Figure du patronat industriel français, Didier Pineau-Valencienne est décédé jeudi à l’âge de 93 ans, après avoir radicalement transformé le groupe Schneider qu’il dirigeait depuis 18 ans, avec une réputation parfois sulfureuse de capitaliste de choc.
Atteint la limite d’âge, DPV cède les rênes du groupe matériel électrique en 1999.
Une messe sera célébrée mardi à Boulogne-Billancourt, près de Paris, et il sera inhumé vendredi en Vendée, selon l’avis de décès publié par sa famille dans Le Figaro.
Un passage chez Gallimard
Né le 21 mars 1931 dans une famille de médecins vendéens, Didier Pineau-Valencienne sait vite qu’il ne suivra pas cette voie : « Mon père me disait que je n’avais pas les qualités. J’ai suivi la leçon et j’ai fait autre chose. »
Ce sera du business. Après le lycée Janson de Sailly à Paris, il rejoint HEC, puis l’école de commerce du Dartmouth College aux Etats-Unis, une incursion américaine peu commune à l’époque.
Passionné de poésie, il rejoint Gallimard, où il rencontre André Malraux et Albert Camus.
Mais le monde de l’édition est trop étroit pour lui. En 1958, il rejoint le groupe franco-belge Empain-Schneider.
Il y dirige des filiales en difficulté, puis rejoint Rhône-Poulenc en 1973, où il peaufine son image de redresseur d’entreprises sous l’autorité de Jean Gandois, futur patron des patrons.
Surnommé « DPV la casse »
De retour chez Schneider en 1981, en tant que président, il recentre les métiers de l’électricité cette entreprise créée 45 ans plus tôt par les frères Schneider et qui était devenue un conglomérat hétérogène de 150 entreprises. La sidérurgie et les chantiers navals sont vendus, tout comme l’emballage, les machines-outils, les sports et loisirs, la téléphonie, l’immobilier, etc.
« Du Schneider de 1981, il ne reste que le nom », dit-il.
En 1984, « DPV la casse » – un surnom – ne put éviter la liquidation retentissante du Creusot-Loire, la plus grande faillite de l’industrie française, touchant près de 30 000 salariés.
Des surnoms encombrants fleurissent pour qualifier ce patron au physique rond, mais porte-étendard du capitalisme pur et dur : « fossoyeur », « boucher », « raider sans scrupules »…
“Gérant de l’année 1991”
En 1988, DPV reprend le groupe grenoblois Télémécanique et le fusionne avec sa filiale Merlin Gerin. Son effigie est brûlée par des employés mécontents. Autre bataille, l’OPA hostile en 1991 sur l’électricien américain Square D.
« Il a fallu une volonté de fer », se souvient Gaël de la Rochère, un de ses confrères. « GE, alors premier concurrent mondial, a tenu tête à Schneider, c’était très dur. Jack Welch (alors patron de General Electric, NDLR), était le patron emblématique du monde à cette époque. »
L’opération ouvre les portes des Etats-Unis à Schneider. Le Nouvel Economiste élit DPV « manager de l’année 1991 ». En 18 ans, le chiffre d’affaires a été multiplié par 17, le groupe s’est désendetté.
Sans lui, « le Schneider d’aujourd’hui n’existerait pas »
“Nous devons à DPV le nettoyage du conglomérat laissé par l’aventure familiale”, a déclaré à l’AFP Jean-Pascal Tricoire, actuel PDG de Schneider Electric. « Il a fallu ce courage, dans des années 1980 qui n’étaient pas très favorables aux restructurations : on était plutôt en train de tout nationaliser ! Ce n’était pas facile d’affronter les politiciens et les médias. »
“Il connaissait peu le secteur, mais avait l’intelligence de travailler avec Jean Vaujany, patron de Merlin Gerin, un grand industriel”, ajoute-t-il.
« DPV a incarné l’atterrissage des entreprises techniques dans la finance. C’était l’homme du capitalisme, des fusions et acquisitions… un grand financier. Sans cette époque, le Schneider d’aujourd’hui n’existerait pas », souligne-t-il.
Emprisonné pendant 12 jours
Mais en 1994, Didier Pineau-Valencienne est mis en examen pour des irrégularités présumées dans la gestion de filiales belges. Interrogé à Bruxelles, il a été emprisonné pendant 12 jours.
L’événement marque le monde des affaires et met à rude épreuve les relations diplomatiques franco-belges.
Ce père de quatre enfants, catholique pratiquant, fera une dernière fois la Une de l’actualité en 2006, à l’âge de 75 ans, avec le procès de l’affaire belge. Il a été reconnu coupable, mais non condamné en raison notamment de l’ancienneté des faits.
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