Même si la FTQ-Construction a publiquement clamé qu’elle ne savait rien des agressions sexuelles commises par son ex-président Rénald Grondin, son AMI locale a tenté pendant trois ans d’acheter le silence de la victime. Et lorsque cette dernière a finalement accepté l’accord, c’est son propre agresseur qui l’a signé.
En octobre 2016, la victime a signé une « quittance définitive et complète » avec l’Association locale des manœuvres interprovinciales (AMI) ; elle a reçu une somme imposable d’environ 60 000 $ qui lui était due en raison de ses conditions de travail, mais a accepté en échange de garder secrets les raisons de son départ et a renoncé à tout recours judiciaire.
Ce n’est autre que Rénald Grondin, son agresseur, qui a signé le document au nom de l’AMI locale.
Les négociations avaient commencé trois ans plus tôt, selon des documents que notre Bureau d’enquête a pu consulter.
Au cœur des discussions entre 2012 et 2016, on retrouve l’avocat Robert Laurin, qui a porté plusieurs casquettes :
- Il défendit Grondin contre sa victime devant la Commission des dommages professionnels ;
- Il a également représenté l’AMI locale dans les négociations avec la victime ;
- Enfin, parallèlement, il a représenté la FTQ-Construction (FTQ-C) devant la Commission Charbonneau qui enquêtait sur l’attribution et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction.
Me Robert Laurin lors de son témoignage devant la Commission d’enquête sur l’attribution et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction en 2012.
Photo Chantal Poirier / Le Journal de Montréal
Joint au téléphone, Robert Laurin a nié que cela aurait pu le placer dans une situation de conflit d’intérêts.
« On m’a reproché de ne pas avoir dénoncé M. Grondin lors de sa nomination à la présidence de la FTQ-C. […]. Je suis tenu au secret professionnel et je ne suis pas là pour dénoncer les clients que je représente”, a commenté ce dernier, affirmant qu’il n’y avait pas eu de “manigances” dans cette affaire.
Photo Agence QMI, Joël LEMAY
En 2022, lorsque les agissements commis par Grondin ont été révélés, la FTQ-C a publié un communiqué laconique affirmant qu’« aucune décision compromettante concernant Rénald Grondin n’avait été rendue » lors des recherches menées sur son parcours. avant de le nommer à la présidence en 2018.
Ni Rénald Grondin, ni la FTQ-C, ni l’AMI locale n’ont souhaité commenter.
Attaques sordides
Dans sa décision du 31 octobre 2012, la Commission des accidents professionnels détaille ce que la victime de Grondin, une secrétaire administrative, a enduré pendant des années. Le tribunal a reconnu qu’elle avait subi un préjudice professionnel suite aux agressions qu’elle avait subies. Selon nos informations, la victime a ensuite été déclarée inapte au travail. Voici quelques extraits de la décision :
« Ces attaques l’ont amenée à devenir déprimée et à devoir arrêter de travailler. Elle indique également qu’elle a peur des représailles envers elle-même, envers son fils de 4 ans et envers son père.
«Sous divers prétextes, il [Rénald Grondin] lui a demandé de venir à son bureau, il a verrouillé la porte et l’a attaquée. L’employée explique qu’elle essayait de le repousser […]mais il a banalisé l’événement et a mentionné vouloir être « proche de sa secrétaire ».
« Le même schéma s’est poursuivi pendant deux ans. Parfois, il l’agressait dans le parking souterrain de l’immeuble après l’avoir attirée sous de faux prétextes.
«Son supérieur répétait souvent que personne ne pouvait aller travailler ailleurs, en utilisant un langage grossier.»
“Le tribunal tient à souligner que l’employeur n’a présenté aucune preuve contraire à celle présentée par le travailleur.”