Le français perd du terrain dans les entreprises montréalaises

Le français perd du terrain dans les entreprises montréalaises
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Bonjour-Salut » n’est pas près de disparaître des commerces de l’île de Montréal. Des données rendues publiques lundi par l’Office québécois de la langue française (OQLF) démontrent que les clients de la métropole québécoise sont accueillis 71 % du temps en français seulement, une baisse de 13 points de pourcentage en 13 ans.

Ces chiffres proviennent d’une étude réalisée l’an dernier par des observateurs anonymes commandée par l’OQLF. Ils ont effectué « plus de 10 000 visites dans des entreprises » afin de connaître la langue utilisée à leur arrivée dans l’établissement ou à la caisse.

Premier constat : l’usage de l’anglais ou d’un mélange d’anglais et de français dans les magasins et restaurants montréalais est en augmentation. La réception uniquement en anglais a augmenté de cinq points de pourcentage depuis 2010 – année au cours de laquelle l’Office a mené un exercice similaire – passant de 12 % à 17 %. L’accueil en français et en anglais a augmenté de 8 points, passant de 4% à 12%.

À Montréal donc, l’étude estime le taux d’accueil en français seulement à 71 % en 2023, soit une baisse marquée de 13 points par rapport à 2010 (84 %). « Par ailleurs, l’analyse des données par secteur d’activité a révélé que les personnels de la restauration, de l’hébergement et des loisirs accueillaient davantage leurs clients en anglais uniquement ou en français et anglais. C’est dans ce secteur d’activité que le taux d’accueil en français était le plus faible », a souligné l’Office.

Cela n’empêche toutefois pas les clients d’être servis en français. Toujours selon l’OQLF, seulement 2,6 % des commerçants visités sur l’île dans le cadre de l’étude étaient incapables de s’exprimer dans la langue de Molière. Dans 7,3 % des cas, l’usage du français a été « provoqué », c’est-à-dire que l’observateur a dû demander à être servi en français. Pour 90,1 % des utilisateurs, le français a préséance comme langue de service.

Dans le reste du Québec, l’OQLF présente également un portrait plus nuancé. À Sherbrooke, par exemple, ses observateurs ont été accueillis à 99,8 % en français seulement. Au Québec et sur la Rive-Sud de Montréal, ce pourcentage s’élève respectivement à 93,4 % et 88,4 %. Il est plus faible à Gatineau (85,5 %) et à Laval (79,9 %).

La Charte de la langue française ne contient aucune disposition concernant la langue d’accueil, mais prévoit que « les consommateurs de biens ou de services ont le droit d’être informés et servis en français ».

Anormal, selon Roberge

Selon le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, le taux national d’accueil, qui s’élève à 78,3 % seulement en français, « démontre que le français est de moins en moins la langue normale des affaires et du commerce au Québec.

« Normal, cela devrait signifier être accueilli en français et recevoir un service en français ici au Québec, sans avoir à le demander. Cette étude est une preuve supplémentaire qu’une vigilance constante est nécessaire face au déclin du français et une vigueur pour redonner à la langue française la place qui lui revient dans notre société », a-t-il indiqué dans une déclaration écrite transmise lundi par son bureau.

Symptomatique de ce ralentissement de l’usage du français comme langue d’accueil, le « Bonjour-Salut » s’est déjà retrouvé dans la ligne de mire du gouvernement de la Coalition Avenir Québec (CAQ). En 2019, l’ancien ministre de la Langue française Simon Jolin-Barrette avait même évoqué l’idée de légiférer pour interdire cette expression, avant de revenir sur ses pas peu après. Relancé sur ce dossier, le cabinet de son successeur, M. Roberge, a soutenu que le gouvernement n’avait pas l’intention de modifier la loi.

L’expression en franglais a fait l’objet d’une motion en 2017 dans laquelle l’Assemblée nationale invitait « tous les commerçants et tous les salariés qui sont en contact avec la clientèle locale et internationale à les accueillir chaleureusement avec le mot « bonjour » », plutôt qu’avec « Bonjour ». –Salut « . Elle est notamment soutenue par le Parti libéral du Québec, qui occupe alors les sièges gouvernementaux.

Bientôt un plan d’action ?

Interrogée lundi sur les résultats de l’étude, l’opposition libérale officielle s’est montrée optimiste quant à l’avenir de la langue. «Je constate selon les chiffres dévoilés aujourd’hui par l’OQLF qu’il est désormais possible d’être servi en français dans 98 % des entreprises québécoises», a souligné la porte-parole du Parti libéral du Québec en la matière, Madwa-Nika Cadet.

«Je constate aussi une augmentation du taux de service en français […] quand les Québécois exigent d’être servis en français. C’est le signe qu’en tant que citoyens, nous pouvons concrètement contribuer au maintien de notre langage commun dans l’espace public. C’est même une responsabilité que nous avons», a-t-elle ajouté.

Le Parti Québécois envisage un avenir beaucoup moins heureux pour les Français si les choses continuent à ce rythme.

« Au rythme de 1 % par année, Montréal pourrait perdre son visage français en moins d’une génération. C’est un retour en arrière qui nous ramène à avant 1976», a soutenu lundi le député Pascal Bérubé, porte-parole péquiste pour la langue française.

Une semaine plus tôt, son chef, Paul St-Pierre Plamondon, avait évoqué le risque que le « régime fédéral » et ses décisions politiques accélèrent le déclin du Québec sur le plan linguistique et culturel.

« Les projets d’immigration du Canada constituent une menace bien réelle à la vitalité de la langue française dans notre métropole », a ajouté M. Bérubé.

Québec solidaire exhorte Jean-François Roberge à faire davantage pour le français dans la métropole québécoise. « J’ai contacté le ministre en janvier pour lui demander, entre autres, de créer un bureau spécial au sein de l’OQLF dédié aux enjeux spécifiques de Montréal, là où les défis sont les plus importants. J’attends toujours sa réponse », a déclaré le député Ruba Ghazal. « La CAQ est au pouvoir depuis 6 ans, quel est son bilan ? »

Élevé sur cette question, le ministre Roberge a assuré lundi avoir toujours voulu « en faire plus » pour protéger les Français. «C’est l’objectif de notre gouvernement. Assurer la vitalité du français est l’affaire de tous », a-t-il déclaré. La « loi 96 » adoptée lors du dernier mandat par la CAQ contenait des mesures resserrant les règles sur l’affichage public et l’usage de la langue au travail, mais rien sur la salutation en français dans les entreprises.

M. Roberge s’est déjà engagé à soumettre un plan d’action, élaboré avec ses collègues du Groupe d’action pour l’avenir de la langue française, afin d’inverser le déclin du français. Selon son bureau, ce n’est « qu’une question de jours » avant que cela ne soit rendu public.

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