Après plus de cinquante jours, la France a enfin un nouveau Premier ministre en la personne de Michel Barnier, membre de LR. Le critère qui a prévalu pour le nommer : son « incensurabilité » par l’Assemblée nationale. Et plus particulièrement, l’assurance que les députés du Rassemblement national ne voteront pas immédiatement une motion de censure à son encontre. Ce qui a conduit Jean-Luc Mélenchon à dénoncer un gouvernement « presque incompétent » […] “M. Mélenchon veut-il dire que le RN est le faiseur de rois ? Il a raison pour une fois”, a rétorqué Joshua Hochart, sénateur RN du Nord.
« Nous jugerons son discours de politique générale sur ses mérites »
Pas de censure automatique des députés RN envers un gouvernement Barnier. C'est en effet ce qu'ont affirmé les dirigeants du parti d'extrême droite à l'annonce de la nomination de ce dernier à Matignon. « Nous jugerons son discours de politique générale sur le vif », a tweeté Jordan Bardella, le président du Rassemblement national. Marine Le Pen, présidente du groupe à l'Assemblée nationale, affirme que les membres de son groupe seront « attentifs au projet qu'il portera ». Pas de censure automatique, donc. Mais « pas de carte blanche signée » non plus, selon les propos du sénateur RN du Pas-de-Calais Christopher Szczurek, « le seul gouvernement qui nous satisferait serait un gouvernement Bardella ». « Le RN ne participera à aucun gouvernement quel qu'il soit », a rappelé Marine Le Pen sur LCI.
Un homme qui « a traité le RN et ses électeurs sans cordon sanitaire »
Michel Barnier coche plusieurs cases pour satisfaire les membres du RN et lui permettre de rester Premier ministre « plus de 48 heures », selon Joshua Hochart. Ils reconnaissent en lui un homme qui a « traité le RN et ses électeurs sans cordon sanitaire », selon Christopher Szczurek. Une condition sur laquelle insiste Marine Le Pen. Elle salue un homme « respectueux des différentes forces politiques et capable de pouvoir s’adresser au Rassemblement national ». « Le front républicain, ça n’a plus de sens », dénonce le sénateur Szczurek, « s’il y a une force politique qui a démontré sa radicalité et son ambiguïté sur l’antisémitisme, c’est la France Insoumise. Nous avons montré notre respect total de nos institutions ».
Si Michel Barnier, homme de droite comme Xavier Bertrand, également pressenti pour le poste, a gagné les faveurs de l'Elysée, c'est peut-être aussi pour cette raison. Les relations entre Xavier Bertrand et le Rassemblement national sont en effet glaciales, depuis qu'il a été élu en 2015 à la tête de la région Hauts-de-France face à Marine Le Pen, dans une démarche de front républicain. « Il a été sectaire de A à Z, il gère la région en communiquant. On le juge sur les preuves, lui », assène Christopher Szczurek, qui fut conseiller régional des Hauts-de-France.
« Il y a plusieurs Michel Barnier : le commissaire européen zélé et le candidat à la primaire LR pour la présidentielle »
Michel Barnier pourrait également séduire le Rassemblement national sur le fond. En effet, lors de la primaire LR pour l’élection présidentielle, le candidat Barnier avait pris une position très ferme sur l’immigration, allant jusqu’à réclamer un référendum et un moratoire sur l’immigration puis à plaider pour « ne plus être soumis aux arrêts de la CJUE » [Cour de Justice de l’UE, ndlr] ou la CEDH [Cour européenne des droits de l’homme] « Il y a plusieurs Michel Barnier : le commissaire européen zélé et le candidat à la primaire LR pour la présidentielle, qui ont accepté de parler aux électeurs RN et de les traiter normalement. Si c'est lui, on peut être attentiste », juge Christopher Szczurek. Le mot d'ordre : attendre son discours de politique générale.
Les mesures souhaitées par le RN concernent l'instauration d'une représentation proportionnelle, un durcissement de la politique d'immigration et de sécurité, et le pouvoir d'achat.
« Un Premier ministre issu du parti politique qui a le moins résisté à ces législatives »
Pas de censure automatique, un attentisme, mais un rôle d'«opposition responsable», selon les mots du député RN Laurent Jacobelli. Des élus d'extrême droite restent toutefois surpris par cette appellation pour Matignon. «Cela reste extrêmement étonnant qu'après deux mois, Emmanuel Macron en soit venu à nommer un Premier ministre issu du parti politique qui a le moins résisté à ces législatives», juge Christopher Szczurek.
