« Heureux gagnants » : loterie perverse | Devoir

« Heureux gagnants » : loterie perverse | Devoir
« Heureux gagnants » : loterie perverse | Devoir

Comédie à sketches, Heureux gagnants décrit les mésaventures que peut provoquer un billet de loterie. Dans les quatre chapitres de ce film incroyable et parfois un peu ennuyeux et prévisible, devenir millionnaire n’apporte pas que le bonheur, bien au contraire. Chaque épisode montre des personnages avides d’argent, capables de tout, y compris d’aller en prison, et pire encore, juste pour avoir un avant-goût du jackpot.

Écrit et réalisé par Maxime Govare (Crevettes scintillantes) et Romain Choay (scénariste expérimenté mais débutant derrière la caméra), Heureux gagnants exploite une bonne veine : associer le mauvais (le destin) à la joie – celle d’avoir le ticket gagnant à la loterie (au loterie, puisque nous sommes en ). Sauf que comme dans tout projet épisodique, le jeu est risqué. S’il existe de bons cas… contes sauvages (Les nouveaux sauvagesDamián Szifron), dont appartiennent Govare et Choay – ici, l’ensemble est inégal, s’essouffle et multiplie les fins abruptes.

Leur point de départ, les cinéastes l’ont voulu vivant et diversifié. On passe d’une famille de quatre personnes à un couple amoureux, en passant par un trio de terroristes et on termine avec un groupe de cinq collègues travaillant dans le secteur de la santé.

L’idée de placer chacune des nouvelles dans un genre n’était pas mauvaise non plus. Le premier se déroule à la vitesse d’un film d’action et d’une voiture familiale rappelant le lointain Taxi (on roule dans les rues de Marseille). La seconde est une romance, mais trop naïve pour être crédible. La troisième, malgré son soupçon de suspense, confine à l’islamophobie embarrassante.

C’est la quatrième histoire, proche du film noir, et macabre, qui sauve les honneurs. Déjà, celui-ci se distingue par ses prémisses : les heureux gagnants ne sont pas vraiment des gagnants. Pour ne rien révéler, disons simplement qu’aucun membre du quintette millionnaire n’a acheté le billet, n’a même pas pensé à parier. Le ton de la première scène de l’épisode, entre absurdité et retournement incessant de la situation, est à la lumière de ce qui va suivre. Aussi, les dialogues, plus fins qu’ailleurs, rehaussent la qualité de l’interprétation. Fascinante et imprévisible, Anouk Grinberg ouvre la voie. C’est tout à son honneur.

Parmi les autres rôles principaux qui ressortent un peu, soulignons Sami Outalbali, en terroriste repenti, ou Fabrice Eboué, en père désorienté, faible et victime de tous les sorts. L’ordre d’apparition des sketchs permet également à ce comédien et réalisateur pendant son - libre (Barbaque) pour ouvrir et fermer le film. Le plus surprenant que propose le duo réalisateur-scénariste, c’est de faire revenir la première histoire une fois la quatrième terminée. Cela leur permet de faire demi-tour et de conclure sur une note positive – jusque-là, chaque épisode se terminait mal, très mal.

« L’argent ne change pas les gens. Cela révèle simplement leurs vraies couleurs. » Cette affirmation, que l’on entend aux trois quarts du film, résume tout l’intérêt deHeureux gagnants. Si les belles valeurs affichées au premier abord (humilité, sincérité, loyauté, honnêteté) disparaissent au fur et à mesure des actions se déroulent, c’est pour laisser émerger l’avidité qui ronge l’humanité. Govare et Choay ne voulaient visiblement pas en rester sur cette note sombre.

Heureux gagnants

★★ 1/2

Comédie écrite et réalisée par Maxime Govare et Romain Choay. Avec Fabrice Eboué, Audrey Lamy, Pauline Clément, Sami Outalbali, Anouk Grinberg, Louise Coldefy, Victor Meutelet, France, 2023, 103 minutes. Dans la chambre.

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