Personnes âgées ciblées | Quand pas de problème signifie problèmes

Les seniors qui ont été séduits par la qualité de la soumission spontanée déposée dans leur boîte aux lettres par l’entreprise Toiture No Problem le regrettent aujourd’hui amèrement. Ils se sont retrouvés avec une facture cinq à dix fois supérieure au devis initial.


Publié à 3h14

Mis à jour à 6h30

Début septembre, je vous parlais de ces mémoires truffés de photos de drones qui avaient fait sursauter les habitants de La Prairie. Même si certains ont trouvé le document très professionnel, d’autres n’ont pas du tout apprécié la présence d’un engin volant sur leur terrain privé.⁠1.

Mais cette incursion dans la vie privée n’est rien comparée aux mauvaises surprises qui attendaient une femme de presque 80 ans que j’appellerai Gisèle car elle craint des représailles. Des mois après avoir confié la réfection de sa toiture à No Problem, elle est toujours secouée. Elle avait l’impression, pour reprendre ses mots, de se faire mettre un couteau sous la gorge.

Après avoir retiré les bardeaux du toit de sa petite maison, les travailleurs de No Problem lui ont dit que le bois de la terrasse était trop fissuré pour pouvoir le remettre en place, dit-elle.

«Ils ont appelé quelqu’un. Il n’a pas fallu cinq minutes avant qu’un camion chargé de bois de pressage arrive. C’était si rapide qu’il a dû attendre au coin de la rue. » C’est alors qu’elle apprend que l’isolation est également à refaire. Le camion d’uréthane est arrivé dix minutes plus tard, estime-t-elle. Une autre cliente, Barbara Prosper, a raconté un scénario quasiment identique à mon collègue Hugo Joncas.2.

Tout allait beaucoup trop vite pour que Gisèle réfléchisse et vérifie les prix. «J’ai été pris. Je n’avais plus de toit, il pleuvait et les gars attendaient dehors. Que voulais-tu que je fasse ? » Le travail s’éternise alors. Différents ouvriers se présentaient chaque jour, ce que confirme sa voisine qui suivait les travaux avec émerveillement. Le projet a duré deux semaines.

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PHOTO FOURNIE PAR UN CLIENT SANS PROBLEME

Il a fallu deux semaines aux ouvriers pour refaire la toiture de cette petite maison.

Toiture No Problem demandait près de 50 000$ alors que le devis initial était inférieur à 10 000$. La cliente a réussi à négocier un peu, mais elle a dû ramasser elle-même la majorité des déchets laissés dans son jardin et se dit insatisfaite du résultat final. Le chantier était tellement chaotique que des ouvriers qui travaillaient chez un voisin ont donné à la femme le numéro de téléphone de la Régie du logement du Québec (RBQ) pour qu’elle puisse porter plainte, m’ont dit Gisèle et moi. son voisin.

Un client octogénaire m’a raconté avoir vécu une histoire similaire. Il affirme avoir subi des pressions pour qu’il signe la soumission de No Problem. Les travaux auraient commencé sans aucune inspection préalable. Les erreurs et les retards se seraient alors multipliés.

« C’étaient des jobbers qui revenaient… qui ne revenaient pas. Ils n’avaient aucune surveillance, personne ne pouvait nous donner d’informations », raconte l’aîné qui estime avoir subi des abus en raison de son âge. « Je tremblais tellement… tout se faisait sur la tablette. […] Nous ne pouvions rien voir […] Nous ne savions jamais combien cela allait coûter. » Il a fini par obtenir un devis, mais seulement deux jours avant la fin des douze jours de travaux, selon ses dires.

L’aîné s’est retrouvé avec une facture de plus de 70 000 $. L’estimation était plutôt de 8 000 $.

Plaintes auprès du Commissariat et critiques élogieuses douteuses

L’Office de protection du consommateur (OPC) a entendu d’autres témoignages de ce type. Elle a reçu dix plaintes au cours des deux dernières années, dont sept pour pratiques déloyales et trompeuses.

« Selon ce que rapportent les plaignants, l’entreprise augmenterait substantiellement le montant du contrat convenu dans l’appel d’offres pendant les travaux », m’a écrit le porte-parole de l’OPC, Charles Tanguay. Les clients se sont également plaints de problèmes de moisissure.

Selon les informations obtenues de diverses sources, le prix final des travaux serait régulièrement cinq à dix fois supérieur à celui indiqué sur le devis grâce à la multiplication des travaux, comme changer le bois, refaire les fermes de toit, réisoler ou changer le gouttières. La plupart des clients qui se sentent lésés sont des personnes âgées.

« Un entrepreneur qui arrive avec un extra, c’est classique. Mais de cette ampleur, c’est exceptionnel », relate Marc-André Harnois, président-directeur général de l’Association des consommateurs pour la qualité en construction (ACQC).

Selon deux couvreurs recommandés par CAA-Québec que j’ai contactés, il est extrêmement rare que le platelage d’une maison doive être complètement changé. S’il est trop fin, cela se détecte facilement en marchant sur le toit, qui sera mou. La solution est alors de le doubler. Quant à l’isolation, l’inspection révèle parfois qu’elle fait défaut. Mais encore une fois, sauf exceptions, on ne change pas tout, on en rajoute.

Le nombre de plaintes à l’OPC semble faible, mais ce n’est pas nécessairement un réflexe très développé d’appeler l’organisme pour des problèmes de construction. D’ailleurs, les personnes âgées à qui j’ai parlé ne l’ont pas fait, jugeant que c’était trop compliqué ou que cela ne leur apporterait rien.

La page Web No Problem suggère également que tous ses clients sont très satisfaits. Ils attribuent tous cinq étoiles à l’entreprise. Or, des recherches inversées sur Google Images révèlent que les photos des clients présumés proviennent de sources assez surprenantes.

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PHOTO PRISE À PARTIR D’UNE CAPTURE D’ÉCRAN

Chantier de toiture sans problème

Le commentaire élogieux d’un certain Yang Cowart est accompagné d’une photo du DVD de la série Douleurs royales. La photo de Roger Nguyen se retrouve sur une poignée de sites, dont celui du CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec. Celle de James Collins est vendue sur Shutterstock, celle de Jay Holland s’obtient sur le site Needpix.com.

Le propriétaire de Toiture No Problem, Francisco Soto Dominguez, n’a pas répondu à ma question à ce sujet.

De son côté, la RBQ n’a rapporté qu’une seule plainte concernant Toiture No Problem. L’OPC lui transmet les informations qu’il reçoit sur les entreprises agréées. Elle l’utilise, dit-elle, pour « documenter ses dossiers ». Espérons que ces informations serviront également à provoquer des actions plus concrètes pour la protection du public, un rôle clé de l’organisation.

L’entreprise se défend

Lorsque j’ai appelé No Problem pour avoir sa version des faits, j’ai été mis en contact avec Marc-André Robitaille, un représentant. Il s’est dit surpris que des plaintes aient été transmises à l’OPC et m’a également assuré que l’entreprise « se protège lors d’augmentations de prix importantes en documentant tout avant, pendant et après les travaux pour s’assurer que tout est conforme.

Les clients, m’a-t-il assuré, « reçoivent tous un rapport d’inspection en cours de travaux », un « rapport personnalisé et véritablement détaillé pouvant aller jusqu’à 25 pages » après une « inspection des composants associés ». Le document est appelé « annexe ». Gisèle, qui a fait directement affaire avec M. Robitaille pour son travail, jure n’avoir jamais reçu cette annexe.

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PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

L’entreprise Toiture No Problem sollicite des photos prises par drone qui dérangent des clients potentiels.

No Problem garantit que ses clients ont toujours le choix de poursuivre ou non les travaux supplémentaires. «Le succès qu’on a est flamboyant», a déclaré Marc-André Robitaille, un jeune homme qui a fait les manchettes en 2021 après avoir commis une agression contre un aîné de Laval pour le forcer à lui vendre sa maison. Il purge également une peine pour escroquerie dans une autre affaire impliquant une personne âgée, a découvert mon collègue Hugo Joncas.

Quelques jours après notre conversation, Marc-André Robitaille aurait été congédié pour « risque de réputation », selon ce qu’il a lui-même indiqué par message texte à La presse. Avec ou sans lui, ceux qui se méfiaient des drones de No Problem dans leur jardin devraient avoir d’autres raisons de se méfier.

Avec la collaboration de Hugo Joncas, La presse

1. Lire la chronique « Une soumission teintée d’intrusion »

2. Lire l’article « Un fraudeur en toiture »

 
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