«Je ne parierais pas contre cet entrepreneur», affirme le gestionnaire de portefeuille Nicolas Chevalier, de la firme Gestion Pembroke.
Publié hier à 5h00
«C’est l’un de nos grands entrepreneurs. Non seulement pour ce qu’il a fait avec Groupe Dynamite, mais aussi pour ce qu’il a fait comme promoteur immobilier avec Royalmount, le Quartier DIX30 et le complexe Four Seasons. Groupe Dynamite connaît un grand succès. Peu de détaillants canadiens ont connu du succès aux États-Unis. Cela se compte sur les doigts d’une main», explique l’expert en placements.
Si Andrew Lutfy et son équipe continuent d’exécuter, c’est un titre qui devrait très bien se comporter en bourse, selon l’analyste François Watier du cabinet Van Berkom.
« La croissance des ventes et les marges à magasins comparables sont là. Les marges brutes de 60 % et plus sont très impressionnantes », ajoute ce spécialiste des petites capitalisations.
« C’est la beauté du commerce de détail. Quand ça marche et que la marque résonne, c’est très rentable. »
La rapidité avec laquelle les actions sont vendues fait écarquiller les yeux des professionnels de l’investissement. Le taux de rotation des stocks est de 8x. Concrètement, cela signifie que l’entreprise vend ses stocks tous les 45 jours, tout en générant des marges bénéficiaires très élevées, ce qui apparaît exceptionnel dans un secteur où un taux de rotation de trois à quatre fois celui des stocks est la norme.
« Costco retourne beaucoup ses stocks, mais ses marges sont très faibles. À l’inverse, Birks garde longtemps ses bijoux dans ses rayons, mais ses marges sont énormes. Faire les deux n’est pas facile », souligne Nicolas Chevalier.
Groupe Dynamite réussit notamment à réduire les risques liés au secteur de la mode grâce à sa flexibilité et sa commercialisation rapide. Environ 60 % des produits passent de la conception au centre de distribution dans un délai de 9 à 15 semaines, et près de 30 % dans un délai de livraison flash inférieur à 8 semaines.
« C’est extraordinaire. C’est de la fast fashion sous stéroïdes», affirme François Watier.
Vendre du linge qui coûte quelques dollars à fabriquer pour 30 à 40 dollars est un système assez lucratif.
François Watier, de la firme Van Berkom
Le modèle économique repose sur des fabricants en Asie capables de fabriquer rapidement à moindre coût, précise-t-il.
Le niveau opérationnel est incroyable, note Philippe Côté, gestionnaire de portefeuille et directeur de la recherche chez Eterna Investment Management. « On les surprend rarement à vendre des actions à prix réduit », dit-il.
François Watier dit que Gap faisait dans les années 1990 ce que Dynamite est capable de faire aujourd’hui, c’est-à-dire vendre beaucoup de vêtements au prix fort.
« Quand on commence à avoir des stocks excédentaires et qu’on doit faire des liquidations, la marque perd un peu de son éclat, et tout d’un coup, le pull à 35 $ passe à 22 $, et la marge passe de 60 % à 38 %. C’est le cercle vicieux de la mode. »
Les stocks sont gérés de manière très serrée, ce qui explique le taux de rotation élevé des stocks, explique Nicolas Chevalier. « Andrew Lutfy préfère perdre une vente plutôt que de devoir vendre des vêtements. C’est ce qui distingue Dynamite de nombreux autres détaillants. »
Une grande question est de savoir si les clients seront toujours désireux de faire leurs achats dans les magasins Dynamite et Garage dans 10 ans.
« Ce n’est pas une affaire facile. Mais Andrew Lutfy l’a fait. Il a une recette qui marche, affirme Nicolas Chevalier. Il faut constamment se réinventer dans ce secteur. L’année prochaine, sera-ce la robe bleue, la noire ou la rose, et quelle longueur ? Et quelle quantité commander ? »
Les experts interrogés par La presse conviennent que la valorisation recherchée se situe dans une zone raisonnable en raison de la possibilité de croissance, la société ayant l’intention de se développer davantage aux États-Unis et à l’international.
« Le marché est vaste. Le potentiel est très grand», estime Nicolas Chevalier.
Andrew Lutfy offre au public un bloc de 14,3 millions d’actions dans une fourchette proposée de 19 à 23 dollars chacune, ce qui donne à la société une valeur approximative de 2,3 milliards de dollars.
En fonction du prix initial qui sera fixé, la valorisation recherchée équivaut à un multiple de 18 à 20 fois les bénéfices nets des 12 derniers mois.
Le gestionnaire de portefeuille Alain Chung chez Claret affirme que c’est une très bonne entreprise qui fonctionne de manière très efficace.
«Cependant, ce n’est pas dans un segment où la récession et la mode ne l’affectent pas. C’est aussi le genre d’entreprise dont les actions peuvent aller de 20 $ à 60 $, car à mesure que de nouveaux magasins ouvrent, cela devient de plus en plus rentable. »
Il s’attend à ce que le titre se comporte à peu près comme celui d’Aritzia, un détaillant de Vancouver.
Dans l’intérêt de tous
Cela faisait longtemps qu’il n’y avait pas eu d’introduction en bourse au Québec. Tout le monde a intérêt à ce que cela fonctionne, Andrew Lutfy en premier lieu, affirme François Watier.
«Tous les grands banquiers du Québec sont impliqués dans l’opération. »
François Watier croit que l’intérêt sera au rendez-vous et considère qu’il est très possible que le prix initial soit fixé à une valeur supérieure à la fourchette attendue.
Nicolas Chevalier pense de son côté que si Andrew Lutfy accepte de laisser un peu d’argent sur la table pour ses nouveaux partenaires, c’est-à-dire les investisseurs qui rachèteront ses parts, l’opération devrait réussir.
« À terme, cela sera bénéfique pour le titre et pour lui-même, et cela évitera de laisser un goût amer qui pourrait limiter l’expansion du multiple de valorisation après l’opération. »
Philippe Côté juge que le moment est favorable pour le Groupe Dynamite, car la croissance des ventes à magasins comparables à 15 % est supérieure aux moyennes historiques des six premiers mois de 2024, qui risquent d’être difficiles à maintenir en fin d’année. l’avenir, selon lui. Il souligne également l’engouement de la bourse et les baux de location renouvelés à des taux avantageux pendant la pandémie qui pourraient éventuellement être renouvelés à la hausse.
Même si la possibilité de tarifs imposés par l’administration Trump peut engendrer des incertitudes quant à l’expansion de la marge, François Watier croit que Dynamite peut maintenir et même augmenter sa marge brute de 60 % sur un pull à 50 $, par exemple.
« Même avec une augmentation de prix de 5 $, soit 10 %, le pull reste relativement abordable par rapport aux concurrents qui vendent leurs pulls à 150 $. Dynamite propose donc une alternative abordable aux consommateurs, un point important à considérer dans le contexte actuel. »
Le Groupe Dynamite en bref
- Siège social : Montréal
- PDG et président : Andrew Lutfy
- Symbole boursier : GRGD à Toronto
- Marques : Dynamite et Garage
- Nombre de magasins : 299, dont 114 aux Etats-Unis
- Nombre d’employés : 6000 (70% à temps partiel)
- Chiffre d’affaires : 888 millions*
- Bénéfice net : 128 millions*
*Pour la période de 12 mois se terminant début août