Avec « Trois amis », l’auteur de « Mademoiselle de Joncquières » poursuit ses subtiles chroniques sur les mystères de la passion… cette fois au féminin.
Il existe de nombreuses idées reçues sur Emmanuel Mouret. Lui, l’admirateur de Sacha Guitry et de Woody Allen, qu’on qualifie un peu trop facilement de nouveau François Truffaut. Il y a aussi celui du marivaudage qu’on lui rapporte à chaque fois, alors que ses films sont toujours plus denses et charnus. Touchant même au drame et frôlant la mort dans son douzième long métrage, histoire croisée des amours déçues de trois amis lyonnais. « J’ai grandi en admirant les grands mélodrames mais aussi les comédies, notamment américaines », explique le cinéaste de 54 ans, aux allures d’adolescent discret et rêveur. « Billy Wilder ou Lubitsch avaient ce talent pour combiner ces deux genres. Mais je suis sûr que je ne me sentirais pas dans mon élément dans un pur mélodrame. »
La suite après cette annonce
Les critiques l’adorent, le public le suit fidèlement, même si les Césars ou le Festival de Cannes le snobe poliment depuis plus de vingt ans. C’est donc à la Mostra de Venise que « Trois Amies » étaient en compétition en septembre. S’il n’écrit jamais en pensant aux acteurs, les stars ne s’y trompent pas et accourent. De Virginie Efira à Sandrine Kiberlain, de François Cluzet à son sosie presque cinéma, Vincent Macaigne. Aujourd’hui, c’est au tour de Camille Cottin, Sara Forestier et India Hair.
«Je ne pars jamais d’un thème précis», poursuit le réalisateur. Il s’agit plutôt d’un personnage, en l’occurrence celui interprété par India, une femme qui affronte son amour perdu. Puis ses amis sont venus en contrepoint, peut-être plus légers. Je voulais aussi explorer le conflit de loyauté. » Ses scénarios restent véritablement riches, pleins de fausses pistes et de rebondissements : « Hitchcock ou Truffaut disaient que, même dans les relations sentimentales, la vertu du suspense est essentielle. »
“Je me sens plus libre de m’exprimer à travers des personnages féminins”
Emmanuel Mouret ou la constance faite homme : ce Marseillais ne quitterait pour rien au monde sa ville natale où il vit. Il sort un film tous les deux ans, même s’il a renoncé à jouer comme à ses débuts, peut-être pour éviter la confusion entre fiction et quasi-autobiographie. C’est aussi la fidélité incarnée. Il a le même producteur, Frédéric Nedermayer, de « Vénus et Fleur » ou « Changement d’adresse », aux succès plus récents de « Mademoiselle de Joncquières » et « Chronique d’une liaison passagère ».
Ne lui dites pas que ses films sont féministes : « Je me sens plus libre de m’exprimer à travers des personnages féminins mais je ne suis le porte-parole de rien », sourit-il. Dans mes films, la parole des uns s’oppose toujours à celle des autres. » Dans son panthéon trônent également Blake Edwards, Douglas Sirk, Pagnol, Rohmer. « Je ne sais pas pourquoi les gens ont toujours besoin de trouver des références dans mes films. Sommes-nous en train de ramener tous les thrillers à Scorsese ? Très souvent, à l’étranger, on me dit que mes films sont typiquement français. Alors qu’en France, je suis considéré comme typiquement à part… »