un an après les licenciements chez Papeteries, où sont les Condat ?

« Quelques-uns me font un peu peur… Ils n’ont pas fait le deuil », confie Philippe Delord. Un an après l’arrivée des premiers courriers de licenciement parmi les salariés des Papeteries de Condat, mi-décembre 2023, le constat du représentant CGT du personnel de l’usine du Lardin-Saint-Lazare, en Dordogne, est sérieux et les propos teintés avec inquiétude. Avec l’arrêt de la ligne 4, qui était la dernière en à fabriquer du papier couché double face, le groupe Lecta a supprimé 174 emplois dans l’usine (1).

“Parmi les 105 licenciés, certains s’étaient préparés à l’annonce”, poursuit le syndicaliste de 52 ans, revenu lui-même à Condat d’abord pour un job d’été, à 18 ans. Mais il y en a aussi qui n’ont pas pu s’en rendre compte, un peu dans le déni, comme ce type qui travaillait sur le 4 et qui demandait au facteur ce qu’était ce recommandé. Son père, et avant lui son grand-père, étaient des Condats. Et autrefois, quand on revenait aux Papeteries, c’était pour la vie. Nous partions lorsque nous avons pris notre retraite. Et c’était une famille. »


La mobilisation Condat a duré plusieurs semaines, en 2023, entre manifestations et blocus de l’usine.

archives Philippe Greiller


Les Condat n’ont pas convaincu Lecta de revenir sur sa décision de fermer une chaîne de production et de supprimer 174 emplois, avec 105 licenciements.

Archives Stéphanie Claude

105 licenciés, 58 chômeurs

Où sont ces salariés, de « tous âges et tous profils » ? « Sur les 105, 47 ont trouvé du travail », explique Philippe Delord. Beaucoup dans l’industrie. Ils se trouvent principalement dans le bassin de Brive. Ils sont trois à entrer à l’Imprimerie Timbre de Boulazac. Il y en a quelques-uns qui se sont réinstallés en déménageant. Sur ces 47, 28 sont en CDI. » Et voilà donc ces 58 Condats qui sont désormais au chômage, après congé de reclassement. « On les appelle, on leur donne des pistes dès qu’on entend parler de quelque chose, mais c’est dur. »

C’est parmi eux que l’on retrouve ceux qui « inquiètent » Philippe Delord. Aucun n’a voulu témoigner. « Sans doute pour éviter de ressasser, par fatalisme aussi », pense leur ancien collègue.

Deux mois de congé

Ce n’est pas non plus l’heure de la joie pour les 197 personnes encore employées à l’usine. « La machine ne va pas mal », constate Patricia Canto, représentante FO, qui compte « trente-six ans chez Condat ». Cette fameuse machine, dernière ligne active, la numéro 8, fabrique de la glassine (papier cristal) et des étiquettes depuis 2021, au prix d’énormes investissements et de millions d’euros d’aides publiques.

Le 29 septembre 2023, après une réunion avec la direction des Papeteries de Condat au Lardin-Saint-Lazare. De gauche à droite : Florian Fauchon, du cabinet Secafi qui accompagnait le personnel, et des représentants de l'intersyndicale, Philippe Delord (CGT), Jean-François Sarlat (CFE-CGC) et Patricia Canto (FO).


Le 29 septembre 2023, après une réunion avec la direction des Papeteries de Condat au Lardin-Saint-Lazare. De gauche à droite : Florian Fauchon, du cabinet Secafi qui accompagnait le personnel, et des représentants de l’intersyndicale, Philippe Delord (CGT), Jean-François Sarlat (CFE-CGC) et Patricia Canto (FO).

Archives Stéphanie Claude

Sauf qu’il est loin de « tourner » en continu. Condat aurait du mal à trouver des débouchés suffisants dans un “marché déjà saturé”, selon l’analyse, entre autres, de la maire et conseillère départementale du Lardin, Francine Bourra, qui suit de près le dossier.

La maire du Lardin, Francine Bourra, lors d'une manifestation de défense de l'usine, en septembre 2023.


La maire du Lardin, Francine Bourra, lors d’une manifestation de défense de l’usine, en septembre 2023.

archives Stéphane Klein/ SO

Lecta aurait fixé l’objectif de production pour 2024 de la ligne 8 à environ 96 000 tonnes, selon nos informations. Elle sera réalisée en partie, « avec 85 000 tonnes », selon les données fournies aux services de la Région Nouvelle-Aquitaine, indique son président Alain Rousset.

« Soit la direction nous demande de prendre des congés, soit nous venons à l’usine nettoyer la machine et faire l’entretien »

Or, la fabrication est souvent arrêtée, « avec des micro-arrêts », faute de commandes. « Au total, nous aurons eu au moins deux mois d’arrêt en 2024, en comptant les vacances en août et les maintenances en octobre », évalue Philippe Delord. « On navigue à vue, on avance de jour en jour », ajoute sa collègue Patricia Canto. « Il n’y a plus de chômage technique », explique Philippe Delord. Par exemple, on tourne en début de semaine et après, soit la direction nous demande de prendre des congés, soit on vient à l’usine nettoyer la machine et faire la maintenance. Partir pour les vacances (2), les vacances scolaires, c’est bien… Mais quand c’est un jour ici, un jour là, c’est moins simple à accepter. »

« Nous bradons notre journal »

“Mais surtout, le vrai problème, c’est qu’on brade notre papier”, déplore Philippe Delord. Une tonne de glassine se vend en moyenne 1 800 euros. Le nôtre coûte 1 400 euros, beaucoup en interne, en Espagne, pour un autre site du groupe. Nous ne pouvons pas être rentables, c’est sûr. » Avec ses trente-quatre ans de carton, le sèche-linge « [se] Je doute que ça ne puisse pas durer comme ça.

En 2023, dans les semaines précédant la signature du PSE, le président de Lecta France, Alain Gaudré, n’a cessé d’affirmer que la fermeture de la ligne 4 devait permettre de sauver la ligne 8 et ainsi assurer l’avenir de Condat. Patricia Canto avoue avoir cru, comme beaucoup, que « la glassine était la bonne idée » pour la survie de Condat, mais se demande de plus en plus si c’était vraiment « la bonne veine ». Aujourd’hui, elle trouve « bizarre » le discours de la direction : « Un jour, elle essaie de nous rassurer, puis elle nous dit que c’est très difficile. »

Silence de la direction

« On a fait des tests avec des papiers contact alimentaire, il y a cette piste à explorer. J’imagine que l’actionnaire y travaille», veut croire le syndicaliste. « Mais j’ai vu cette usine découpée en petits morceaux et je me demande si je pourrai y terminer ma carrière. Il me reste trois ans », murmure-t-elle. Philippe Delord partage ses craintes : « On a l’impression qu’on se prépare, comme si la question n’était pas de savoir si on allait fermer mais quand. Le mieux serait d’être vendu [NDLR : hypothèse balayée par Lecta jusqu’à présent]. En 2027 ? » Se voulant optimiste, Alain Rousset constate que « Condat a gagné en compétence et en qualité ».

Dans ses immenses bâtiments, la ligne arrêtée n’a pas été démontée. «Je viens parfois la voir», confie Philippe Delord. Il existe une coucheuse à quatre têtes qui serait le rêve de tout papetier. Et un terrible silence. »

Contactée, la direction de Papeterie a indiqué n’avoir aucune « raison de communiquer ». Le groupe Lecta possède sept usines, en France avec Condat, en Italie et en Espagne, et emploie 2 800 personnes. Celle du Lardin comptait jusqu’à 1 200 salariés.

(1) Les salariés à moins de 30 mois de la retraite pouvaient percevoir 70 % de leur salaire calculé par rapport à leur dernière année de rémunération brute. Aidé à hauteur de 10 000 ou 15 000 euros, huit Condats ont créé leur entreprise.

(2) La fabrication est interrompue depuis le 23 décembre et jusqu’au 4 janvier.

Aux prud’hommes

Une quinzaine de salariés ayant perdu leur emploi aux Papeteries avec le PSE ont saisi les prud’hommes pour contester leur licenciement. « Nous pensons qu’il sera jugé en février 2025 », indique Philippe Delord.

 
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