l’essentiel
Antonio Fischetti est journaliste à Charlie Hebdo et auteur de nombreux documentaires. Il sera à Foix pour présenter son œuvre « Je ne veux plus y aller maman », au Rex, le 20 janvier.
Est-ce que c’est intéressant d’aller à la rencontre du public comme on le fait à Foix ?
C’est important. Lorsque vous rédigez un article, vous êtes seul, il n’y a aucun contact avec les gens. Quand on assiste au débat, on voit les réactions des gens, d’autant que mon film est personnel, il parle de l’intime. C’est bien de discuter avec eux, certains sont énervés et on discute ensuite avec eux.
Faut-il encore convaincre après la tragédie de Charlie Hebdo ?
Mon documentaire ne parle pas seulement de liberté d’expression, même si je trouve toujours cela important. Dans le film, on ne parle pas que de Charlie Hebdo. C’est écrit comme un journal intime, ça parle beaucoup de ma collègue Elsa Cayat (assassinée lors de l’attentat, NDLR), ça pose des questions. Nous partageons également nos expériences.
Le public vous raconte inévitablement des événements tragiques…
Les spectateurs posent des questions, oui, et on y répond avec toujours autant de plaisir sur Charlie Hebdo. Il y a des gens qui ont évolué, c’était Charlie, puis se sont retournés, mais d’autres nous soutiennent. Il faut toujours poursuivre ce combat pour expliquer et réexpliquer. Si l’on abandonne, le terrorisme progresse, en France et dans d’autres pays.
Vous aviez commencé un film avec Elsa Cayat. Le rendu est-il différent ?
Au début, il tournait autour d’elle. Et puis, je me laisse emporter, ça s’étale sur plusieurs années. Le film a été construit comme la vie. Le documentaire, c’est un peu Charlie, c’est un peu foutraque, c’est-à-dire extravagant. Il y a un fil conducteur mais avec un point d’arrivée loin du départ.
Est-il destiné à tous les publics ?
-Je dirais que pour un enfant de douze ans, il faudrait qu’un enseignant ait fait un certain travail au préalable. Par certains aspects, le film aborde des points sensibles. Et c’est un film d’art et d’essai, on est loin des séries américaines.
Passer du journal au cinéma, c’est différent…
Avant de devenir journaliste, j’étais enseignant-chercheur dans des écoles de cinéma, je m’occupais du son et de l’image. J’ai également travaillé sur une douzaine de films scientifiques, notamment sur les animaux. Nous nous exprimons différemment et je le voulais. D’ailleurs pour « Je ne veux plus y aller maman », je ne voulais pas écrire un livre sur le sujet, j’ai préféré faire du documentaire.
Un documentaire peut-il toucher plus de gens ?
C’est difficile à dire, très difficile. J’ai eu du mal à faire distribuer mon film. Mais il y a un public pour ce type de film, on s’en rend compte lors de rencontres avec le public. Il est sensible à ce que nous exprimons et à ce que nous disons. Mon objectif est de toucher les gens, et de leur faire savoir que ce film existe.
Une projection unique au Rex
La projection, suivie d’un débat avec le réalisateur Antonio Fischetti, aura lieu lors d’une seule soirée le 20 janvier au Rex.
Pour Sébastien Tacquet, directeur du cinéma de Foix, projeter ce film dans sa salle était une évidence. « Comme un grand nombre de Français, j’ai été frappé par l’attentat, cette ignominie. Lorsqu’on m’a proposé de diffuser le film, j’ai immédiatement accepté. Car selon lui, c’est le rôle d’un espace culturel comme le sien : “Nous sommes des distributeurs de films, nous sommes là pour garantir la liberté d’expression, pour donner un moyen à l’auteur de s’exprimer.”
Plus que pour le documentaire, l’échange avec le journaliste de Charlie Hebdo constitue une raison essentielle pour venir au théâtre, connaître son témoignage, son récit dans le journal et son vécu des événements. « Etablir un dialogue permet à l’auteur d’apporter son point de vue et d’expliquer sa démarche. Cela met en valeur le réalisateur », ajoute le gérant.