Nous ne sommes qu’à un mois du début de l’hiver météorologique. Qu’est-ce qu’un hiver normal en France de nos jours ? Dans quelle mesure la climatologie a-t-elle évolué par rapport au siècle dernier ?
Les moyennes de saison s’envolent
Vous aurez remarqué que les hivers récents ne ressemblent plus vraiment à ceux d’antan. Les chiffres le prouvent. Nous nous sommes intéressés aux températures de janvier, les plus froides de l’hiver en moyenne. Si l’on compare les moyennes saisonnières sur la période 1961-1990 et sur la période 1991-2020, on constate une augmentation indéniable sur 30 ans. A Paris, la moyenne des minimales est passée de 2,0°C à 3,2°C et celle des maximales de 6,3°C à 7,6°C, soit une augmentation de 1,2 à 1,3°C sur trois décennies ! Cette augmentation est généralisée et parfois marquée. Au Mans, la température minimale moyenne est passée de 1,2°C à 2,7°C, une augmentation de 1,5°C en 30 ans !
Normales climatiques en janvier sur les périodes 1961-1990 et 1991-2020 – Météo Villes via infoclimat.fr
Or, on constate que les hivers les plus récents ont battu des records de douceur. Dans ce cas, les normales 1991-2020 (actuellement en vigueur) sont déjà dépassées pour certaines villes. En se concentrant uniquement sur les années 2011 à 2024, on constate que la poussée s’accélère dans certaines régions. Ainsi, Besançon et Lyon ont vu leurs températures minimales augmentation de 0,7°C et 0,8°C entre 1991-2020 et 2011-2024 ! Cela montre que la hausse des 14 dernières années s’accélère très nettement et que ce sont les années 1990 et 2000 qui tirent vers le bas nos moyennes saisonnières.
Normales climatiques en janvier sur les périodes 1991-2020 et 2011-2024 – Météo Villes via infoclimat.fr
Cette carte est encore plus révélatrice. Il montre l’augmentation des températures moyennes minimales et maximales entre les périodes 1961-1990 et 2011-2024, sur un peu plus de 40 ans. Le réchauffement de nos hivers est important. En janvier, Lyon voit ses températures minimales augmenter de 2,2°C et ses températures maximales augmentent de 2,0°C dans une quarantaine d’années ! A Lille, c’est en moyenne 2°C de plus l’après-midi en janvier sur les 14 dernières années qu’entre 1961 et 1990 ! Paris constate une augmentation 1,7°C pendant ses nuits et de 1,6°C la journée. Biarritz est la ville qui s’est le moins réchauffée en janvier (+0,6°C la nuit et +0,5°C le jour).
Normales climatiques en janvier sur les périodes 1961-1990 et 2011-2024 – Météo Villes via infoclimat.fr
Des gelées de plus en plus rares
À mesure que les températures hivernales moyennes augmentent, le nombre de gelées diminue au fil des décennies. En moyenne sur l’ensemble de la France, on est passé de plus de 60 jours de gel par an à la fin du XIXème siècle à moins de 30 jours au XXIème siècle. Avec les normales 1961-1990, il y a eu en moyenne 36 jours de gel. Ce chiffre tombé à 26 jours avec les normales actuelles (1991-2020). Même en plein hiver, gratter le pare-brise le matin est un réflexe de moins en moins fréquent. Par ailleurs, la baisse du nombre moyen de jours de gel est encore plus marquée dans les régions orientales à climat continental. On a vu plus haut ça Les nuits de janvier dans les villes de Besançon et Lyon ont gagné 2,2°C en une quarantaine d’années…
Evolution du nombre moyen de jours de gel en France de 1873 à 2023 – via @GJeauseau
Ce constat est encore plus frappant dans les grandes villes, où l’urbanisation croissante au cours des dernières décennies n’a fait qu’amplifier l’îlot de chaleur urbain. Le graphique ci-dessous montre une baisse impressionnante du nombre de jours de gel à Paris-Montsouris en hiver. Depuis les années 1990, la majorité des hivers ont enregistré moins de 20 jours avec gel et il n’est plus rare de vivre des hivers avec moins de 10 jours de gel à Paris. Outre le réchauffement climatique, l’îlot de chaleur accentue inévitablement cette tendance. En quittant Paris, le nombre de jours de gel double rapidement puis triple hors petite couronne.
Nombre de jours de gel par hiver à Paris-Montsouris de 1921 à 2020 – Météo France
La neige se fait également plus rare
Avec moins de froid, il est logique qu’il y ait aussi moins de neige en plaine. Paris est particulièrement concerné. Le graphique ci-dessous montre que la baisse du nombre de jours de neige (au moins quelques flocons) par an s’est accentuée depuis les années 1990, tout comme la baisse du nombre de jours de gel. Depuis 30 ans, les premières années sans le moindre flocon de neige sont apparues à Paris. Il devient rare d’observer une année avec plus de 10 jours de neige dans la capitale, et les journées avec de la neige collant au sol sont réduites à néant.
Nombre de jours de neige par an à Paris-Montsouris de 1921 à 2020 – Graphique Météo France
Même dans les plaines de l’Est, il est désormais de plus en plus rare d’observer des paysages enneigés en plaine. À Besançon, nous avons perdu en moyenne 8 jours de neige au sol entre la période 1961-1990 (28 jours/an) et 1991-2020 (19,7 jours/an). 3 des 4 derniers hivers ont même connu moins de 5 jours de neige restante au sol à Besançon. D’ailleurs, la ville n’a pas connu de Noël blanc depuis 2010 ! Cette série est inédite puisque auparavant, Besançon n’avait jamais connu plus de 10 Noëls consécutifs sans neige. Preuve que la neige en plaine devient un phénomène très épisodique lors des hivers français.
Nombre de jours avec de la neige au sol par an à Besançon de 1949 à 2023 – Graphique Météo France
De fortes chutes de neige et de fortes gelées restent malgré tout possibles
Même si la fréquence des gelées et des chutes de neige en plaine diminue sensiblement, cela ne signifie pas pour autant que ces phénomènes disparaissent. De nos jours, connaître d’importants épisodes de neige ou de fortes gelées est encore possible et ces dernières années nous l’ont montré. Même les grandes agglomérations peuvent encore connaître d’importantes chutes de neige. A Paris, nul besoin de remonter au siècle dernier. Le 7 février 2018, 12 centimètres de neige ont recouvert le centre de la capitalegénérant des embouteillages records et paralysant la N118.
12 cm de neige à Paris le matin du 7 février 2018, dernier épisode majeur dans la capitale –Alexandre Slowik
De même, de fortes gelées – même si elles sont de plus en plus rares – restent tout à fait possibles. D’ailleurs les dernières en date sont très récentes et datent de janvier dernier. Le matin du 19 janvier 2024, le thermomètre était descendu à -14,7°C à Arras dans le Pas-de-Calais, après des chutes de neige. De nombreuses villes du nord ont connu leurs matinées les plus froides depuis plus de 10 ans, comme Pontoise avec -10,1°C ou Beauvais avec -11,2°C.
Températures minimales du 19 janvier 2024 dans le nord de la France – meteociel.fr
Cependant, le climat actuel ne semble plus permettre les grandes vagues de froid d’antan. En février 1956, survient la pire vague de froid que la France ait jamais connue. La Seine avait gelé à Paris, le thermomètre avait plongé à -21,4°C à Lyon et -22,2°C à Strasbourg tandis que la ville de Saint-Tropez était paralysée sous des congères de plus d’un mètre de neige ! Alors que les masses d’air polaires deviennent de moins en moins froides à cause du réchauffement climatique, revivre un froid d’une telle intensité semble plus qu’improbable…
Températures minimales lors de la vague de froid de février 1956 – Météo France