Histoires de verre et de cornichons

Histoires de verre et de cornichons
Histoires de verre et de cornichons

Contes de verre et de cornichons

Marian Stepczynski – Chroniqueur économique

Publié aujourd’hui à 6h28

La fermeture annoncée de la verrerie de Saint-Prex, fondée en 1911 par Henri Cornaz, le grand-père de l’actuel président de la holding Vetropack, a créé l’émoi dans le canton. La déchirure est d’autant plus douloureuse qu’à l’époque ce fabricant de verre d’emballage exploitait une technologie inégalée, ce qui lui permettait de se développer progressivement en Suisse et au-delà, au travers d’opérations de rachat et de fusion judicieusement conduites. , d’abord à Bülach, aujourd’hui son siège social, puis en Moravie du Sud (Kyjov), en Autriche (Kremsmünster et Pöchlarn), ainsi qu’en Slovaquie, Croatie, Ukraine, Italie, Moldavie et Roumanie, bref, dans toute l’Europe de l’Est et du Sud-Est.

Le groupe, coté en bourse, a développé divers services connexes et affiné régulièrement ses méthodes de production, mais reste néanmoins attaché à un secteur manufacturier standard, particulièrement exposé à la concurrence et, de ce fait, sensible aux écarts de coûts et de salaires pour les ‘essentiel. Or, la Suisse, on le sait, est plutôt mal notée sur ce point, quels que soient ses efforts en termes de productivité. Ici, la mondialisation est impitoyable.

L’aventure du cornichon de Lübbenau, racontée l’autre jour sur la chaîne Arte, est révélatrice de ce qu’on pourrait appeler « l’envers du libre-échange ». Voici un produit, de longue tradition, qui est longtemps resté une spécialité locale (le Spreewälder Gurken), dont la notoriété ne dépasse pas les limites de la forêt de la Haute Spree, cette partie orientale du Land de Brandebourg, à une centaine de kilomètres de Berlin. Lorsqu’à la fin du XIXe siècle, le chemin de fer permit de relier la région à la capitale en quelques heures – au lieu de plusieurs jours auparavant – les producteurs de cornichons de Lübben virent leurs ventes s’envoler et la spécialité a acquis au fil des années une telle renommée qu’il est devenu à ce jour l’un des rares produits de l’ex-RDA à survivre, et est même protégé par une IGP au niveau européen. entier depuis 1999. C’est ici une nouvelle technologie, le transport ferroviaire, associée à un avantage comparatif par définition inégalé, un terroir particulier, qui a assuré la croissance, puis la permanence dans le temps, d’une production locale dépassant aujourd’hui les 35 000 tonnes et employant un nombre important de salariés (il convient de vérifier que les pots dans lesquels sont vendus les cornichons du Spreewald proviennent d’une des usines Vetropack…)

Aucune naïveté

La mondialisation n’est bien sûr pas l’affaire des seuls contenants et concombres, même si son contraire, le repli sur soi, verrait nombre de ses partisans se réjouir d’assister au rapatriement du moulage des uns et de la mise en bouteille des autres. Mais soyons sérieux. Le commerce mondial, favorisé à la fois par les nouvelles technologies et par l’abaissement des frontières douanières, a certes laissé de nombreuses personnes de côté alors qu’il a amélioré le niveau de vie d’une grande majorité des consommateurs.

Faire marche arrière ? Il faut être un peu naïf pour le croire, car les avantages du libre-échange l’emportent sur ses défauts. Par ailleurs, l’histoire enseigne que les ponts-levis, censés protéger contre l’envahisseur (encore aujourd’hui chinois), n’ont jamais protégé durablement les châteaux fortifiés. D’un autre côté, les inégalités créées par la mondialisation peuvent être corrigées par des politiques, lorsqu’elles sont plus intelligentes que la simple érection de barrières.

Avez-vous trouvé une erreur ? Merci de nous le signaler.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

NEXT Le salon automobile de Genève sabordé face à la baisse d’intérêt des constructeurs