Avec cinq librairies à Toulouse (Haute-Garonne) dans le domaine de la bande dessinée et du manga, le Comptoir du Rêve connaît depuis 2020 une croissance supersonique. Grâce à de nombreux investissements, le succès de l’enseigne fait beaucoup de bruit sur le marché des libraires. .
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Avant même d’entrer dans les librairies toulousaines, le sujet est déjà au cœur des conversations entre clients et vendeurs. Où s’arrêtera le Comptoir du Rêve ? Comment fait-il pour avoir absolument tous les livres ? Les questions sont nombreuses sur cette enseigne spécialisée dans les mangas et les bandes dessinées qui a investi le centre-ville toulousain.
Et pour cause, le Comptoir du Rêve compte aujourd’hui pas moins de cinq magasins à Toulouse. Avec 700 m² et pAvec plus de 60 000 références, l’enseigne est devenue la première librairie spécialisée indépendante en France en termes de choix et de surface. Une réussite totale qui ne manque pas de faire réagir.
Avec une communication efficace sur les réseaux sociaux, un choix de livres incroyable et une capacité financière importante, le Comptoir du Rêve a réussi à conquérir le marché depuis son arrivée à Toulouse, rue Rémusat en 2020. La première boutique spécialisée manga faisait déjà plus de 300 m². « Je voulais rivaliser avec les librairies en ligne comme Fnac ou Amazon. Pour ce faire, il fallait beaucoup d’espace et présenter un maximum de titres. Tout le monde m’a pris pour une folle quand j’ai ouvert cette librairie car c’était un projet extraordinaire.remembers Cyrille Cotelle, manager of Comptoir du Rêve.
Force est de constater que le concept fonctionne. En moins de cinq ans, la rue Rémusat à Toulouse est devenue le repère de Cyrille Cotelle. Il a pu y installer au total quatre magasins labellisés « Comptoir du Rêve », proposant de tout, de la bande dessinée à la romance. « Nous réinvestissons ce que nous gagnons pour croître. Ensuite, nous sommes la première librairie à essayer TikTok, ce qui nous a apporté des clients”demande le gérant.
L’expansion fulgurante du Comptoir du Rêve est scrutée de près par les autres librairies indépendantes toulousaines. Beaucoup s’accordent à dire que la concurrence féroce du Comptoir, comme ils l’appellent, n’est pas facile à vivre.
Mais le marché reste néanmoins viable pour les différents acteurs. Crossover Mangas en est un exemple. Lancée en 2021 et désormais implantée au 16 rue de Metz, l’enseigne a réussi à séduire de nouveaux passionnés. Co-gérant du magasin, Benoit Mino assure qu’il sait « une augmentation du nombre de clients ». Il évoque un « une saine concurrence » with the Comptoir du Rêve, “qui joue au Monopoly, mais qui ne lui a pas volé sa place de premier joueur toulousain.
« Notre objectif est que les clients du Comptoir du Rêve viennent ensuite chez nous » poursuit Benoît Mino. Un constat partagé par un grand nombre de libraires qui acceptent la domination des marques Rue Rémusat et tentent de se différencier pour attirer de nouveaux clients et fidéliser leur clientèle fidèle. « Le Comptoir est hors catégorie, mais une partie du public apprécie davantage le côté intimiste de nos magasins. Nous avons plus de temps pour discuter et conseiller »demande Sylvain, manager manga d’un autre poids lourd du marché : Bédéciné.
Ces visites d’un même client dans différentes enseignes du centre-ville représentent aussi la vision du marché de Cyrille Cotelle : « Je ne pense pas que les librairies se font concurrence. Nous créons un centre d’activité. Les gens viennent au Comptoir du Rêve puis font le tour des autres librairies. C’est dynamique pour tout le monde.
S’il n’est pas l’heure de tirer la sonnette d’alarme, le marché spécialisé du manga et de la bande dessinée semble bien se porter bloqué à Toulouse. “Je ne pense pas qu’il y ait de place aujourd’hui pour un autre acteur”assure Benoît Mino.
Il n’y a plus de place pour beaucoup de monde. Et certains se sont même brûlé les ailes. C’est notamment le cas de la librairie BD Fugue. Implantée en 2012 rue Sainte-Ursule, l’enseigne a été contrainte de fermer ses portes à la fin de l’année dernière. Son ancien manager, Guillaume Hainaut, raconte une période extrêmement compliquée : « J’ai décidé d’investir dans un autre magasin dans la rue, spécialisé dans les mangas. Mais j’ai vite eu des problèmes de trésorerie. J’ai reçu de l’aide d’autres librairies, mais ce n’était pas suffisant. C’était difficile pour tout le monde.
Ironiquement, les locaux de 130 m² ont été rachetés par Cyrille Cotelle, contribuant ainsi à l’agrandissement toujours croissant du Comptoir du Rêve. « Ce sont les lois du marché, c’est dommage. Je n’avais pas d’autre choix que de céder, c’est le tribunal qui l’a décidé. »souffle Guillaume Hainaut, qui tient à souligner que sa fermeture n’a pas été causée uniquement par le Comptoir du Rêve, mais surtout par des problèmes avec les éditeurs et la baisse globale des ventes de mangas.
« C’est une opportunité que j’ai saisieexplique Cyrille Cotelle en parlant du rachat. Je réfléchis désormais si je souhaite conserver la marque BD Fugue ou la nommer Comptoir du Rêve..
Outre BD Fugue, la librairie Les Petits Ruisseaux, spécialisée dans la bande dessinée et la littérature jeunesse, a fermé ses portes en mars dernier dans le quartier de Saint-Cyprien.
Si tant d’acteurs se sont lancés dans le manga, c’est parce que le Covid a fait exploser le nombre de ventes. Mais le marché s’est essoufflé aussi vite qu’il avait décollé. “Il y a eu un véritable boom en 2020, mais maintenant, il est en baisse.»assures Sylvain at Bédéciné. « Nous avons eu une très mauvaise période l’année dernière, nous avons failli fermer »confirme le manager de Crossover Manga. La baisse des ventes de mangas a atteint 12% en 2023.
Certaines librairies indépendantes se retrouvent alors en difficulté, d’autant que le commerce en ligne et les grandes surfaces attirent la clientèle. Il n’est pas nécessaire d’aller bien loin pour se rendre compte de ce contexte délicat. En visite à la librairie Atmosphères, rue des Filatiers, nous sommes interrompus par un jeune homme qui cherche à déposer un CV. La réponse du gérant, Christophe, est cinglante : « impossible de recruter pour moi. Je ne paie même pas le salaire minimum.
Disposant d’une trésorerie suffisante pour absorber cette baisse des ventes, le Comptoir du Rêve se démarque des autres. C’est simple, et tous les libraires sont d’accord sur ce point, les librairies de la rue Rémusat proposent tous les livres dans leur spécialisation respective.
Ce mode de fonctionnement fait débat chez certains acteurs du marché. “Le Comptoir du Rêve has a vision opposite to ours, it is an American company”murmure Yohan Rouanet dans la librairie Terres de Légendes, installée depuis plus de 20 ans rue Gambetta. Une déclaration appuyée par son collègue Jean-Pascal Molus : «Le métier d’un libraire n’est pas d’avoir tout à tout moment, c’est de faire une présélection. Le Comptoir du Rêve est plus proche de Cultura que d’une librairie.
Cyrille Cotelle n’est pas du même avis. Selon lui, le modèle de la librairie indépendante en France ne s’est pas suffisamment réinventé. « Ils font en moyenne 60 à 80 m² donc l’espace est trop petit. Le plus souvent, le libraire ne dispose pas du livre demandé par le client et doit alors le commander. Pour le gérant du Comptoir du Rêve, ce système oriente automatiquement le client vers le commerce en ligne, plus simple à utiliser.
Fier d’avoir lancé un modèle hybride combinant « les conseils avisés de la librairie indépendante et le stock d’espaces culturels »Cyrille Cotelle entend poursuivre son développement : « Ce n’est pas parce que nous gagnons de l’argent que nous avons vendu notre âme. Le Comptoir du Rêve a ouvert un nouveau champ des possibles et j’ai toujours envie de transmettre la passion des livres.