l’essentiel
Plus qu’une menace nucléaire, le missile hypersonique russe Orechnik incarne une démonstration de force, selon Christian Maire, chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique.
Les États-Unis ont prévenu jeudi que la Russie pourrait frapper à nouveau l’Ukraine « dans les prochains jours » avec un missile hypersonique Orechnik, en réponse aux lancements de missiles de fabrication américaine lancés par Kiev contre l’Ukraine il y a deux jours.
Depuis le 21 novembre, date du premier lancement d’Oreshnik au-dessus du Dnipro, la communauté internationale craignait que la Russie ne possède un missile capable d’emporter des têtes nucléaires. D’autant plus que Moscou a révisé sa doctrine nucléaire en septembre dernier pour pouvoir cibler tout État apportant son soutien à l’Ukraine. Mais la menace nucléaire russe existait déjà avant l’apparition de l’Orechnik, selon Christian Maire, chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS).
Le déploiement de l’Orechnik a suscité la surprise et l’inquiétude de la communauté internationale. En quoi diffère-t-il des autres missiles ?
Avant le 21 novembre, les autorités russes n’avaient jamais piloté l’Orechnik, même pas à des fins d’essais. Son utilisation opérationnelle a été une surprise. Concernant ses caractéristiques, les autorités russes ont indiqué que l’Orechnik est capable d’atteindre une vitesse de Mach 10, soit environ 12 350 km/h (3 kilomètres par seconde), avec une autonomie maximale comprise entre 5 500 et 5 800 km. En plus de pouvoir emporter à la fois des ogives conventionnelles et nucléaires, il est équipé de sous-munitions classées hypersoniques, ce qui rend en théorie très difficile son interception.
L’utilisation d’Orechnik signifie-t-elle que la Russie est prête à utiliser l’arme nucléaire ?
En réalité, la menace nucléaire existait avant l’apparition de l’Orechnik. L’un de ses prédécesseurs, le Yars, pouvait parcourir 11 000 à 12 000 km en emportant trois ogives nucléaires. L’avantage d’un missile comme l’Orechnik est cependant qu’il est optimisé pour une portée intermédiaire et qu’il possède la capacité d’une frappe non nucléaire.
Pourquoi Vladimir Poutine a-t-il décidé de l’utiliser à ce stade du conflit ?
L’utilisation de l’Orechnik le 21 novembre était censée être une démonstration de force de la part de la Russie. Il a démontré, d’une part, qu’il pouvait atteindre avec précision une cible située à 800 km avec un missile conçu pour atteindre 5 500 km en utilisant plusieurs ogives nucléaires et des ogives non nucléaires ; tout en sachant, en revanche, que les Ukrainiens ne disposaient pas a priori de systèmes antimissiles capables d’intercepter les ogives de l’Orechnik.
Washington a annoncé que Moscou pourrait frapper Kiev dans les prochains jours avec Oreshnik. La menace est-elle réelle ?
Dans le cadre des accords de contrôle des armements entre la Russie et les États-Unis, les deux puissances sont obligées de s’avertir mutuellement avant chaque lancement de missiles balistiques stratégiques : le but est que le déploiement d’une telle arme ne soit pas interprété à tort comme une attaque nucléaire. Quand Washington déclare que Moscou pourrait encore faire voler l’Orechnik, il pourrait donc s’agir d’un nouveau lancement opérationnel [visant à atteindre une cible].