autorisation de Focus Features © 2024 FOCUS FEATURES LLC

L’exorcisme de Lily-Rose Depp

Si vous doutiez encore des talents d’acteur de Lily-Rose Depp, NosferatuUne énième réécriture de la plus culte des histoires de vampires, saura vous convaincre. Tantôt sanglotante, tantôt menaçante, elle offre, dans le rôle de la jeune Ellen Hutter hantée par un démon sans âge, une partition digne des plus grandes maîtresses du genre horreur. Pour être tout à fait honnête, on le savait dès les cinq premières minutes de la série américaine L’idole (2023), où elle joue le rôle-titre ; celui d’une pop star énigmatique et tourmentée, sous le joug du gourou incarné par le chanteur Le week-end. Dans Nosferatucela devient encore plus inquiétant, dans un film qui emprunte presque davantage à l’Exorciste de William Friedkin (1973) que les versions précédentes de l’histoire des vampires. La Ellen Hutter jouée par Lily-Rose Depp y apparaît comme une jeune femme désespérée, possédée par un démon sanguinaire – et bien plus encore. Car c’est l’un des grands choix de cette nouvelle adaptation, réalisée par Robert Eggers : la place accordée au désir de son personnage féminin, aliéné par une bête diabolique.

Tout comme Francis Ford Coppola devant lui, Robert Eggers choisit de représenter, dans toutes les mythologies développées par l’histoire de Bram Stokersa charge érotique et sa bestialité. Ainsi, le film s’ouvre sur une lamentation : celle d’un Lily-Rose Depp affligée, noyée dans sa propre solitude, à la recherche désespérée d’un compagnon – un « ange gardien » murmure-t-elle entre deux sanglots. La réponse à ses prières sera terrible, car elle prendra la forme d’un vampire endormi venu des terres lointaines et enneigées de Transylvanie. Habité par ce hideux prince des ténèbres (l’incroyable Bill Skårsgarddésormais habituée aux rôles monstrueux), elle déploie un jeu plein de nuances, tantôt rempli de spasmes occultes, tantôt hanté par un regard maléfique, quand son esprit se retrouve complètement envoûté par son terrible chasseur. Une icône est née.

 
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