À l’EARL des Chênes, la liste du matériel possédé est rapide à établir : un tracteur John Deere 6110M avec un chargeur frontal de 2023, un tracteur Lamborghini datant de 2006 attelés devant la raboteuse, une pailleuse de 2008, un faneuse de 2022 et un bobine d’irrigation acheté en 2019. « Pour tout le reste, je passe principalement par les deux Seulement avec qui je travaille depuis maintenant trente ans, explique Laurent Séjourné, éleveur à Saint-Viaud, en Loire-Atlantique. La ferme a toujours fonctionné ainsi, mes parents ayant participé à leur époque à la création de Cuma dans le secteur. J’ai donc une offre très complète, avec des matériaux et des technologies que je ne pourrais pas me permettre individuellement. De plus, je n’ai jamais été très intéressé par les machines. Je préfère passer mon temps à gérer le troupeau plutôt que de faire de la mécanique ou de passer des heures au volant. »
Ensileuse automotrice pour huit exploitations agricoles
L’opérateur est adhérent de la Cuma Du Littoral, basée à Saint-Père-en-Retz. Cette coopérative, qui compte un bâtiment et quatre salariés, réalise un chiffre d’affaires annuel d’environ un million d’euros, avec une trentaine d’agriculteurs actifs. Elle propose tous les travaux de récolte avec chauffeur, ainsi que le labour et l’épandage du lisier. La Cuma dispose également d’un ensileur automoteur qui passe quotidiennement chez Laurent Séjourné pour nourrir le troupeau. Le parcours concerne huit fermes laitières, réparties sur trois communes sur une distance totale de 55 km. Ce groupe, constitué en 2011, utilise actuellement sa troisième machine : un modèle RMH, Vulcan 16 Gold de 16 m.3 de capacité.
« Pour ma part, je dois préparer le silo et tout organiser sur la ferme pour que le chauffeur réalise la prestation dans un minimum de temps », explique Laurent Séjourné. Il vient six jours par semaine et distribue une double ration le samedi pour nourrir les animaux tout le week-end. Je place au préalable les concentrés directement sur le silo pour qu’il charge tout en même temps. J’ai une ration simple, destinée uniquement aux laitières, car, pour les génisses et les bœufs, je distribue de l’ensilage préfané et du foin. En principe, la machine ne reste sur la ferme que six à sept minutes. Pour la facturation, le montant des charges fixes est réparti entre chaque opérateur en fonction du volume de lait produit sur l’année. Les dépenses de fonctionnement, telles que la main d’œuvre, le carburant et l’entretien, sont refacturées au prorata du temps passé. Économiquement, cela ne me coûte que 11 euros pour 1 000 litres de lait produits. C’est un prix imbattable que je ne pourrais jamais atteindre avec mon propre matériel. Ce coût très faible s’explique aussi par le fait que je ferme le silo environ trois mois par an lorsque les vaches passent tout leur temps dans les prés. Durant cette période, je ne paie donc que l’amortissement de la machine. Chez mes confrères, où l’autorail circule tous les jours de l’année, le prix tourne autour de 14 à 15 €/1 000 l, ce qui reste très avantageux. » En comparaison, les études montrent souvent que, chez les éleveurs équipés individuellement, le coût de distribution est rarement inférieur à 20 à 25 €/1 000 l.
L’EARL rejoint également la Cuma Loiretz, présidée par Laurent Séjourné. Elle n’emploie aucun salarié : les quinze membres se partagent les responsabilités et assurent eux-mêmes l’entretien courant des équipements. Les interventions mécaniques plus avancées sont externalisées.
Organisation et planification
Grâce à cela, l’agriculteur a accès à trois tracteurs de 150 ch et à toute une gamme d’équipements annexes : fenaison, transport, travail du sol, fertilisation et semis. En moyenne, il utilise le tracteur Cuma 200 heures par an. Le prix des tracteurs, fixé à 23 € de l’heure hors GNR, est également très compétitif. En déléguant l’alimentation et grâce au pâturage, les coûts de mécanisation de l’exploitation sont par conséquent très réduits par rapport aux moyennes régionales. (lire l’encadré). « Le bon fonctionnement de la ferme repose sur l’organisation et la planification », reconnaît Laurent Séjourné. Ayant deux salariés à gérer, j’ai l’habitude. Il est également essentiel de partager intelligemment les équipements et d’optimiser leur utilisation. D’une semaine à l’autre, je planifie les chantiers et réserve le matériel dont j’ai besoin. Ensuite, la météo est aux commandes. Mais, si on attend le dernier moment pour planifier les travaux, cela ne marche pas, car le matériel est souvent déjà réservé. »
-Accès à des technologies haut de gamme
En mutualisant les investissements, les Cuma ont la capacité d’acquérir des équipements volumineux et performants, dotés également de technologies plus haut de gamme, souvent inaccessibles à un seul éleveur. C’est le cas par exemple d’un andaineur Sitrex à 16 éléments pour une largeur de travail de 9 m. Le groupe dispose également d’un semoir pour céréales et prairies. Il s’agit d’un Sulky Progress P100, un modèle destiné à la préparation simplifiée des sols avec trois trémies et une double ligne de semis. «Quand on est installé comme particulier comme moi sur un petit territoire et avec peu d’animaux, il est difficile de faire des économies d’échelle», reconnaît l’éleveur. Le partage de matériel est donc la meilleure solution pour réduire les coûts. J’ai également accès à du matériel performant. Personnellement, je ne pourrais pas financer l’achat d’un tracteur de 150 ch, surtout si je ne l’utilise que 200 heures par an. Grâce au Cuma, je peux réserver trois tracteurs en même temps pour les journées d’ensilage et, lorsque je n’en ai plus besoin, ils ne restent pas dans le hangar à ne rien faire. »
L’éleveur estime également que tout ne peut pas être partagé. Pour toutes les tâches quotidiennes de manutention, il possède par exemple au moins un tracteur agricole avec son chargeur frontal sur son exploitation. Adepte du pâturage en rotation, il doit régulièrement gérer la perte de certains paddocks. C’est donc aussi pour rester réactif qu’il préfère avoir sa propre faneuse. « La délégation me fait gagner beaucoup de temps sur les tâches répétitives, notamment lors de l’alimentation des vaches. Je pense aussi que mon système, très axé sur le pâturage, est plus résilient. Compte tenu du contexte climatique difficile de 2023-2024, je suis soulagé de ne pas être trop dépendant du maïs. Mes besoins en équipements, et donc mes coûts de mécanisation, sont inférieurs à la moyenne. Tout au long de ma carrière, j’ai réalisé des économies sur ce poste et j’ai investi de manière plus durable dans le drainage et l’irrigation pour sécuriser la production fourragère. »
Outre le partage d’outils, Laurent Séjourné apprécie également l’esprit coopératif et la cohésion entre les membres : « Cela me semble fondamental pour le bon fonctionnement de la Cuma », insiste-t-il. Chacun reste libre chez lui de travailler comme bon lui semble, mais chacun se connaît et sait comment travaille son voisin. Au quotidien, les membres peuvent s’entraider ou se rendre des services en allant, par exemple, conduire du matériel directement dans une autre ferme une fois les travaux terminés. Tout cela fait gagner du temps. Cet esprit de groupe doit être entretenu et il est important de l’entretenir, notamment dans la convivialité et la bonne entente. J’insiste souvent sur l’importance des réunions hebdomadaires de Cuma. Chacun peut s’exprimer et discuter avec les autres de ce qui va bien et aussi de ce qui doit être amélioré. On ne partage pas que du matériel : il est essentiel d’avancer ensemble car au final tout le monde y gagne. C’est une grande différence avec le service proposé par ETA où personne ne connaît son voisin et opère de manière plus individuelle. »