Le lait 2% est du lait 2%, sauf…

Le lait 2% est du lait 2%, sauf…
Le lait 2% est du lait 2%, sauf…

M. Beaudry précise que les deux marques qui moussent mal sont des laits qui viennent de l’Ontario. Mais l’origine ne fait habituellement pas une grande différence, indique d’emblée Julien Chamberland, chercheur en transformation laitière à l’Université Laval.

En gros, explique-t-il, le lait fera des petites bulles car l’air et le lait ne se mélangent pas bien (du tout). De petites quantités d’air peuvent être forcées de rester emprisonnées dans des bulles pendant un certain temps, mais l’air et le lait ne se mélangent tout simplement pas.

Les protéines, alliées de la mousse

Or il y a, dans le lait, des molécules qui ont pour ainsi dire une « double citoyenneté » : ce sont des protéines qui ont une extrémité ayant des affinités pour l’eau (donc pour le lait), et une extrémité qui est hydrophobe et qui a plus d’affinités avec l’air. Ces protéines « forment une fine couche à l’interface eau/air avec leurs fragments hydrophobes orientés vers l’air et les fragments hydrophiles vers l’eau. Cette structure protège les bulles d’air [et prolonge leur durée de vie]», explique M. Charmberland.

C’est ce qui permet au lait de bien mousser : les réseaux protéiques qui se forment sur la paroi des bulles. Rien de bien extraordinaire, les caractéristiques « normales » du lait 2% le permettent généralement. Mais, mine de rien, il y a encore pas mal de choses qui peuvent mal tourner dans toute cette histoire.

Premièrement, souligne M. Chamberland, les gras sont importants dans cette équation car ils donnent une texture crémeuse à la mousse. Mais il ne devrait pas y en avoir trop et ils devraient avoir les bonnes caractéristiques.

Ainsi, la matière grasse du lait a tendance à former des globules qui, s’ils sont trop gros, vont perturber les réseaux protéiques à la surface des bulles d’air et, bien souvent, provoquer leur éclatement. Heureusement, l’homogénéisation réduit fortement la taille de ces globules, mais cela explique pourquoi les laits crus moussent généralement beaucoup moins bien que les laits « industriels ».

Une étude australienne récente a révélé que « la moussabilité de nos échantillons de lait cru était trois à quatre fois inférieure à celle des échantillons de lait transformé. [quand on les faisait mousser mécaniquement]».

(LA VOIX DE L’EST, JULIE CATUDAL/LA VOIX DE L’EST, JULIE CATUDAL)

« Ennemis » de la mousse

Il est intéressant de noter que cette même étude a également révélé des différences saisonnières dans le lait d’une même entreprise. Ses clients avaient signalé que son lait moussait bien en été, mais très mal au printemps, et les chercheurs ont constaté des écarts – sans doute dus au fait que l’alimentation des vaches n’est pas la même toute l’année. – qui pourrait l’expliquer.

Ils ont notamment mesuré des concentrations plus élevées d’« acides gras libres », qui comptent parmi les pires « ennemis » de la mousse, dans le lait d’été.

En général, les êtres vivants conservent leurs graisses sous forme de « triglycérides », grosse molécule composée d’un morceau appelé glycérolauquel s’accrochent trois acides gras. Mais sous l’action de bactéries ou d’enzymes naturellement présentes dans le lait, ces triglycérides sont progressivement dégradés et leurs acides gras sont « libérés ».

Or, celles-ci sont connues pour déplacer les protéines à la surface des bulles, ce qui les rend évidemment plus instables. Il y a quelques années, des chercheurs ont mesuré à quel point ces acides gras libres nuisaient à la « cappucinabilité » du lait, en faisant mousser des échantillons de manière très standardisée. À environ 500 milligrammes d’acide gras libre par litre (mg/l), les concentrations les plus faibles contenues dans leurs laits, leur test a produit près de 100 ml de mousse, et celle-ci avait une demi-vie (le temps jusqu’à ce que la moitié disparaisse) d’environ 40 minutes.

Mais en doublant cette concentration, ils n’ont obtenu que 60 ml de mousse, et sa demi-vie raccourcie à 20 minutes. Et aux taux d’acides gras libres testés les plus élevés (environ 1500 à 2000 mg/l), ils n’obtenaient quasiment plus de mousse (environ 30 ml en moyenne, mais parfois seulement 5 ml) et celle-ci disparaissait parfois en moins d’une minute.

Cependant, ces acides gras libres peuvent provenir de sources diverses, parfois très subtiles — même la fréquence de traite des vaches peut faire la différence, c’est tout dire. Ainsi, dans une étude publiée le mois dernier dans le Journal de la science laitièreM. Chamberland et son équipe ont observé que le fromage fabriqué avec du lait de vaches traites trois fois par jour contenait près de 60 % plus d’acides gras libres que celui fabriqué avec du lait de vaches traites seulement deux fois par jour.

Plusieurs autres facteurs que le consommateur moyen connaît à peine influencent également les acides gras, tels que « le traitement mécanique du lait, le nombre de pompages de lait cru, la vitesse de refroidissement, la teneur en cellules somatiques ». [des cellules de la vache, qui contiennent beaucoup d’enzymes pouvant changer la composition du lait]», dit M. Chamberland.

Mais comme la concentration en acides gras augmente inévitablement avec le temps à cause des enzymes et des bactéries, comme nous le disions plus haut, « le meilleur conseil que je puisse donner est de regarder la date de consommation », explique le chercheur. Plus le lait est frais, plus il a de chances de bien mousser. Et quand vous trouvez une marque qui mousse bien, vous pouvez la conserver. Ce sont à peu près les seules choses que le consommateur peut faire.

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