Ponzi et transactions irrégulières, selon un expert

Le juricomptable mandaté par les millionnaires qui poursuivent Robert Giroux pour 150 M$ en lien avec la débâcle du Groupe Huot est catégorique : les transactions réalisées présentent toutes les caractéristiques d’une chaîne de Ponzi, mettant en doute le fait que des investisseurs véritablement informés auraient injecté plus d’argent dans un tel modèle.

François Filion n’en est pas à son premier cas d’envergure. L’expert du cabinet KPMG avait notamment témoigné pendant plusieurs jours au procès de Vincent Lacroix, condamné pour le scandale Norbourg.

Selon son analyse, force est de constater que certaines des transactions observées entre les entreprises de Robert Giroux, les fonds d’investissement privés Q-12 et FIISH ainsi que les entreprises de Stéphan Huot présentent des « caractéristiques de Ponzi ».

Qu’est-ce qu’une combine à la Ponzi ?

« La fraude à la Ponzi consiste à prendre de l’argent appartenant à un investisseur pour payer de faux rendements à d’autres investisseurs ou simplement pour rembourser des investisseurs qui souhaitent récupérer leur argent. Les fraudeurs peuvent ainsi donner la fausse impression que l’argent investi rapporte de bons rendements et qu’il n’y a aucun problème à récupérer l’argent investi.»

Source : Autorité des marchés financiers

Son analyse révèle que l’empire Huot est en déficit depuis plusieurs années et qu’il peine à rembourser les intérêts qu’il doit aux investisseurs qui lui ont accordé des prêts. Pour compenser cela, Robert Giroux aurait demandé d’autres injections de fonds aux millionnaires, argent neuf qui servait selon l’expert à rembourser certains intérêts.

« Ils recevaient l’argent de leurs intérêts, alors ils ont l’impression que la roue tourne. Sauf qu’ils ont reçu l’argent apporté par les investisseurs», a expliqué le juricomptable lors de son témoignage.

Photo tirée du compte Linkedin de François Filion

Illusion de sécurité

Ce rouet, François Filion l’a décrit lors de son témoignage comme « l’illusion » que tout allait bien pour le Groupe Huot et par le fait même, pour l’argent des investisseurs.

«C’est une illusion car ce ne sont pas des sommes qui ont été générées par les activités de Stéphan Huot», a expliqué le juricomptable.

Au total, près de 120 M$ ont été investis dans le prêt FIISH entre 2017 et 2022 pour financer les projets du Groupe Huot. Dans son analyse, M. Filion a déterminé qu’environ 11 % de ce montant a été utilisé pour des transactions de type Ponzi, soit environ 10 M$.

« Cela représente 6,9 ​​millions de dollars d’intérêts pour les investisseurs qui ont été payés à partir de leur argent d’investissement. Tous ces paiements entretiennent l’illusion que le système fonctionne », a insisté l’expert financier.

Et pour les prêts FIISH et Q12 combinés, 40 millions de dollars de transactions irrégulières ont été mis au jour par ces derniers.

Le chantier de construction d’une des phases du projet Ariela

Photo Vincent Desbiens, Journal de Québec

S’ils avaient su

Ces manœuvres étaient nécessaires selon M. Filion pour maintenir à flot le navire de Stéphan Huot. Et puisque l’illusion a fonctionné, personne n’a cherché plus loin lorsque le moment est venu d’injecter davantage d’argent, affirment les plaignants.

Mais les déficits étaient bel et bien là. (Voir encadré ci-dessous)

Le Groupe Giroux était-il au courant de ces déboires ? C’est la question posée à plusieurs reprises par M.e François Valin, avocat des plaignants, à l’expert KPMG.

« Eh bien oui, c’est sûr. C’est eux qui géraient le prêt et qui généraient une partie des revenus des commissions du prêt», a expliqué François Filion, soulevant lui-même une question fondamentale dans toute cette affaire.

« Si les investisseurs avaient su dès le départ qu’il était déficitaire, y aurait-il eu 58 millions de dollars ajoutés au fonds ? Il faut se poser la question. »

Robert Giroux a assuré lors de son témoignage avoir informé les sponsors de ce qu’il a décrit comme « les problèmes de liquidités temporaires de Stéphan Huot ». Les millionnaires, pour leur part, ont témoigné qu’ils étaient « tombés de leur siège » lorsqu’ils ont appris la débâcle du Groupe Huot, qui a culminé avec une faillite causée par des dettes de plus d’un milliard de dollars.

Groupe Huot : des problèmes financiers chroniques selon l’expert

Si Robert Giroux a insisté à plusieurs reprises dans son témoignage que les problèmes de Stéphan Huot n’étaient que des « difficultés de liquidité passagères », l’expert de KPMG qui a analysé le dossier des investisseurs trompés dresse un tableau très clair. autre.

« Pour moi, ce n’est pas du tout temporaire. C’était chronique, les difficultés financières [du Groupe Huot]», a répété à plusieurs reprises François Filion, juricomptable mandaté dans la poursuite de 150 M$ contre Robert Giroux.

Depuis 2017

Selon l’analyse de l’expert, Stéphan Huot et ses entreprises connaissent des difficultés de liquidité depuis 2017. Pour compenser cela, l’homme d’affaires a demandé plusieurs prêts, de montants importants, assortis de taux d’intérêt élevés et de frais de gestion accumulés.


Photo STEVENS LEBLANC

Entre 2017 et 2022, François Filion a expliqué que le Groupe Huot avait des obligations de 98,4 M$ en intérêts et frais sur ces emprunts. Un montant bien supérieur à ce que rapportaient ses activités.

“C’est beaucoup d’argent. Quand on considère que vos opérations immobilières génèrent 56 M$, il y a un problème. On ne peut pas avoir moins de revenus que de dépenses », a décrit l’expert, précisant que ce qui était « non rentable » pour le Groupe Huot, c’était le poids que représentaient les obligations liées à ses nombreux emprunts.

« Le prêt FIISH a pesé extrêmement lourdement sur l’exploitation de Stéphan Huot au niveau de sa rentabilité et de sa capacité à respecter ses obligations.


Poursuite de 150 M$ contre Robert Giroux : Ponzi et transactions irrégulières, selon un expert

Partenariat Huot-Giroux : rentabilité à sens unique

S’il fallait trouver une image pour illustrer l’effet que les prêts des fonds FIISH et Q-12, administrés par Robert Giroux, ont eu sur Stéphan Huot, ce serait probablement une bouée de sauvetage avec une tonne de briques attachées. Bien.

Car les nombreux emprunts qui ont permis à l’empire Huot de maintenir temporairement la tête hors de l’eau s’accompagnaient de tels frais qu’ils ont finalement provoqué sa chute. Et Robert Giroux, il l’a collectionné selon François Filion, juricomptable.

« Tout cela profite à 100 % à Robert Giroux », conclut l’expert du cabinet KPMG.

Selon ses calculs, 75 % des revenus des différentes entreprises de Robert Giroux de 2017 à 2022 étaient attribuables au Groupe Huot, soit un montant de 71,8 M$. De ce montant, 44 M$ provenaient uniquement des frais de traitement, des services financiers, de la gestion et de l’administration des différents prêts.

De 2017 à 2022, le patrimoine personnel de Robert Giroux et de ses entreprises aurait bondi de près de 50 M$, principalement parce que le Groupe Huot payait pour lui.


Poursuite de 150 M$ contre Robert Giroux : Ponzi et transactions irrégulières, selon un expert

Photo tirée de la page Facebook de Robert Giroux

L’effet boule de neige

Plusieurs témoins ont parlé depuis le début du procès de 150 M$ de l’effet boule de neige. On comprend maintenant que cette boule de neige s’est transformée en avalanche qui a englouti le Groupe Huot.

«La boule de neige, ce sont les montants des intérêts», a expliqué l’expert en juricomptabilité François Filion dans son témoignage la semaine dernière.

Au fil des années et des déficits accumulés, Stéphan Huot n’a eu d’autre choix que de contracter de nouveaux emprunts pour poursuivre ses opérations. Et chacun de ses prêts était assorti de nouveaux intérêts et de frais de gestion et de service.

Au fil des mois, la boule de neige s’est agrandie.

Finalement, en 2022, Stéphan Huot devait un total de 20 M$ annuellement en intérêts et frais sur le prêt FIISH de 118 M$.

« Chaque frais que nous ajoutons réduit la capacité de remboursement de Stéphan Huot », a conclu François Filion.

“Un jour, tout s’arrête.”

La défense arrive à l’automne

Le témoignage de François Filion cette semaine peut paraître accablant pour Robert Giroux, à qui le juricomptable attribue une partie de la responsabilité dans la débâcle du Groupe Huot et les pertes qui en ont résulté pour les millionnaires qui ont prêté des sommes importantes. Mais les avocats de l’homme d’affaires feront entendre leur propre expert à l’automne.

Luc Marcil, juricomptable du cabinet LMD, a fait le même travail que son homologue, mais pour les prévenus. Évidemment, ses conclusions risquent d’être différentes.

En contre-interrogatoire, Me Sylvain Rigaud, avocat de Robert Giroux, a mentionné à quelques reprises qu’«on verra à l’automne». Une fraude à la Ponzi ? « Nous pensons que c’est faux, mais nous allons le plaider à l’automne », a-t-il souligné.

L’essai de 150 millions de dollars est prévu pour une durée totale d’environ six semaines, trois ce printemps et trois autres à l’automne. Robert Giroux a répondu par une contre-poursuite de 25 millions de dollars.

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