En ces temps de Janvier Sec, ceux qui aiment les vins conventionnels doivent changer de logiciel s’ils testent les vins de soif (1). «C’est un autre univers. Ne les comparez pas. Ils s’apprécient différemment. Anne Kettaneh et son mari Alexandre sont des pionniers. Après une première vie à Paris, elle dans l’agriculture et lui dans le conseil informatique, ils ont ouvert, en novembre dernier, les belles grappes, le premier caviste boissons 100 % sans alcool à Bordeaux. Surtout des vins, mais aussi quelques bières et spiritueux.
Devant nous, près de 150 références – 15 euros la bouteille en moyenne – dont la moitié bordelaise. Le fruit d’une sélection poussée sur un marché émergent. Pour en arriver là, le couple a dégusté quelque 200 références : « Un tiers est allé au lavabo ; Un troisième, ”Bof” ; Et un tiers, ”pourquoi pas”, résume le mari, qui veut être précis sur les définitions.
Primes
De quoi parle-t-on exactement ? Ces vins, vinifiés au départ comme les autres, ont ensuite vu leur alcool éliminé via trois types de procédés : évaporation sous vide, osmose inverse ou distillation. Ils sont lourds à mettre en place et coûteux. En Gironde, la coopérative Bordeaux Familles et le commerçant Grandes Chais de France se sont équipés, et proposent également du service. Des arômes et du sucre peuvent ensuite être ajoutés. Le goût est autre que celui d’un jus de raisin : ce dernier, non vinifié, n’a jamais contenu d’alcool. «Nous ne sommes qu’au niveau des techniques», précise Fabien Marchand-Cassagne, à la tête du Gersois Moderato, pionnier de ce marché. Et ce au même titre que le Chauvin languedocien ou le Cordier bordelais.
Alcool contenant souvent le meilleur du vin, la dégustation peut déconcerter
Retour aux belles grappes. Alcool contenant souvent le meilleur du vin, la dégustation peut déconcerter. Que reste-t-il alors ? Même si le côté aqueux ressort dans les rosés et les blancs, ils peuvent séduire les amateurs de légèreté, notamment à l’apéritif.
-En apéritif
Le taux de sucre est primordial et tout le doigté consiste également à éliminer l’alcool tout en gardant les arômes et la consistance en bouche. C’est la voie à suivre par exemple chez Tutiac, avec sa marque Moon, ou encore le Clos de Boüard (Eden). Deux bouteilles 100 % Sauvignon.
Les effervescents, grâce aux bulles, s’en sortent mieux. C’est le cas du vignoble Raguenot (Blayais), avec Tip Top. Le défi est encore plus grand pour les rouges, où la mune – même légère – est une référence pour les amateurs de classiques. « Nous sommes plus proches de la légèreté de la Loire que des frontières bordelaises », estime Anne Kettaneh. Dans le Médoc, la famille Meyre (oh là) s’y essaie. Dans le Blayais, Château Sauman (O’dacieux) a réussi, il est vrai avec un millésime 2018 (Cabernet Sauvignon, Merlot), alors que la majorité des vins de soif sont proposés très jeunes.
(1) Les termes juridiques sont « vin méprisant » ou « boire par soif d’un vin ». La mention « vin sans alcool » est interdite. Ces vins ne peuvent pas porter le nom d’une appellation.