Jean-François Beaulieu est adjoint au service de santé mentale et dépendance du CIUSSS de la Capitale-Nationale. Il connaît l’Institut universitaire en santé mentale du Québec (IUMSQ) comme sa poche.
Le Soleil a pu visiter cette institution riche en histoire, lundi, dans le cadre de la toute première journée partenaires du CIUSSS de la Capitale-Nationale. Pour l’occasion, environ 300 intervenants et une cinquantaine d’organisations se sont réunis pour échanger sur diverses problématiques.
Agissant comme guide de la journée, Jean-François Beaulieu véhicule une passion évidente pour la santé mentale. Un sujet qui, selon lui, a trop mauvaise réputation. « Je ne pense pas qu’il y ait d’autres problèmes de santé mentale. Je pense que nous sommes plus ouverts à en parler», dit-il d’emblée.
Prévisible
Selon le directeur adjoint, les statistiques concernant les troubles mentaux graves ne varient pas autant qu’on pourrait le penser. « Chaque année, nous savons combien nous allons en avoir. Il y a beaucoup de phénomènes en croissance, mais en termes de nombre total, nous ne pensons pas que cela ait beaucoup changé.»
Oui, les citoyens consultent davantage, convient M. Beaulieu. Mais c’est une bonne nouvelle. « Il y a quelque chose de beau dans le fait de consulter des personnes. Pour nous, peu importe qu’il y ait 1 600 consultations d’urgence. Ce qui est dommage, c’est qu’ils doivent se rendre aux urgences pour obtenir leurs services.
Les hommes consultent moins
Même si le taux de suicide diminue, les hommes de 45 ans et plus demeurent surreprésentés dans les statistiques du CIUSSS de la Capitale-Nationale. Ils représentent environ 75 % des personnes qui mettent fin à leurs jours chaque année.
Toutefois, les filles de 12 à 25 ans sont celles qui consultent le plus pour des idées suicidaires. Selon Jean-François Beaulieu, ces constats démontrent qu’il y a encore beaucoup de travail à faire pour convaincre les hommes de consulter.
« Le facteur le plus important est la comparaison sur les réseaux sociaux. Je ne suis pas assez belle, pas assez avancée dans la vie… les jeunes sont beaucoup là-dedans, beaucoup soumis à cette pression sociale. Et ils éprouvent beaucoup d’anxiété.
Même s’ils en parlent moins, les garçons sont aussi concernés par les réseaux sociaux. « Les troubles alimentaires sont désormais presque aussi graves chez les hommes que chez les femmes », affirme-t-il.
Manque de ressources ?
Malgré la grande quantité de services offerts, l’accès aux soins de santé demeure difficile, convient M. Beaulieu.
«Je pense que les gens ne savent jamais où aller», souligne-t-il. En cas de doute, il recommande aux citoyens d’appeler le 811. « Allez-vous avoir du service dans les 24 heures ? Si c’est urgent, oui. Mais si c’est moins urgent, dans un mois, vous en aurez un», assure Jean-François Beaulieu.
Selon Frédéric Keck, directeur adjoint des programmes de santé mentale et de toxicomanie, le manque de ressources est un enjeu constant pour toutes les organisations. “Après, il s’agit de voir comment nous nous réorganisons et parvenons à toujours répondre aux besoins de la population, malgré ces défis.”
Selon lui, les moments d’échange comme la journée des partenaires permettent de « mieux comprendre à qui on peut faire appel, dans quelle situation » pour améliorer les services offerts à la population.
“Ce n’est plus Robert Giffard”
L’activité de lundi visait également à présenter l’Institut universitaire en santé mentale du Québec aux acteurs œuvrant dans le domaine. Beaucoup l’associent encore à son ancien nom, le Centre hospitalier Robert-Giffard.
« Les gens voient encore un peu l’hôpital psychiatrique. C’est vrai. L’Institut universitaire de santé mentale est un hôpital psychiatrique. Mais ce n’est qu’une partie de l’offre de services qui est proposée ici en interne », affirme Frédérick Keck.
De plus, l’institut est plus accessible qu’avant. “C’est un établissement un peu plus ouvert sur la communauté qu’il ne l’était par exemple dans les années 90.”
Depuis 1960, le nombre de lits a fortement diminué. Le CIUSSS de la Capitale-Nationale tente de réduire au maximum les hospitalisations. «C’est le dernier recours, car c’est quand même un traumatisme d’être hospitalisé en psychiatrie», argumente Jean-François Beaulieu.
QU’EN EST-IL DES SANS-ABRI ?
A travers le discours sur la santé mentale, Jean-François Beaulieu déplore particulièrement les associations trop rapides. « Le sans-abrisme est clairement en augmentation. Mais c’est un phénomène, ce n’est pas un problème de santé mentale », ajoute-t-il.
Tous les sans-abri ne développent pas un trouble de santé mentale ou une dépendance. Cependant, plusieurs circonstances augmentent les risques.
Frédéric Keck l’a constaté tout au long de sa carrière. « Les périodes de stress nous poussent à consommer davantage et à devenir plus vulnérables. Une sortie dans la rue est une période de stress comme on en voit rarement. Il y a une émergence de problèmes de santé mentale et de toxicomanie », reconnaît-il.
Les deux hommes rappellent que le sans-abrisme “n’est pas un choix”, surtout avec la hausse “formidable” des loyers.