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Pourquoi, dans un voyage en avion, faut-il payer le siège et les bagages ? Le prix indiqué ne devrait-il pas inclure un siège choisi lors de l’achat du billet ainsi que les bagages ?
Difficile de résister à la tentation de réserver un billet à prix réduit pour Paris, Cancun ou New York à l’approche du Black Friday. Mais derrière ces offres attractives se cache une tendance lourde chez les transporteurs aériens : celle de ne plus inclure les bagages en soute, la sélection des sièges ou les repas à bord, services devenus un luxe qui alourdit vite la facture.
« Si vous voulez un service, vous devez payer. C’est la nouvelle façon de voyager maintenant et il faut s’y habituer, il n’y aura pas de retour en arrière», prévient Mehran Ebrahimi, directeur de l’Observatoire international de l’aéronautique et de l’aviation civile et professeur à l’UQAM.
Au cours de la dernière décennie, les grandes compagnies aériennes ont réduit une à une les services autrefois inclus dans le prix de base d’un billet d’avion. Si vous optez aujourd’hui pour la catégorie tarifaire la moins chère en classe économique, vous devez mettre un terme à vos bagages enregistrés gratuits et payer un supplément. Dans de nombreux cas, vous devrez payer des frais pour présélectionner votre siège, obtenir un repas ou accéder à un divertissement.
«Moins pour le même prix»
Les voyageurs ont donc l’impression que les prix des vols ont peu augmenté, voire diminué, mais ils sont confrontés à une nouvelle forme de « reflation ». « Comme à l’épicerie, ils en ont moins pour le même prix », constate M. Ebrahimi. Les entreprises créent de nouvelles catégories de sièges dits « low-cost », mais les prix sont similaires à ceux des anciennes catégories, qui comportaient davantage de services. »
Non seulement ces surcoûts se propagent à tous les services à bord, mais surtout ils sont de plus en plus élevés. « Il y a trois ou quatre ans, il me coûtait environ 50 $ pour réserver un siège avec plus d’espace pour les jambes. Aujourd’hui, je dois payer environ 100 dollars », donne en exemple le professeur.
Les frais de bagages ont également grimpé en flèche. En dix ans, le coût de l’enregistrement des bagages a augmenté d’au moins 40 %. “La valise est devenue la vache à lait des entreprises”, soutient M. Ebrahimi. En 2023, à l’échelle mondiale, les frais de bagages ont rapporté aux transporteurs aériens près de 33,3 milliards de dollars américains (plus de 46,5 milliards de dollars canadiens), soit 4,1 % du total de leurs revenus, selon la société de conseil IdeaWorksCompany.
Au cours de la dernière année seulement, WestJet, Air Canada, American Airlines et United Airlines ont à leur tour augmenté les frais d’enregistrement d’un premier bagage enregistré de 5 $ pour leur catégorie de siège la moins chère. Un passager paie désormais entre 35 $ et 42 $ pour amener sa valise en soute chez Air Canada, et entre 45 $ et 54 $ chez WestJet. “À moins de payer un billet d’avion dans une catégorie plus chère qui inclut les bagages”, note M. Ebrahimi. Mais payer plus cher sa valise ou son billet, c’est la même chose. »
« Cela mélange les gens et rend l’achat d’un billet plus difficile. C’est difficile de savoir ce qui est inclus ou pas pour pouvoir ensuite comparer des pommes avec des pommes », déplore Sylvie De Bellefeuille, directrice des services juridiques chez Option consommateurs, arguant qu’il est souvent nécessaire de lire les petites notes de pied de page ou de chercher dans les Consultez le site Web du transporteur pour comprendre ce que comprend la catégorie du billet.
Limites à ne pas dépasser
L’ajout de frais accessoires toujours plus élevés était inévitable, selon M. Ebrahimi. Il rappelle que ce sont les compagnies low-cost qui ont popularisé cette façon de faire dans les années 1980. Souhaitant proposer des vols abordables pour démocratiser les voyages, ils ont réduit les services annexes pour se tailler une place sur le marché.
La hausse des coûts de carburant, des coûts d’exploitation, la fluctuation des prix des billets et la concurrence croissante ont fini par convaincre les grands noms de l’aviation de suivre la tendance. “Les entreprises n’ont pas le choix si elles veulent continuer à proposer des prix attractifs aux voyageurs”, poursuit le professeur.
Et puis? « Après les bagages enregistrés, c’est le bagage cabine que l’on va payer », prédit-il. Certains transporteurs à bas prix, comme Sunwing, Flair Airlines et Porter Airlines, ont déjà commencé à facturer le transport.
« Jusqu’où irons-nous ? Ce sont les règles de l’aviation qui fixeront des limites. Nous l’avons vu lorsque Ryanair a voulu faire payer l’utilisation des toilettes et a envisagé de faire voyager les gens debout. Côté sécurité, ça ne marche pas», constate M. Ebrahimi. Il ajoute qu’il existe une limite acceptable de clients que les entreprises ne peuvent pas franchir, au risque de perdre des voyageurs. « Et un siège vide coûte très, très cher à une entreprise. »