Paris Turf : Vous avez repris votre licence d’entraîneur en septembre 2022 après une interruption de 18 mois, comment voyez-vous ce retour ?
Julien Phelippon : Pour être honnête, je n’aurais jamais imaginé que les résultats pourraient être aussi bons. Je suis fier de mon équipe, dirigée par mon manager, Paul Aeschelmann, qui travaille dur. Chacun joue un rôle spécifique et précieux. Nous travaillons en moyenne avec 15 chevaux. Nous avons dépassé les 30 gagnants en 2023 et 2024. Nous allons essayer d’augmenter encore les résultats grâce à des clients fidèles qui me suivent dans les investissements. J’aimerais me diversifier en entraînant de jeunes chevaux et, pourquoi pas, m’essayer un peu au saut d’obstacles.
Etes-vous inquiet en tant que professionnel des mauvais chiffres du PMU ?
Inquiet, c’est un mot faible ! Je suis dévasté, d’autant plus que la plupart de mes collègues connaissent peu ces questions. Pourtant, c’est essentiel. J’ai l’image d’un tsunami arrivant à l’horizon pendant que nous continuons tranquillement à pique-niquer sur la plage. La prochaine étape est la réduction des prestations. Et si cela arrive, ce sera un désastre. La pyramide du coaching va s’effondrer par le bas et, dans moins de 3 ans, nous pourrions nous retrouver dans le même état que tous nos voisins européens.
Le Quinté+ peut-il être relancé ? Si oui, comment ?
En l’état, cela me paraît impossible pour trois raisons principales : c’est beaucoup trop taxé avec un TRJ (taux de retour des joueurs, ndlr) si bas qu’il ne laisse aucune chance aux parieurs. C’est décevant à tous les niveaux de reporting. Il n’offre aucun espoir de gain réel important comparable aux jeux de la FDJ (Française des Jeux). Enfin, un même jeu n’est, à mon avis, pas adapté aux deux disciplines, car le trot propose souvent des courses très lisibles qui génèrent des relations affamées.
Selon vous, le PMU a-t-il bien fait d’exclure les Grands Parieurs Internationaux (GPI) de l’offre Quinté+ ? Faut-il aller plus loin et les exclure des autres jeux ?
Les GPI sont le cancer de la course. Ils tuent à petit feu les paris hippiques en France sous l’œil passif des organisateurs et du régulateur… Ils aspirent l’argent des meilleurs joueurs français avec des procédures qui confinent à l’illégalité. Le pire, c’est que cela a complètement dégradé l’image de l’opérateur auprès des acteurs, qui sont, normalement, les meilleurs ambassadeurs de la marque. Aujourd’hui, si vous faites un sondage d’opinion auprès des parieurs historiques, vous constaterez l’ampleur du désastre.
Si vous étiez le patron du PMU, quel nouveau jeu lanceriez-vous demain ?
Ma philosophie repose avant tout sur un pilier : moins d’impôts sur un plus grand volume d’émissions. Cela favorise le recyclage. Nous faisons tout le contraire depuis dix ans en abaissant constamment le TRJ. Ensuite, j’interdirais la sortie de nouveaux jeux exclusivement sur internet, car la part de marché est trop faible, donc ils sont condamnés d’avance. Enfin, disposer d’un système informatique suffisamment agile pour tester de nouvelles choses serait un luxe dont on ne peut plus vraiment se passer.
Alors que vous souteniez Cyril Linette à l’époque dans la stratégie consistant à réduire l’offre (en termes de courses et de paris), êtes-vous déçu des résultats enregistrés en termes d’enjeux hippiques, l’opérateur n’enregistrant pas le rebond espéré ?
Ce qui m’a séduit dans la politique de Cyril Linette, c’est qu’il avait une vraie vision à court et à long terme. La stratégie sur laquelle il s’est appuyé jusqu’à son départ était la bonne. Tout comme les chiffres. En matière de paris hippiques, plus le temps passe, plus ma conviction se renforce. La politique de jeu doit être décidée par des personnes possédant une vaste expérience des paris. C’est un univers extrêmement particulier qui, selon moi, échappe complètement aux non-initiés.
Quel regard portez-vous sur la nouvelle stratégie présentée par le directeur marketing du PMU, Olivier Pribile dans ParisTurf, à savoir faire du PMU à nouveau un acteur multi-activités ?
Malheureusement, je ne suis pas assez compétent pour vous répondre mais, intuitivement, lorsqu’un article suscite un tel mécontentement chez les parieurs auxquels il s’adresse, c’est qu’il y a un gros problème de fond. Si les perspectives de croissance du PMU reposent sur le grattage, les courses virtuelles ou les paris sportifs, je me dis qu’on est très mal en point. Il faudra selon moi être plus ambitieux et imaginatif sur le produit « course » pour espérer inverser la courbe.
Sur les réseaux sociaux, on remarque souvent votre mécontentement face au manque d’alternance entre trot et galop lors de la prise de paris, notamment le samedi. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Aujourd’hui, le calendrier est fait selon des traditions et des souhaits qui me paraissent inaudibles en temps de crise et qui ne permettent plus d’optimiser les enjeux. On voit que les joueurs, surtout les plus grands, sont attachés à une discipline. Au galop, entre le plat et l’obstacle, ce ne sont déjà plus les mêmes. Il faut repartir d’une page blanche, en dehors du programme classique, afin de construire le produit qui plaira le plus aux parieurs et qui permettra de maximiser les revenus en prenant en compte ce type de développement. Je constate encore que certains hippodromes ont trop de réunions, parce qu’elles sont simplement réalisées par une personne bien placée dans l’institution. Il existe aussi des régions bien mieux desservies que d’autres et cela conduit à des voyages à vide. Il est urgent de rééquilibrer cette situation. Le nombre de courses doit être attribué uniquement sur la base de chiffres géographiques et non politiquement.
Les handicaps, qui présentent le plus d’enjeux, devraient-ils être davantage valorisés en termes d’allocations par rapport aux courses de groupe qui génèrent moins de revenus, car réunissant moins de partants ?
Non, j’aime l’équilibre français qui profite à tout le monde en termes de programmes et de dotations. Je pense qu’il faut le préserver. En revanche, nous avons trop augmenté le nombre de handicaps sur le plat pour faire grimper le nombre moyen de partants. Selon moi, il est plus important d’essayer de gagner des partants dans des courses creuses, plutôt que de faire trop de courses difficiles à déchiffrer pour les parieurs. Car le risque est de les « essorer » et de les dégoûter très vite. Par ailleurs, je trouve qu’il faut être solidaire de l’obstacle qui se débat en termes d’enjeux, mais à une condition : que tout soit mis en place pour s’améliorer. Comment peut-on encore justifier que le pourcentage de handicaps sur le plat soit nettement plus élevé que sur le parcours du combattant ? C’est injuste.
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Vous êtes fan du marché des réclamers. Qu’avez-vous pensé de la nouvelle mesure mise en place par France Galop qui permet la mise en ligne des bulletins ?
Nous l’attendions depuis longtemps et c’est une belle réussite. Bravo aux équipes de France Galop qui ont su le mettre en place. C’est beaucoup plus pratique. A terme, cela devrait augmenter le nombre de transactions. C’est positif pour l’économie.
Avez-vous d’autres idées pour booster cette catégorie qui n’a pas été très prisée ces derniers temps ?
De nombreux demandeurs ont été radiés, les spécialistes de ce marché ont donc disparu. Mais c’est une erreur que l’institution a commise. Tout le monde ne peut pas investir dans les yearlings. Pour les petits et moyens budgets, qui souhaiteraient se lancer dans la propriété, c’est un excellent moyen de vivre des émotions rapidement.
Vous suivez également le trot de très près. Avez-vous un favori pour le Prix d’Amérique ?
Je suis passionné par le trot et ses acteurs. D’ailleurs je pense que l’hippodrome que je fréquente le plus n’est autre que celui de Vincennes. Je n’ai pas de favori particulier mais, comme c’est souvent le cas dans les grandes courses, je souhaite avant tout que la course se déroule bien afin de permettre aux meilleurs de gagner.
Que doit inspirer le galop à partir du trot ?
Les liens entre le public et les socioprofessionnels sont beaucoup plus forts au trot. Je pense que nous devons nous améliorer et être des ambassadeurs de nos courses auprès du grand public, afin de mieux sensibiliser les spectateurs à notre métier. Je trouve aussi que le trot a su aussi développer son programme d’événements majeurs et c’est une réussite. Au galop, nous sommes totalement bloqués par les accords avec le « patron ». Cela nous empêche d’organiser notre programme comme le bon sens l’exigerait.
Y a-t-il un projet qui vous tient particulièrement à cœur pour la saison 2025 ?
Oui, confirmons la réouverture de Maisons-Laffitte. C’est un combat que toute l’institution doit mener ensemble, pour en faire un totem, car depuis sa fermeture nous n’avons jamais réussi à la remplacer de manière acceptable. Il y a un manque criant de ligne droite régulière à Paris, notamment pour les 2 ans. L’enjeu est important et obtenir sa réouverture serait un symbole fort pour la compétitivité des courses françaises.
Pour conclure, êtes-vous confiant quant à l’avenir de la course automobile ?
Pour les paris hippiques, je serai sincère, rien de ce qui est proposé ne me semble capable d’arrêter la baisse des enjeux. Et en tant que parieur, je m’ennuie des paris hippiques car ils ne sont pas très innovants, surtout si on les compare aux paris sportifs. Dans la foule des courses, j’ai vu des choses qui m’excitaient. Le Prix de Cornulier (Gr. I) avec « la Folie Douce » a été une belle réussite. L’hippodrome de Pau, qui fait figure de modèle, a créé une ambiance chaleureuse. L’entrée gratuite et la restauration de qualité à un prix abordable ont fait augmenter le nombre de visiteurs, ce qui est tout simplement étonnant. Curieusement, les idées de bon sens fonctionnent. Si l’enjeu est l’essence même de la course automobile, c’est sur les circuits que l’on véhicule la meilleure image de notre sport. Et donc que nous avons les meilleures chances de recruter de futurs parieurs et propriétaires. Alors réinventons les courses sur les hippodromes, notamment à Paris, afin d’en faire à nouveau des lieux populaires, festifs et conviviaux. Pas seulement pour les Grands Prix, mais tous les jours. Le nouveau mandat de France Galop a de grands projets. Je nous le souhaite. Mon souhait pour 2025 est que la mise en musique soit une belle réussite.
Son partant pour vendredi et ses chevaux à suivre
“L’Initiéqui participera à la première course ce vendredi à Deauville, se place souvent, mais manque jusqu’à présent de volonté de gagner. Il a déjà bien performé sur cette piste et devrait tenir 3 400 mètres. En revanche, dans le futur, je n’ai pas vraiment de chevaux déclassés. Lors de chaque course, nous essayons d’obtenir les meilleurs résultats possibles. Dans les semaines à venir, Larcin, Monsieur Jules, je suis perdu ou Fonctionnement devrait trouver des courses intéressantes. Ferrari Fièvre, Central Park Ouest et Eywaqui sont nos héros de 2024, sont toujours en grande forme, mais les engagements sont logiquement plus difficiles désormais.