(Québec) Les spécialités médicales où il y a plus de femmes gagnent en moyenne 30 % de moins que celles à prédominance masculine, dénonce l’Association des pédiatres du Québec (APQ), qui se tourne vers les tribunaux pour mettre fin à cette iniquité tolérée par son syndicat. selon elle.
Publié hier à 6h00
Ce que vous devez savoir
L’Association des pédiatres du Québec demande à la Cour supérieure d’obliger son syndicat, la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), à corriger les inégalités envers les femmes médecins spécialistes.
C’est la FMSQ qui assure la répartition par spécialités du package salarial négocié avec le gouvernement, estimé à 5 milliards.
Dans le cadre de ses négociations avec la FMSQ, le ministre Christian Dubé souhaite avoir plus de contrôle sur cette enveloppe.
L’APQ rompt les rangs et accuse la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) de « violer ses obligations syndicales » en laissant perdurer les inégalités de rémunération des femmes, apprend-on La presse. Les pédiatres – spécialité majoritairement féminine – se disent victimes de « traitements arbitraires » au sein de leur fédération.
Une demande d’injonction a été déposée jeudi en Cour supérieure par l’APQ et son président, le Dconcernant Marie-Claude Roy, pour forcer l’important syndicat des médecins à rétablir la situation.
« La pédiatrie est la deuxième spécialité médicale qui compte la plus forte proportion de femmes. Les pédiatres font donc partie de ceux qui subissent de plein fouet cette discrimination systémique, qui s’inscrit dans une tendance à dévaloriser certaines tâches traditionnellement associées aux rôles féminins et maternels », écrit-on dans le document consulté par La presse.
On déplore que les huit spécialités composées de la plus grande proportion de femmes, comme la pédiatrie, la gériatrie et l’obstétrique, soient payées « environ 30 % de moins que les huit spécialités à prédominance masculine », comme les urologues, les chirurgiens orthopédistes et les médecins nucléaires.
L’écart s’explique notamment par une rémunération par service plus faible dans les spécialités à prédominance féminine, estime l’APQ. Par exemple, chez les obstétriciens (la spécialité qui compte le plus de femmes médecins), une biopsie de la vulve est payée 23,75 $, alors que le montant pour une biopsie cutanée est de 32,60 $, selon une étude réalisée par la firme Raymond Chabot Grant Thornton.
L’APQ n’a pas voulu nous accorder d’entrevue pour expliquer sa démarche juridique.
De son côté, la FMSQ affirme dans une déclaration transmise à La presse qu’un « important exercice d’équité » a été lancé en 2022 pour « revoir les répartitions monétaires entre les Associations afin de refléter la valeur réelle des actes médicaux ».
« La Pédiatrie vient de décider de recourir aux tribunaux pour faire valoir ses seuls intérêts dans le cadre de cet exercice, et ce avant même sa conclusion », déplore la FMSQ qui dit vouloir « faire avancer [l’]enjeu important » d’équité pour ses quelque 10 000 membres.
« Sous-évaluation systémique »
Selon l’APQ, le problème réside aussi dans la répartition de l’enveloppe salariale des médecins. Les 35 spécialités représentées par la FMSQ se partagent les 5 milliards de dollars négociés avec Québec. Le gouvernement Legault réclame également un plus grand contrôle de ces sommes dans ses négociations.
Par exemple, l’APQ constate que l’enveloppe globale destinée aux pédiatres représente 81 % de celle accordée aux ophtalmologistes, même si les pédiatres sont deux fois plus nombreux et qu’ils effectuent cinq fois plus de travail lors d’horaires défavorables.
« Ce phénomène s’inscrit dans une sous-valorisation systémique de certaines compétences associées aux métiers du care (travail de soins) et le travail invisible, comme les compétences sociales, relationnelles, émotionnelles et interpersonnelles », argumente l’association.
« La sous-valorisation chronique de ces compétences s’explique notamment par le fait qu’elles ont longtemps été considérées comme un prolongement du rôle traditionnel de mère ou d’épouse – des tâches qui ne devraient donc pas être rémunérées. Cela se reflète, entre autres, dans le fait que les spécialités les mieux rémunérées sont également associées à des compétences « traditionnellement masculines » », écrivons-nous.
« À terme, cela se traduit aussi par une sous-évaluation monétaire des actions réalisées par les pédiatres, dont la nature de travail s’éloigne généralement du domaine purement technique ou chirurgical », peut-on lire dans la demande d’injonction de l’APQ.
Discorde avec la FMSQ
L’APQ a tenté à plusieurs reprises de sensibiliser le syndicat à la réalité de ses membres, apprend-on dans la demande. En mars 2023, les délégués ont même adopté une résolution pour que la FMSQ et son conseil d’administration « mettent en œuvre l’équité en matière de rémunération comme principe directeur ».
Selon l’APQ, la FMSQ « ne fait aucun suivi et ne traite pas sérieusement » ses demandes visant « à rectifier la tarification de certaines procédures ». En juillet 2024, l’association adresse au syndicat des médecins un avis de médiation. Après un échange de quelques lettres entre procureurs, la FMSQ a refusé la proposition, est-il indiqué dans le document.
En fait, la FMSQ semble avoir complètement cessé de remplir son devoir de défendre et de représenter les intérêts de l’APQ.
Extrait de la demande d’injonction
Dans sa démarche, l’APQ demande au tribunal d’ordonner à la FMSQ de mettre en œuvre « une approche de type Analyse comparative entre les sexes » et de « traiter les demandes de l’APQ » de manière « équitable, objective et transparente ». et standardisé.