TikTok a jusqu’au 19 janvier 2025 pour trouver un acheteur américain, sous peine d’être totalement interdit aux Etats-Unis. Son propriétaire chinois, qui se bat depuis de longs mois pour sa survie, pourrait voir son expansion internationale brutalement ralentir.
Le 16 décembre 2024, Shou Zi Chew, le patron de TikTok, dînait avec Donald Trump. La raison de cet entretien ? Convaincre le président élu d’annuler l’interdiction de TikTok, qui entrera en vigueur le 19 janvier 2025 aux États-Unis, par décision du Congrès et du Sénat.
Apple et Google ont déjà reçu des instructions pour supprimer l’application de leurs magasins d’applications, ce qui semble condamner TiKTok à une inévitable interdiction aux États-Unis, qui pourrait à son tour conduire à sa mort en Europe et dans les autres pays occidentaux.
TikTok interdit le 19 janvier 2025 : quelle est la situation aux Etats-Unis ?
Aux Etats-Unis, TikTok est dans le collimateur des autorités depuis 2020. A l’époque, c’était Donald Trump qui s’en prenait à l’application, dans un contexte de fortes tensions entre la Chine et les Etats-Unis. L’ex-président souhaitait forcer la vente de TikTok à Oracle ou Microsoft sous 45 jours, s’il ne voulait pas être brutalement banni du marché américain. Le réseau social, qui avait entamé le processus de vente, s’en était miraculeusement sorti, notamment parce que Donald Trump avait la tête ailleurs après sa défaite à l’élection de 2020, qui a retiré TikTok de ses priorités.
Un peu plus de deux ans plus tard, sous Joe Biden en mars 2023, les autorités américaines décident une nouvelle fois de s’en prendre à TikTok. Le Congrès a vigoureusement dénoncé Shou Zi Chew, son patron, en l’accusant d’être un espion au service de la Chine communiste. Ils ont mis en œuvre une nouvelle loi appelée RESTRICT Act, qui permet aux États-Unis de sanctionner les entreprises chinoises, cubaines, iraniennes, nord-coréennes, russes et vénézuéliennes qui proposent des services utilisés par plus d’un million d’Américains, au nom de la sécurité nationale.
Leur première cible est évidemment ByteDance, le propriétaire de TikTok, qui, avec plus de 170 millions d’utilisateurs, apparaît comme la raison numéro 1 de la création de cette loi.
Un an plus tard, en mars et avril 2024, le Congrès et le Sénat ont officiellement voté l’interdiction de TikTok. Joe Biden a signé le 24 avril 2024 une loi obligeant ByteDance à trouver un repreneur américain pour son application, avec le risque d’être simplement interdit aux Etats-Unis d’ici le 19 janvier 2025. Cette date n’est pas définitive (le président américain a le pouvoir de le reporter de 90 jours), mais met la pression sur ByteDance. Le 20 janvier, si rien ne change, TikTok devra être supprimé de l’App Store et du Play Store, et bloqué des réseaux américains.
Une interdiction américaine de TikTok entraînerait sa mort en France
Dans le collimateur des autorités européennes, qui l’ont notamment pointé du doigt pour son système de rémunération des utilisateurs TikTok Lite, ByteDance n’a pas bonne réputation en Europe. Le groupe chinois est accusé par plusieurs représentants politiques de « stupéfier » les plus jeunes, avec une application qu’il ne propose même pas dans son propre pays. En Chine, TikTok n’existe pas : c’est Douyin, au contenu exclusivement chinois, qui est utilisé.
Si les États-Unis interdisaient TikTok, l’application pourrait progressivement disparaître dans d’autres pays occidentaux. D’abord parce que l’Union européenne, dans une démarche pro-réglementation, pourrait décider de suivre les Etats-Unis. Ensuite parce que TikTok, sans les créateurs américains, pourrait perdre 30 % de ses revenus et des millions de contenus. Face aux Reels (Instagram, Facebook) ou aux YouTube Shorts (Google), TikTok perdrait ainsi de son attractivité.
Donald Trump, le sauveur inattendu de TikTok ?
Quelles sont les chances de survie de TikTok aux Etats-Unis ? En décembre 2024, la perspective d’une vente semble peu probable. La Chine, qui a accepté de se soumettre à l’ultimatum de Donald Trump en 2020, n’entend pas faire de même quatre ans plus tard.
ByteDance veut sauver TikTok et multiplie les recours pour mettre fin à son interdiction, notamment en faisant appel au Tribunal fédéral, qui s’est jusqu’ici toujours prononcé contre l’entreprise chinoise. TikTok a déposé un recours d’urgence devant la Cour suprême le 16 décembre pour retarder l’adoption de la loi, mais ses chances de succès sont faibles. TikTok cite notamment le premier amendement, qui garantit la liberté d’expression aux Américains, mais qui n’a pas été conçu pour protéger les intérêts d’une entreprise étrangère.
Selon ByteDance, une vente de TikTok est « juridiquement, technologiquement et financièrement » impossible. L’entreprise indique qu’il serait impossible de couper l’application en deux, avec le TikTok américain d’un côté, et le TikTok chinois de l’autre. Ce n’est pas le discours qu’elle a prononcé en 2020, ce qui laisse penser à de nombreux observateurs qu’il s’agit avant tout d’une décision politique de Pékin.
Si la Cour suprême ne donne pas raison à TikTok, le dernier espoir de l’entreprise s’appelle… Donald Trump. Le président élu, au cours de sa campagne, a indiqué à plusieurs reprises qu’il soutenait TikTok pour empêcher la création de monopoles comme ceux de Meta, pour lequel il exprime un profond désenchantement. Donald Trump a même fait campagne sur TikTok, notamment en utilisant sa danse YMCA, pour séduire les jeunes électeurs. Il est devenu un soutien inattendu de l’entreprise chinoise, alors même qu’il avait tenté de la détruire quatre ans auparavant.
Pourtant, rien ne dit que Donald Trump sauvera TikTok. Depuis son élection, le milliardaire semble avoir changé d’avis. Dans une interview accordée à NBC News le 8 décembre, il a indiqué que les juges « avez le droit d’interdire une application si vous pouvez prouver qu’elle appartient à des entreprises chinoises. Donald Trump admet qu’il ne déteste plus TikTok depuis qu’il l’utilise, mais ne souhaite pas s’opposer à la justice. Son combat est contre d’autres monopoles américains, tant pis si TikTok en paie les frais.
Lors de sa rencontre avec Donald Trump le 16 décembre 2024, Shou Zi Chew a sans doute tenté de sauver son entreprise, en convainquant le président élu de son caractère non dangereux. Donald Trump a invité Xi Jinping, le président chinois, à son investiture le 20 janvier 2025. Ce geste d’apaisement pourrait être vu comme une bonne nouvelle pour TikTok, mais les pouvoirs du président américain sont limités. TikTok pourrait éventuellement obtenir un sursis, mais son interdiction semble désormais inévitable.