Déléguée générale de la Fédération française de la franchise (FFF), Véronique Discours-Buhot n’est guère surprise par l’explosion du nombre d’enseignes de restauration rapide constatée à Carcassonne, rappelant que 2023 a été florissante pour la franchise à l’échelle nationale. Et estime que le développement de la restauration rapide ne fait que commencer.
Quatre enseignes de restauration rapide en 2024, deux attendues en 2025 : ce développement marqué des franchisés « fast-food » dans la capitale audoise reflète-t-il une tendance nationale ?
En 2023, on constate une très forte croissance de la franchise, que ce soit en nombre de magasins ou en chiffre d’affaires (88,49 milliards d’euros de chiffre d’affaires, en hausse de 15,6%, pour 92.132 points de vente, en hausse de 9%, NDLR). C’est un modèle qui correspond aux attentes des entrepreneurs, engagés sur un concept éprouvé et validé, avec un business model qui a fait ses preuves. Les billets d’entrée varient en fonction de la taille du magasin, de l’emplacement, du nombre d’employés et du chiffre d’affaires prévu. Entre la marque, le savoir-faire du franchiseur et l’accompagnement proposé, cela répond aux attentes de nombreux Français souhaitant créer leur entreprise : selon la dernière étude commandée par la FFF à Opinion Way, plus d’un tiers des salariés (37%) envisagent une reconversion en entrepreneuriat. En devenant franchisés, ils ne se lancent pas de zéro, ils ont un contrat avec la marque ; c’est un point qui rassure aussi les banquiers.
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Comment évolue la restauration, et plus particulièrement la restauration rapide ?
C’est un secteur qui continue à performer. Et cela correspond à un phénomène de société, un changement des modes de vie initié avec le Covid : le click and collect, la vente à emporter se sont imposés. Il existe une manière de consommer très différente, notamment chez les plus jeunes. Mais c’est une « tendance » (une tendance, NDLR) qui touche aussi les personnes âgées, qui n’hésitent pas à commander des plats à emporter pour leur repas du soir. Cela dit, s’il y a un boom de la restauration rapide, la nourriture dite « assis » continue de se développer en franchise, il n’y a pas de cannibalisation. Il s’agit de deux manières de consommer : l’une, jugée plus conviviale, plus familiale, concentrée sur des jours particuliers, en fin de semaine ; l’autre, pour lequel on s’intéresse davantage à la consommation individuelle, quotidienne.
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Les villes moyennes, comme Carcassonne ou Narbonne, sont-elles des cibles privilégiées pour ces enseignes, notamment de restauration rapide ?
Un tiers des magasins franchisés sont situés dans des villes de moins de 20 000 habitants, un tiers dans des villes de 20 000 à 100 000 habitants et un dernier tiers dans des villes de plus de 100 000 habitants. Les enseignes ont des concepts qui répondent à toutes les tailles, les franchiseurs eux-mêmes visent une taille minimale pour les établissements, avec des seuils. Mais le nombre d’habitants n’est pas la seule donnée à prendre en compte, il y a aussi le type de population.
Près d’une dizaine de franchises de restauration rapide pour 45 000 habitants d’ici 2025 à Carcassonne : n’y a-t-il pas un risque de saturation ?
Les marques n’ont aucun intérêt à ce que leurs franchisés échouent. Lors de l’octroi d’une franchise, le franchiseur est tenu de fournir un rapport sur le marché local. Mais le franchisé doit réaliser son étude, qui prendra en compte la concurrence et la population, afin d’envisager un chiffre d’affaires prévisionnel. S’il fait les choses correctement, dans les règles de l’art, il n’y a aucune raison pour que son projet ne fonctionne pas. Sans oublier qu’il a la possibilité de consulter les demandes de permis de construire d’éventuels concurrents en mairie.
Ces franchisés, que ce soit à Carcassonne ou à Narbonne, choisissent tous des zones commerciales. Les centres-villes sont-ils condamnés à se passer de ce qui pourrait être des locomotives pour leur activité ?
Être plus proche d’un territoire est un avantage, puisque les franchisés savent qu’ils peuvent bénéficier d’une clientèle déjà existante. Nous savons qu’il faut un certain nombre de clients, ou de repas, pour qu’une franchise soit viable. Les zones, c’est l’enjeu de la circulation, mais aussi la certitude d’avoir la possibilité de se garer, contrairement aux centres-villes piétonniers, où sont marqués des coûts de stationnement prohibitifs. Nous comprenons bien les mairies et leurs démarches vertueuses ; mais nous les encourageons à adopter une stratégie écologique pragmatique. La FFF est en contact avec l’association des maires de France, avec les gestionnaires de centres-villes, nous faisons également du lobbying auprès du ministère en charge du Tourisme, pour leur dire de faire attention à ne pas ralentir les touristes avec des règles trop draconiennes en termes d’accès et de circulation. .
Ce vendredi 20 décembre, le McDonald’s de Bram, commune de 3 200 habitants, ouvre ses portes. Les agriculteurs organisent un marché de producteurs locaux en signe de protestation pour mettre en avant un symbole de la « malbouffe » : la restauration rapide peut-elle se débarrasser de cette étiquette ?
Je pense qu’il faut mettre fin à l’opposition entre manger vite et bien manger. On voit des concepts de tacos qui revendiquent l’utilisation de produits frais. Les marques américaines ont fait des efforts sur le « healthy food » pour répondre aux attentes de la société et des consommateurs français qu’elles savent exigeants. Mais pour revenir aux agriculteurs, ils ont raison de rappeler que la qualité des produits est essentielle, et ce combat pour redonner le goût du produit et du terroir à notre culture est justifié. C’est grâce à cette lutte qu’une plus grande attention est portée aux réseaux de fournisseurs. Mais nous ne lutterons pas contre cette « tendance » sociale : nous changeons notre mode de vie, nous avons tous besoin de manger vite. La femme qui passe sa journée à la maison à préparer le repas quand le mari rentre du travail n’existe plus, il faut se la mettre dans la tête.
La restauration rapide en deux chiffres
- 317 000. Selon le Crédit Agricole et son étude dédiée à la restauration rapide en 2024, le secteur représenterait 317 000 salariés. La Fédération française de la franchise, dans son rapport 2023, évoque 951 620 emplois directs et indirects liés aux 92 132 points de vente franchisés recensés en France. La FFF estime à neuf le nombre d’emplois générés par franchise. A titre d’exemple, les trois McDonald’s de Carcassonne et Limoux emploient 150 personnes, l’ouverture du Burger King de Carcassonne devait générer 90 emplois et celle du McDonald’s de Bram 40 postes.
- 55 %. C’est la part du chiffre d’affaires de la restauration générée par la restauration rapide. Un pourcentage livré par le Crédit Agricole dans la même étude de marché qui précise que, « les 150 grands restaurants de restauration rapide en France (McDonald’s, Quick, KFC, Burger King, Subway, Brioche Dorée, etc.) ont généré à eux seuls un chiffre d’affaires de 19,04 milliards d’euros ». Une étude qui chiffrait également le prix moyen d’un plat de restauration rapide du jour à 11,32 € : notable, quand, depuis 2019, le prix moyen dans les restaurants a bondi de 8 %.