Je m’attendais à ce qu’on me lance des tomates. J’en ai reçu quelques-uns, oui, mais j’ai surtout eu droit à une pluie de mails de lecteurs qui me disent désormais qu’ils boycottent les Etats-Unis pour leurs vacances, saluant la suggestion de ma chronique du vendredi.1.
Ces lecteurs m’écrivent de partout au Québec, de Gatineau à la Gaspésie, en passant par l’Ontario et la Floride, entre autres.
Dans ma chronique, je suggérais aux Canadiens de se serrer les coudes et de refuser d’aller aux États-Unis pour leurs vacances, que ce soit en Floride, à Las Vegas ou ailleurs. Plus loin, j’ai cité un universitaire qui proposait de taxer les voyages aux États-Unis pour décourager les Canadiens de s’y rendre.
Plus de 150 lecteurs m’ont écrit et parmi eux, une quarantaine m’ont dit qu’avec l’arrivée de Trump, ils avaient renoncé aux États-Unis ou à leurs produits. Le réflexe vient des voyageurs, mais aussi de certains « snowbirds » venus de Floride.
«Nous avons décidé d’annuler notre voyage de deux mois prévu dans l’Ouest américain en février-mars afin de prendre position contre l’attitude du futur président», m’a écrit Anne Préfontaine.
Même chose pour Marie-Lyne B. : « Nous avions prévu de passer les trois mois d’avril à juillet aux USA cet été en camping. Nous nous dirigerons plutôt vers les Maritimes et partirons de mai à août. Plusieurs de nos amis n’iront plus aussi bien. »
Un lecteur assidu de Saint-Bruno-de-Montarville a eu le même réflexe : « Nous avons annulé deux voyages de vacances aux États-Unis, l’un en famille à Old Orchard et l’autre, en couple, à Ogunquit. L’attitude du président élu nous a indigné et nous ne nous sentions pas les bienvenus parmi ceux qui ont voté pour lui. Nous avons un plan B pour rester au Canada. »
Jean-François Trépanier : « Nous sommes à la retraite et roulons en petit véhicule automobile depuis 10 ans. Nous allions aux USA chaque année, souvent au printemps et à l’automne (deux mois à chaque fois). En guise de réponse, nous éviterons de traverser la frontière cette année. »
Depuis 20 ans, le lecteur Rodrigue Despard prend deux mois de vacances par an aux États-Unis. Mais c’est fini, il m’a dit : “Nous avons décidé de ne plus aller aux Etats-Unis tant que ce foutu président sera en fonction.” »
Les Canadiens ont dépensé 30 milliards de dollars en 2023 lors de leurs séjours aux États-Unis, comparativement à environ 14 milliards de dollars pour les Américains au Canada, ce qui entraîne un déficit de près de 16 milliards de dollars. Le déficit augmente d’année en année depuis 20 ans, à l’exception de la pandémie.
Même quelques « snowbirds » sont là. André Perreault et son épouse hivernent les touristes depuis 17 ans. « C’est fini. En décembre, nous avons vendu notre maison en Floride. La valeur du dollar américain nous fait tomber. Et le nouveau climat politique de Trump et de sa bande de cinglés nous fait peur, tout comme le changement climatique très présent ici. »
Luce Malette : « Cela fait maintenant sept ans que je suis snowbird et ce sera la dernière année. C’est fini pour moi, le taux de change, l’inflation, les menaces de Trump… Je préfère dépenser au Québec. J’achèterai mon manteau et mes bottes avec les économies que je ferai. »
Robert Charbonneau : « Nous avons vendu notre condo en Floride en 2019 à cause de Trump. Nous boycottons la Floride cette année après y avoir passé deux mois l’hiver dernier sous Biden. Nous boycotterons désormais les États-Unis pour tous nos voyages. Nous boycotterons aussi autant que possible les produits américains : voitures, électroménager, meubles, Netflix, Apple TV, etc. »
-En fait, de nombreux lecteurs ne s’arrêtent pas aux voyages. Ils entendent également éviter autant que possible les produits américains.
Susan Parmenter : « Nous n’irons pas aux États-Unis tant que le clown sera président. » Et nous éviterons de consommer tout ce qui est « Made in USA », que ce soit dans l’alimentation, les boissons alcoolisées, la musique, le cinéma, la littérature, les vêtements, les divertissements et autres biens de consommation. »
Un autre lecteur, qui a récemment annulé ses vacances sur la côte est américaine, plaide pour la solidarité des consommateurs : « Je n’achète plus de vins américains depuis la première élection de Donald Trump. Oui à la solidarité entre les provinces, mais on peut certainement faire la même chose au niveau des consommateurs. »
Louise, de Blainville : « Dès que Trump a été déclaré vainqueur, mon mari et moi avons renoncé à aller aux États-Unis pendant au moins quatre ans et avons décidé de ne plus jamais acheter de voiture américaine. »
Nathalie Lagueux : « Je n’ai pas mis les pieds dans ce joli pays depuis que cette ratatouille est arrivée au sud de la frontière. Et je n’ai plus l’intention d’y retourner. J’évite également les voyages en avion qui passent par là. Imaginez le Maine sans les Québécois», lance ce lecteur qui appelle au boycott général.
Et ainsi de suite…
Certains sont contre l’idée, jugeant stupide de vouloir taxer les voyages aux Etats-Unis. D’autres soutiennent que l’idée pénaliserait ceux qui doivent de toute façon payer leurs frais de copropriété annuels en Floride.
Les récalcitrants sont une minorité parmi les lecteurs qui m’ont écrit. Au contraire, certains me suggèrent des mesures drastiques (je ne sais pas si elles sont techniquement réalisables et souhaitables).
Ainsi, il est suggéré de réduire les exemptions d’achat pour les Canadiens aux États-Unis ou de réduire la durée autorisée de séjour aux États-Unis avant la perte de l’assurance maladie canadienne.
Bref, si l’on se fie aux courriels reçus, les Canadiens – du moins les Québécois – ne resteront pas les bras croisés face aux menaces de Trump. Et qui sait, un tel boycott pourrait produire ses effets.
1. Lisez la chronique « Réponse aux tarifs Trump : énergie et Snowbirds »
Précision : dans ma chronique précédente, j’écrivais que le sénateur Marco Rubio avait adopté une loi en 2023 pour permettre aux « snowbirds » canadiens âgés de 50 ans et plus de séjourner en Floride pendant huit mois consécutifs plutôt que six. Il aurait mieux valu écrire qu’il avait déposé un projet de loi, puisqu’il n’a pas encore été adopté. Ma faute.