À qui profitent les paiements numériques ? – rts.ch – .

Le reportage du 15 janvier sur la disparition progressive du cash a suscité de nombreuses réactions de la part des téléspectateurs. À qui profitent les paiements électroniques ? Quelles sont les commissions pour les traders ? Basik a poursuivi l’enquête.

Anne-Lise Noz l’avoue volontiers, elle se sent impuissante. Patronne de la chocolaterie du même nom, au centre de Lausanne, titulaire du très célèbre Carac d’or, elle est également présidente de l’Association des commerçants de la capitale vaudoise et commence à sentir un certain malaise dans la profession. .

«Quand vous vendez un croissant 1,80 franc et que la commission atteint 65 centimes par transaction, plus 1,5% sur le montant de la vente, aucun profit n’est possible sur le produit», explique-t-elle. dans le spectacle Basik. « La façon de faire ses courses a complètement changé. De nombreux clients n’ont plus du tout d’argent dans leur portefeuille, tout se fait par carte ou électroniquement.»

Anne-Lise Noz, patronne de la chocolaterie du même nom, se sent désemparée face aux commissions perçues sur les paiements numériques. [RTS]

Anne-Lise Noz explique que dans les contrats qui lient les petites entreprises aux prestataires de services de trafic de paiement, ces commissions sont en principe précisées, ainsi qu’un certain nombre de coûts supplémentaires. “Mais lorsqu’on vérifie les relevés, qu’ils soient quotidiens, hebdomadaires ou mensuels, les prélèvements réels sont difficiles à mesurer, puisque seul le chiffre d’affaires net est indiqué”, ajoute-t-elle.

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De manière générale, de plus en plus de traders affirment qu’une partie de leur marge disparaît de manière assez obscure. Est-ce vraiment le cas ? Et à qui profite le crime ?

Visa et Mastercard sous surveillance

A Berne, la Commission de la concurrence (Comco) surveille les abus de position dominante et les cartels. Depuis des années, elle a dans sa ligne de mire les acteurs du secteur des paiements, dont la position ne cesse de croître dans les transactions commerciales.

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« Les commissions sont composées de deux éléments. La première – la plus importante – est la commission versée par le commerçant à la société qui fournit le lecteur de carte », indique Olivier Schaller, directeur adjoint de la Comco. “Le deuxième élément est les frais d’interchange que le commerçant doit payer aux banques qui émettent les cartes de débit ou de crédit utilisées par les consommateurs.”

Cette commission d’interchange est précisément analysée par la ComCo, qui a ouvert deux enquêtes en 2023 pour déterminer jusqu’où peuvent aller les acteurs. La Suisse reste cependant un pays libéral, réticent à prendre des sanctions contre des entreprises privées, pour la plupart multinationales, à commencer par le géant américain Visa.

Visa dédouané

“Nous sommes une entreprise technologique mondiale présente dans plus de 200 pays et régions, qui veille jour après jour à ce que des milliards de personnes puissent payer auprès de 130 millions d’entreprises”, déclame d’emblée Santosh Ritter, responsable de Visa pour la Suisse, qui explique le rôle joué par sa société dans les fameuses commissions perçues auprès des commerçants.

« Le premier niveau est la commission entre le commerçant et le prestataire, dans laquelle nous ne sommes pas impliqués », précise-t-il. « Le deuxième est le taux d’interchange appliqué aux banques émettrices des cartes. Nous le fixons, mais nous n’en tirons aucun profit. La seule chose qu’on prend, par exemple sur une transaction de 45 francs, c’est une taxe d’environ un centime.»

Afin de répondre aux questions pertinentes du chocolatier lausannois, il faut donc se tourner vers un autre intermédiaire : le célèbre prestataire évoqué par la Comco et Visa. Le leader mondial s’appelle Worldline, société enregistrée à Paris et cotée au CAC40. Le leader suisse des paiements SIX, qui héberge la direction de Worldline Suisse dans ses bureaux de Zurich, est l’un de ses principaux actionnaires.

Worldline s’éclipse

Interrogé sur ces commissions qui agacent les commerçants, le directeur de Worldline Suisse, Marc Schluep, commence d’abord par détailler les opérations de Worldline dans le pays. «Nous traitons les paiements électroniques pour 85 000 clients en Suisse. Nous mettons à disposition les terminaux de paiement que l’on trouve par exemple chez Migros, Coop ou les CFF», explique-t-il. « Nous veillons à ce que les transactions puissent passer par les canaux habituels, comme Visa, Mastercard, Alipay ou encore les cryptomonnaies. Il y a toute une série de contrôles, de solvabilité, de sécurité, de conformité, etc. », poursuit-il.

Concernant la commission prélevée par Wordline, Marc Schluep souligne que « le paiement en espèces n’a jamais été vraiment gratuit pour les commerçants ». «Ensuite, force est de constater que la concurrence dans le secteur des paiements est de plus en plus forte sur le marché suisse. Je ne suis donc pas en mesure de confirmer le niveau de notre commission », ajoute-t-il.

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Réaction politique

Face à ce silence, certains commencent à hausser le ton sur la scène politique, à l’image du conseiller national Emmanuel Amoos (PS/VS). « J’ai rencontré ces acteurs et bien sûr, leur réponse est qu’ils ne facturent presque rien et qu’ils font leur travail pour le bien des entreprises et des consommateurs. Mais la réalité est bien différente. Visa, Mastercard et Worldline ont des positions ultra dominantes dans le secteur », dénonce-t-il.

Le socialiste valaisan a donc déposé une enquête parlementaire exigeant plus de transparence pour les consommateurs et les commerçants de ces entreprises.

Nouveaux acteurs

Par ailleurs, les acteurs du paiement se multiplient. La start-up londonienne SumUp commence à se faire connaître dans toute l’Europe pour ses solutions de paiement électronique simplifiées. Présent dans 36 pays, son objectif est de « permettre aux petites entreprises de prospérer ». « Nous le faisons de différentes manières, à commencer par notre petit appareil blanc qui accepte les cartes de paiement », explique Luke Beavon, directeur de SumUp au Royaume-Uni.

Premier prix de ce terminal de micro paiement connectable à un smartphone : 29 euros en une seule fois, hors taxe mensuelle. Quant à la commission sur les transactions, il est de 1,5% en Suisse et peut descendre jusqu’à 0,99% selon les contrats. Le service va plus loin puisqu’il propose également toute une série de solutions de comptabilité et de facturation et viendra peut-être à bout des dernières résistances à la rareté du cash.

La start-up londonienne SumUp commence à se faire connaître dans toute l’Europe pour ses solutions de paiement électronique simplifiées. [RTS]

« Accepter les paiements électroniques, c’est encore mieux pour les commerçants », ajoute Luke Beavon. « C’est plus de chiffre d’affaires et moins de coûts avec la gestion de trésorerie. C’est aussi plus pratique : toutes les transactions sont numérisées et enregistrées. Vous savez en temps réel combien vous gagnez réellement.

En Suisse, SumUp a déjà convaincu 50’000 petits commerçants, pour un volume de deux milliards de francs l’année dernière. Elle s’attaque ainsi au quasi-monopole de Worldline dans la Confédération.

La transition numérique vers les paiements est presque terminée. À Londres au moins, l’argent liquide a presque complètement disparu de la circulation. Lors de notre tournage sur place fin mars, nous n’avons trouvé aucun commerce, café ou restaurant qui acceptait encore les espèces.

>> Regardez aussi l’émission Basik sur la fin du cash :

focus : la fin du cash ? / basique / 10 min. / 15 janvier 2024

Serge Enderlin

 
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