« Bonjour maman ? J’ai acheté une boîte de six œufs frais, pensez-vous que je peux les manger ? Euh, je ne connais pas la marque en fait, ils n’étaient pas chers. » Maman, dans ce cas, habite à 700 kilomètres, et son fils étudiant a un budget limité pour faire ses courses hebdomadaires. Information prise, il s’agit bien d’œufs porteurs de salmonelles. L’élève hésite à tout jeter, mais sur les conseils avisés de sa mère, il va tout faire bouillir pour le manger comme des œufs durs. Depuis le 25 octobre, 3 millions d’œufs ont été rappelés en raison d’un risque de contamination par la bactérie Salmonella Typhimurium, à l’origine de la salmonelle. De toute évidence, si l’élève avait mangé son œuf frais à la coque, il aurait pu développer une salmonellose, une vilaine forme de gastro-entérite, accompagnée de vomissements, de diarrhée et de fièvre. Aucune conséquence pour lui, mais bien plus pour les personnes âgées et les jeunes enfants.
Ni frais, ni en mai
Ces œufs, vendus entre le 12 septembre et le 24 octobre, étaient commercialisés dans différentes marques dans toute la France : Lidl, Carrefour, Auchan, Intermarché, U, Leclerc et… Restos du coeur. A l’origine de ce retrait magistral, le signalement fait par la société Ovalis, gigantesque entreprise de production d’œufs, de la présence de Salmonella, pouvant provoquer une intoxication alimentaire collective (Tiac). Cette bactérie se développe dans le système digestif des poules pondeuses et se transmet lorsque les œufs sont souillés par des excréments contaminés. Selon l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), « on peut consommer ces œufs en les cuisant à + 65°C ou en pâtisserie, ce qui va détruire ces bactéries. » Ceux qui sont déjà tombés malades les ont mangés préparés en mayonnaise, en crèmes, frits ou bouillis.
Conserves de thon, riz, pizzas…
Nouveau coup de tonnerre, ce mardi matin dans nos garde-manger : du thon en conserve, sur le piquet de grève ! Un thon en conserve incontournable, apprécié des enfants, des étudiants et des familles occupées. Pas cher et bon pour la santé. Un rapport des ONG BLOOM et Foodwatch met en avant la teneur en mercure ultra-concentrée des boîtes de thon parmi les plus vendues en grande distribution, notamment l’incontournable Petit Navire. L’Anses, dans ses recommandations, précise depuis longtemps déjà que la consommation de poisson doit être limitée : « À forte dose, le méthylmercure est toxique pour le système nerveux central de l’homme, notamment lors de son développement in utero et lors des cours de la petite enfance. La consommation de poisson est la principale Source d’exposition alimentaire au méthylmercure, vous ne devez donc pas manger de poisson plus de deux fois par semaine et choisir plutôt du saumon, des sardines, du maquereau, du hareng, du merlu, du merlu, de la morue et de la sole. » Plusieurs marques de conserves de thon sont mises en avant par BLOOM et Foodwatch, mais celle qui critique particulièrement est Petit Navire, avec sa teneur en mercure qui explose à tous les mètres : soit 3,9 mg/kg, soit 13 fois supérieure à celle des autres espèces de poissons.
Ces problèmes de santé sont le résultat d’un système agroalimentaire industrialisé. Nous avons éloigné la nourriture des producteurs et donc des consommateurs, afin de fournir, à défaut de qualité, de la quantité.
En 2022, il y a eu le scandale des pizzas contaminées par la bactérie E. coli : deux enfants sont morts, et il y a eu des dizaines de malades. Le plus inoffensif des aliments de base, le riz, a lui-même fait l’objet de rappels de consommateurs cette année, en raison de la présence de pesticides et de larves d’insectes. La liste des produits alimentaires anxiogènes ne cesse de s’allonger.
Industrialisation
Face à cette sombre série, Bernard Del’homme, agroéconomiste, maître de conférences en gestion à Bordeaux Sciences Agro, rattaché à l’unité de recherche Ettis (environnement, territoires en transition, infrastructures, sociétés) de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), rappelle aux consommateurs leur responsabilité. « Ces problèmes de santé ne sont pas nouveaux », dit-il. Ils sont désormais mis en lumière par l’importance des contrôles. Mais ils sont le fruit d’un système agroalimentaire industrialisé. Nous avons éloigné l’alimentation des producteurs et donc des consommateurs, afin d’apporter, à défaut de qualité, de quantité et donc de standardisation. »
Ce système agroalimentaire de masse est au bout de son parcours, il faudra beaucoup de temps, beaucoup d’éducation pour revenir à l’alimentation locale
Selon lui, en gardant les aliments crus hors de portée des consommateurs, en développant l’élevage et les quantités de nourriture produites, nous avons multiplié les risques sanitaires. « Les gens font confiance à la boîte, oublient de connaître l’origine, la façon dont le produit est travaillé, d’où il vient. Ce processus de déresponsabilisation des consommateurs, on le voit, a atteint le bout de sa logique. Ce système agroalimentaire de masse est au bout de son parcours, il faudra beaucoup de temps, beaucoup d’éducation pour revenir à l’alimentation locale. C’est la base de notre travail de recherche : faire le lien entre agriculture, alimentation et territoire. La proximité est la seule issue. »