Les marchés financiers défient les banques centrales

Aux Etats-Unis, la Fed a confirmé son intention de baisser ses taux directeurs à trois reprises cette année, lors de sa réunion de décembre. Cela peut paraître surprenant étant donné que la banque centrale américaine a dans le même temps revu à la hausse ses prévisions d’inflation pour 2024 et de croissance pour les trois prochaines années. Le point clé est que l’amélioration prévue de la croissance est motivée par des facteurs du côté de l’offre : l’intelligence artificielle devrait stimuler la productivité, tandis que l’immigration devrait soutenir la croissance démographique et accroître l’offre de main-d’œuvre. de travail. Une accélération de la croissance économique sans pression accrue sur les prix est alors possible. La contrepartie serait cependant une augmentation du taux d’intérêt d’équilibre à long terme. Ainsi, la baisse des taux d’intérêt dans le monde au cours des 20 dernières années, due au déclin de ces deux facteurs – productivité et démographie – pourrait être inversée. Comme l’a mentionné le président de la Fed, Jerome Powell, « mon instinct est que les taux ne reviendront pas aux niveaux très bas que nous avons connus » avant la pandémie.

En Europe, la BCE se trouve dans une situation plus confortable. La croissance n’est pas aussi robuste qu’aux Etats-Unis et la probabilité d’un rebond de l’inflation à moyen terme semble plus mesurée. Même la banque centrale anglaise a ouvert la porte à un assouplissement monétaire avant l’été, même si la situation ne semblait pas aussi favorable en début d’année.

Variation attendue par rapport au taux directeur actuel (en décembre 2024) — © Macrobond, Mirabaud Asset Management

« L’exceptionnalisme »

En Suisse, la Banque nationale (BNS) a prouvé une fois de plus en deux ans qu’elle ignorait la politique monétaire plus prudente de ses homologues. Après avoir augmenté son taux directeur en juin 2022, trois mois avant la BCE, pour contrer les pressions inflationnistes, elle a une nouvelle fois créé la surprise en abaissant son taux directeur à 1,5% en mars, soit une baisse de 25 points de base. Les économistes tablaient plutôt sur un début d’assouplissement de la politique monétaire pour le mois de juin, en même temps que la Fed et la BCE. En effet, les écarts de taux d’intérêt entre régions expliquent en grande partie l’évolution à court terme des taux de change, et celui du franc suisse par rapport à l’euro et au dollar joue un rôle essentiel dans le niveau de l’inflation. en Suisse. La décision anticipée de la BNS entraînera certainement une dépréciation du franc et une hausse de l’inflation importée dans les mois à venir.

Cette décision peut cependant s’expliquer facilement. En février et mars, l’inflation a continué de baisser et s’élève désormais à 1%, bien en dessous du niveau de 2% que la BNS assimile à la stabilité des prix. La faible inflation s’explique par une baisse des prix des biens, couplée à la hausse de la valeur du franc suisse ces dernières années. L’inflation intérieure appelle cependant à la prudence, la hausse des prix des biens étant proche de 2 %.

Trois raisons principales expliquent cette divergence de trajectoire d’inflation entre la Suisse, l’Europe et les Etats-Unis. Premièrement, la force du franc suisse a contribué à contenir la hausse des prix à l’importation. La période inflationniste post-covid a été caractérisée par une envolée des prix de l’alimentation et de l’énergie, biens principalement importés en Suisse. Ensuite, la Suisse étant un pays riche, la part de ces deux composantes dans l’indice des prix à la consommation est plus faible qu’en Europe, d’où un impact plus limité sur son niveau d’inflation. Enfin, les prix administrés, c’est-à-dire fixés ou agréés par la Confédération, les cantons ou les communes, représentent 25% de l’indice des prix à la consommation en Suisse, et ils sont moins réactifs au cycle économique ou aux chocs d’offre. Dans ces circonstances, la BNS devrait abaisser son taux directeur à deux reprises cette année, pour le ramener à 1%.

Indice d’inflation suisse (en fonction de l’origine des biens et services — © OFS, Macrobond, Mirabaud Asset Management

Marchés financiers : à plein régime

Depuis le début de l’année, les investisseurs ont considérablement révisé leurs prévisions de baisse des taux directeurs de la Fed et de la BCE d’ici la fin de l’année. Alors qu’ils anticipaient début janvier sept baisses de 25 points de base (0,25%), ils n’en attendent désormais plus que deux à trois. Il est remarquable que dans le même temps, les indices des actions américaines (S&P 500) et des actions mondiales des pays développés (MSCI World) aient augmenté respectivement de 7 % et 6 %.

Il faut dire que la croissance mondiale est en hausse, soutenue par une reprise du cycle manufacturier. L’activité s’accélère en Europe et en Chine, et l’économie américaine reste tirée par un marché du travail qui défie la gravité. Cet environnement est favorable aux marchés actions, notamment aux valeurs cycliques, aux petites et moyennes capitalisations et au secteur technologique qui continue de bénéficier de l’essor lié à la thématique de l’intelligence artificielle. Les niveaux de valorisation restent élevés et resteront sous pression dans un contexte de hausse des rendements obligataires, mais l’amélioration des fondamentaux économiques devrait soutenir la croissance des bénéfices des entreprises.

Les marchés européens pourraient également bénéficier de la reprise du cycle manufacturier. Il existe en effet un potentiel de rattrapage important par rapport aux actions américaines, les écarts de valorisation les plus importants étant enregistrés dans les secteurs des services financiers, de l’énergie et de la consommation discrétionnaire. L’exposition aux marchés européens offre également une diversification bienvenue face à la concentration des performances des marchés sur un nombre limité de grandes capitalisations, notamment Sept magnifiques (Alphabet, Amazon, Apple, Meta, Microsoft, Nvidia et Tesla).

La prolongation d’une période de taux élevés aux États-Unis n’est cependant pas sans risque pour l’économie, la hausse des coûts de financement ne se répercutant que lentement sur les entreprises et l’activité réelle. Dans ce contexte, une analyse approfondie des entreprises et une approche basée sur la qualité sont essentielles.

S&P 500 & the Magnificent 7 (Contribution à la performance du S&P 500) — © S&P Global, Macrobond, Mirabaud Asset Management

Diversifiez votre portefeuille grâce à des rendements accrus

Suite à la hausse des rendements obligataires aux Etats-Unis, le rendement du bon du Trésor américain à 10 ans atteint désormais 4,65%. Toutefois, les conditions financières se sont à peine resserrées en raison de la hausse des marchés actions et du spread de crédit encore faible. Ainsi, la récente hausse de l’inflation devrait se traduire par une hausse continue de la partie longue de la courbe des taux. Le niveau actuel des rendements permet cependant d’amortir le choc, ce qui n’a pas été le cas lors de la phase de normalisation des politiques monétaires en 2021 et 2022. L’exposition aux obligations d’État ainsi qu’aux obligations d’entreprises de bonne qualité permet également de protéger un portefeuille contre les survenance d’un scénario défavorable qui verrait un ralentissement de la croissance ou une tension de l’environnement géopolitique mondial.

 
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