Le moment est venu d’abolir les pourboires

Le moment est venu d’abolir les pourboires
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On en parle depuis des décennies, mais le moment est peut-être venu d’abolir le pourboire au Québec.

D’autant qu’une habitude un peu pernicieuse s’est installée partout dans les entreprises de la province qui consiste à demander un pourboire pour des tâches qui n’en méritent pas. Un café filtre, un comptoir de plats à emporter, une borne automatique (!), tout le monde a désormais droit à une petite prime payée par le consommateur.

Avec la croissance rapide des paiements numériques, les pourcentages « suggérés » font désormais partie de nos habitudes. En 2022, 10 % des transactions au Canada se faisaient en espèces, ce qui représente 1 % de la valeur totale du commerce… mais deux personnes sur trois (65 %) affirment qu’elles n’auraient pas laissé de pourboire si le paiement terminal n’en avait pas offert l’option.

Cela me donne envie de revenir au cash.

Cependant, plusieurs études démontrent les effets pervers de la culture du pourboire, tant sur les salariés eux-mêmes que sur la relation avec les clients. Malgré tout, on apprend ces derniers jours que la dernière « innovation » à la mode consiste à ajouter des emojis joyeux ou en colère afin d’inciter les clients à donner davantage.

C’est de la manipulation psychologique, rien de moins.

Ne rends service à personne

Le pourboire a été officiellement intégré au droit du travail québécois dans les années 1930, à l’instigation du secteur hôtelier. Adoptée en 1937, la loi sur les salaires raisonnables avance principalement deux choses : 1) le pourboire appartient à l’employé (et non au patron), mais 2) le patron peut payer moins par heure à l’employé qui reçoit un pourboire pour compenser.

Il y a donc dès le départ cette idée que l’argent versé en prime par le client donne droit au salarié à une rémunération moindre, ce qui convient… aux patrons.

Près de 100 ans plus tard, la même logique est toujours à l’œuvre : donner un pourboire, c’est reconnaître que le salarié n’est pas assez bien payé.

Le chercheur Ofer Azar étudie la question depuis plus de 20 ans et conclut que cette pratique « permet au client de faire preuve de gratitude, d’empathie et de compassion envers les employés à faible revenu ». Dans la plupart des pays, selon Azar, le pourboire est un palliatif aux mauvaises conditions de travail.

Payer mieux pour gagner mieux

La principale cause des déversements effrénés est donc un problème de gestion. Plutôt que de payer aux gens leur juste valeur, nous préférons rejeter l’odieux (et la culpabilité) sur le client.

De plus, les données montrent qu’au cours des 50 dernières années, la rémunération globale des travailleurs bénéficiant d’un pourboire a augmenté moins rapidement que celle des autres salariés. Nous perpétuons donc une injustice qui n’a rien à voir avec la qualité du service ou du produit vendu. C’est un système que nous tolérons.

Aux États-Unis, le Center for American Progress a même montré que les États qui ont aboli le salaire minimum avec pourboire ont connu une croissance plus rapide et des économies plus résilientes au cours de la dernière décennie.

Il y a donc, pour le Québec collectivement, pour ses travailleurs et ses patrons, un réel avantage à éliminer cette pratique.

Ce ne sera pas facile dans l’immédiat, mais tout le monde y gagnera à long terme.

 
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