Au Japon et en Corée du Sud, l’enfant occupe la même place dans l’esprit de la génération en âge de procréer : celle d’un horizon fantasmé, d’un élément essentiel à l’épanouissement d’un modèle traditionnel de société devenu inaccessible au plus grand nombre. Du prix du logement à celui de l’éducation, en passant par les obstacles au couple, au mariage – et finalement à la parentalité- n’ont jamais été aussi importants pour ces deux sociétés. Il en résulte une immense frustration collective, entre révolte face à un modèle inaccessible et tristesse de ne pas pouvoir reproduire le modèle parental.
Au-delà des souffrances individuelles et des changements des mœurs, au Japon comme en Corée, ces sociétés connaissent un effondrement démographique sans précédent : avec 0,72 enfant par femme en 2023, la Corée du Sud a le taux de natalité le plus élevé et le plus bas du monde, le Japon ne faisant pas beaucoup mieux. . Les deux gouvernements ont donc fait de la natalité une priorité nationale, animés par la même angoisse existentielle de voir la nation se dépeupler, multipliant les politiques d’incitations financières pour inciter les jeunes femmes à accoucher. En occultant une réflexion plus profonde sur la pérennité des modèles sociétaux et malgré les centaines de milliards dépensés au cours des vingt dernières années, ces politiques ressemblent actuellement à du plâtre sur une jambe de bois.
Quelles contraintes financières mais aussi anthropologiques pèsent sur les jeunes générations japonaises et sud-coréennes au point de les empêcher d’avoir des enfants ? Quelles conséquences économiques cette baisse de la natalité a-t-elle sur la croissance des deux pays ? Et enfin, face à l’aggravation de la situation et à la frustration grandissante, comment certains dirigeants politiques exploitent-ils la situation en accusant les femmes de tous les maux pour flatter l’électorat masculiniste ?
Focus – Mariés au premier regard : des étrangères aident les célibataires sud-coréens
Confrontés au célibat, les Sud-Coréens ont recours aux agences matrimoniales pour rencontrer des femmes principalement originaires d’Asie de l’Est. Une pratique particulièrement répandue dans les zones rurales, où les hommes peinent particulièrement à trouver une partenaire, et largement soutenue par les communautés locales désireuses de voir la population se renouveler. Comment s’est constitué ce marché matrimonial et comment les pouvoirs publics ont-ils investi pour organiser – parfois de force – l’intégration de ces jeunes femmes dans la société sud-coréenne ?
Références bibliographiques
Isabelle Konuma, L’eugénisme au Japon, politiques et lois entre 1868 et 1996Presses INED (à paraître en septembre 2024)
