«Les copropriétaires ont préféré vendre plutôt que rénover. Sur 40 copropriétaires, environ 7 vendus», regrette Sophie, présidente du conseil syndical d’un immeuble situé à Tignes, station de ski. Son bâtiment n’était pas isolé au niveau des murs et du toit et était chauffé au fioul. Lorsque Sophie a souhaité entreprendre des travaux de rénovation énergétique dans sa copropriété, elle s’est retrouvée confrontée à de nombreux obstacles et a failli abandonner à plusieurs reprises. “On se retrouve un peu seul quand on se lance dans une telle entreprise.», confie-t-elle. Le nombre de travaux de rénovation énergétique entrepris dans les immeubles en copropriété est relativement faible. Il ne représente que 1% des dossiers déposés à l’Anah (Agence nationale de l’habitat), dans le cadre du dispositif Ma Prime Rénov, selon Primes énergies.fr.
Sophie a mené cette périlleuse entreprise il y a maintenant 10 ans. La réglementation en matière de diagnostic de performance énergétique, DPE, n’était pas aussi contraignante qu’aujourd’hui. Actuellement, les logements classés G+, c’est à dire une passoire thermique, ne peuvent plus être loués. A partir du 1er janvier 2025, l’interdiction de louer s’étendra aux logements de classe G. Les copropriétaires étaient donc encore moins motivés qu’aujourd’hui pour lancer les travaux. La copropriété a travaillé petit à petit à son œuvre, par un seul geste.
«J’avais demandé un audit de notre immeuble. Je pensais que les copropriétaires de Tignes avaient un peu plus de moyens que le commun des mortels. On aurait pu imaginer qu’en payant 60 euros par jour pour un forfait de ski, vous aurez moins de mal à changer votre radiateur.», assène le président du conseil syndical. Sophie tente alors de faire comprendre aux copropriétaires que l’immeuble détérioré n’a plus de valeur et qu’une rénovation importante était nécessaire pour que l’immeuble soit de bonne qualité. Pour que le projet de rénovation soit validé et pouvoir débuter les travaux, le vote des deux tiers des copropriétaires est nécessaire, ce qui constitue un frein à la rénovation des logements énergivores en copropriété.
Dix ans de combat
«Il a fallu deux à trois ans pour obtenir l’approbation des autres copropriétaires.. Dès que vous essayez de faire bouger les choses, les gens pensent que vous allez les arnaquer.. Ils s’opposaient au fait que la copropriété n’en avait pas besoin», déplore-t-elle. L’un des copropriétaires s’est montré particulièrement réticent à la rénovation. Il ne voulait pas payer les travaux et ne permettait pas aux artisans d’accéder à son logement. Sophie et d’autres copropriétaires sont allés jusqu’à porter l’affaire devant les tribunaux et ont gagné.
Les relations de voisinage se sont détériorées. “J’ai reçu des messages pas très agréables. Si j’ai fait ce travail, c’était pour gagner de l’argent. Même de la part de personnes qui me connaissaient bien, que j’avais hébergé et emmené skier. Il y avait une suspicion constante. J’avais parfois peur d’entrer dans la salle à cause de certaines», se souvient Sophie, avec amertume. Le quadragénaire a donc effacé le casting. Elle était quand même soutenue dans sa démarche par certains membres du conseil syndical. Tenace, elle n’a jamais abandonné. “L’outil de la copropriété est aujourd’hui un outil très peu flexible en France qui laisse beaucoup de place à quelques râleurs alors que la majorité des gens veulent avancer. Il y a environ 1/3 d’éléments moteurs, 1/3 de followers et 1/3 de plaignants», s’attriste le quadragénaire. Et étonnamment, selon Sophie, ce ne sont pas les copropriétaires ayant le plus de difficultés financières qui votent contre les travaux.
Outre les assemblées générales houleuses des copropriétaires où Sophie a été la cible de multiples invectives, la quadragénaire a dû faire face à bien d’autres problèmes : l’artisan qui rénovait la façade de l’immeuble les a plantés, les échafaudages ont dû être remonté trois fois, les travaux ne pouvant être réalisés que de mai à décembre. “Puis, l’hiver arrive et les travaux doivent attendre le mois de mai suivant pour reprendre.», explique Sophie. Au total, il aura fallu 10 ans à Sophie pour obtenir une copropriété comme neuve, entre les difficultés à faire approuver les travaux, puis le temps de trouver une entreprise, d’attendre la prochaine AG… Désormais, la galère est terminée pour Sophie. . Les façades ont été isolées, les fenêtres changées, les balcons, la toiture et les garde-corps refaits, tout comme les parties communes. Le bâtiment a même été surélevé. “En conséquence, l’immobilier a connu un énorme essor dans les zones résidentielles. La marchandise était estimée il y a 10 ans à 5 000 euros le mètre, aujourd’hui elle est estimée à 10 000 euros. Certes, les prix de l’immobilier ont fortement augmenté, mais l’impact de la rénovation est important. Les acheteurs se disent qu’ils sont en paix, qu’ils achètent dans un immeuble où tout est fait», se réjouit Sophie.
Presque aucune aide financière
Christophe a eu moins de mal à obtenir l’adhésion des autres copropriétaires. Propriétaire d’un studio qu’il loue dans le centre de Lille, il a poussé le curseur assez loin puisqu’au-delà du changement des fenêtres, de la toiture et du système de chauffage et de l’isolation des murs, il a même fallu installer des panneaux photovoltaïques. “La métropole européenne de Lille, à travers son assistance à maîtrise d’ouvrage Amelio, a indiqué qu’elle ne paierait pas aucune aide de la communauté publique et l’Etat malgré une volonté forte des copropriétaires de s’engager, hormis certificats d’économie d’énergie, CEE . Subvention : 0 euros de la métropole», regrette le sexagénaire.
Pour Christophe, les collectivités veulent des opérations visibles et sa copropriété n’est pas assez fragile. De plus, son immeuble de 14 lots est petit et le retraité estime que les copropriétés plus grandes et plus fragiles reçoivent davantage d’aide. De ce fait, l’Assemblée Générale 2023 a abouti à une décision radicale : un seul poste de travail sera concerné, le remplacement collectif des menuiseries. Les fenêtres ont 45 ans, changer les menuiseries apportera déjà des économies d’énergie. Alors adieu aux panneaux photovoltaïques, à l’isolation des murs et au remplacement des chaudières. Pour les fenêtres, l’aide du CEE représenterait environ 4% du prix, soit 4000 euros pour la copropriété. “Pour mon studio avec un budget fenêtre de 4 500 euros TTC, on est aux alentours de 180 euros de CEE», calcule le sexagénaire.
«Les petites maisons sont pénalisées. Mon studio de 18 mètres carrés dispose de 8 mètres carrés de vitrage supplémentaire. Je n’ai pas assez d’espace de vie par rapport à la surface vitrée», explique-t-il. Christophe, quant à lui, a rénové l’appartement qu’il a acheté en 2018. Il a installé un plancher chauffant et a fait passer le logement d’un label F à un label E. “Les échéances se rapprochent. En 2034, je ne pourrai plus le louer si je ne fais rien. Changer les fenêtres devrait résoudre le problème», déclare-t-il, avec assurance.
Christophe est également propriétaire d’un garage dans une autre copropriété de 37 appartements depuis 2011. »Le nouveau président du conseil syndical a retourné le conseil contre la décision obtenue à l’assemblée générale des copropriétés l’année précédente et a obtenu le retrait du projet et le changement de syndic. La rénovation globale prévue n’a jamais eu lieu», s’alarme le retraité. Il déplore avoir perdu 4 ans, le temps de changer de syndic notamment. L’Assemblée Générale qui devait se tenir au début de l’été n’a pas eu lieu et a été reportée de plusieurs mois. La chaudière fioul est la même depuis 10 ans et rien n’avance. C’est le statu quo.