Entre réel et surréaliste dans le Zimbabwe contemporain, avec l’écrivain Shimmer Chinodya

Entre réel et surréaliste dans le Zimbabwe contemporain, avec l’écrivain Shimmer Chinodya
Entre réel et surréaliste dans le Zimbabwe contemporain, avec l’écrivain Shimmer Chinodya

Au menu des « parcours d’écriture » ce dimanche, Shimmer ChinaDya, romancière, nouvelle pratiquante du Zimbabwe. Avec une douzaine de titres à son actif, Chinodya s’impose comme un auteur majeur des lettres africaines. Il est récipiendaire de nombreux prix littéraires, et son recueil d’actualités » Pouvons-nous nous parler et d’autres histoires C’est son premier ouvrage publié en français.

Le travail du Zimbabwéen Shimmer Chinodya est un « Hymne à la vie », écrit Annick Garache-Gouvernel, traductrice de son recueil d’actualités Pouvons-nous nous parler et parler d’autres histoiresqui vient de paraître dans la langue de Voltaire. Fin connaisseur de littéraire zimbabwéenla traductrice raconte dans sa postface au recueil, l’art exceptionnel de son auteur.

Avec lui, à son actif, une douzaine de titres, dont Romans et Nouvelles, Shimmer Chinodya, écrit son traducteur, « Composée au fil de son œuvre d’un monde poétique vivant où tout et correspondance, son écriture est tour à tour violente et réticente. Économe, elle creuse le laser de l’ironie dans les angoisses de l’âme humaine et, tout en décrivant avec précision le monde extérieur tel qu’il est, fait surgir un autre monde, un autre possible, qui semble exister en parallèle. C’est tout un peuple qui vit dans les livres de Shimmer Chinodya ».

Un conteur né

L’homme est un conteur né, comme en témoignent ses romans qu’il publie depuis les années 1980. Son tout premier roman Rosée le matin (Rosée du matinen français) qu’il a écrit à l’âge de 17 ans, ou encore son opus Magnum Récolte d’épines (Récolte des épines) relatif à la guerre d’indépendance du Zimbabwe, l’a imposé comme une voix majeure des lettres africaines. Ses romans racontent avec un souci urgent de la fragilité quotidienne, mêlant avec brio émotions et événements, réalité et surréalisme.

Cette voix perspicace et sensible du romancier, on la retrouve dans les nouvelles qui viennent de paraître, qui sont à la fois des témoignages psychologiques et sociaux et des analyses des vies évoluant dans le Le Zimbabwe après l’indépendance. Il faut aussi lire ces nouvelles pour l’atmosphère lourde de sens et de prémonitions que l’auteur réussit à créer dans les premiers mots de ses récits comme dans le nouveau Cascadeemblématique de la narration maîtrisée et sinueuse de cet auteur.

« Au premier abord, il semblait n’être qu’un de ces frissons insupportables qu’on rencontre autour d’un brai. [le barbecue des Afrikaners NDLR]- Ceux qui connaissent toutes les histoires et anecdotes qui circulent. (…) Ils sont payés pour des verres, regardent les partenaires des autres, et mettent les doigts sur le porc grillé des autres. Celui-ci, âgé d’environ vingt-cinq ans, petit, mince, était plutôt sympathique, audacieux, peu soucieux de son apparence, avec, malgré tout, son téléphone portable accroché à son jean. »

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1ère reprise de « Pouvons-nous nous parler ? » » Du romancier zimbabwéen Shimmer Chinodya. © NASSUF DJAILANI/ÉDITIONS PROJET-ILES

Ainsi commence Cascade dont l’action est menée avec beaucoup de brio, à travers une écriture très visuelle. L’histoire que raconte cette nouvelle est représentative de l’ambiance qui règne dans ces pages, entre réalisme brut et basculement dans le surréaliste, voire fantastique. Ici, l’action se déroule dans un Braai où un jeune homme mi-trois, mi-fanfar, vante ses conquêtes féminines. « Le narrateur, il est autour d’un barbecueexplique le traducteur. Il ne sait pas quoi faire, il s’ennuie, il se rapproche de tout un petit groupe qui écoute quelqu’un qui lui raconte des histoires. L’histoire, c’est qu’il emmène des filles dans sa voiture, il veut passer un bon moment avec elles. Ils boivent de la bière, se droguent et tout ça. Alors, ils lui disent : ‘Vas-y, nous allons aller dans cet endroit que nous connaissons’. Ils y vont, ils s’y baignent, et puis, tout d’un coup, une des filles se transforme en sorcière. Il y a quelque chose d’incroyable, qui fait peur, c’est le monde de l’étrange ou du fantastique à la fois. »»

Un panorama de préoccupations

Les onze nouvelles que comprend ce recueil offrent un panorama des préoccupations de l’auteur qui vont de la guerre à l’enfance cruelle, en passant par les injustices et inégalités sociales, incarnées par des personnages attachants qui « parler le langage simple de la terre et de la vie »comme l’écrit la traductrice dans sa postface. De plus, les thèmes abordés dans ces actualités sont déjà présents dans les romans qui ont lancé la carrière de l’auteur, comme Rosée du matin ou Récolte d’épinesqui n’ont pas encore été publiés en français.

Shimmer CHINODYA est née en 1957 dans un milieu modeste, dans le canton de Gweru, une petite ville du centre du Zimbabwe, alors appelée Rhodésie. Son père qui travaillait pour un marchand indien saigne à blanc pour assurer une bonne éducation à ses deux fils. Selon la légende, ce père amateur d’écriture, récupérait des livres lors de ses pérégrinations en ville. C’est dans la bibliothèque paternelle, composée de trois recueils de livres, que le jeune Shimmer lit ses premiers classiques. Ils lui ont inculqué le goût de l’écriture et cette conviction qu’il s’est fait depuis la sienne, selon les mots de l’auteur en personne : « La mission principale de l’art est d’élever et de vivifier l’esprit ».

Élever et revigorer l’esprit, c’est superbement réussir les onze nouvelles du recueil de nouvelles de Chinodya. Le lecteur grandit, informé de la formation d’un monde si lointain et pourtant si proche.

► Pouvons-nous nous parler et parler d’autres histoirespar Shimmer Chinodya. Traduit par Annick Garache-Governnel. Editons Project’îles, 185 pages, 16 euros.

 
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