Prix d’interprétation au festival de Venise, la star s’abandonne à une relation masochiste dans « Babygirl » de Halina Reijn. Mais entre fantasmes de soumission, désirs transgressifs et féminisme de façade, ce drame érotique se vautre dans les clichés les plus éculés.
Les films sont comme des sentiers tracés au milieu de la forêt. Il y a ceux qui laissent vagabonder leur public, errant sans certitude dans un dédale de thèmes et de motifs à l’ambiguïté libératrice. Et puis il y en a d’autres comme un itinéraire Vita balisé, indiquant à chaque étape ce qu’il faut faire et penser.
C’est toute la différence entre la charge sulfureuse d’un Paul Verhoeven, « Belle de jour » de Luis Bunuel ou « Portier de nuit » de Liliana Cavani, qui ont chacun osé à leur manière aborder les domaines les plus obscurs et paradoxaux. de la sexualité féminine, et ce « Babygirl » qui prétend explorer la libido masochiste de son héroïne, cachant mal un programme parfaitement défini derrière sa façade féministe.
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Nicole Kidman est donc Romy, mariée à Antonio Banderas, mère de deux filles adolescentes, PDG d’une grande entreprise de robotique. Romy est une sexagénaire qui mène sa vie d’une main de fer, cachant ses fantasmes sexuels à son mari, incapable de la satisfaire. S’ouvrant et se terminant par un orgasme pour son héroïne (d’abord simulé, puis authentique), “Babygirl” suivra ainsi la relation déraisonnable que Romy entame avec Samuel (Harris Dickinson), un jeune stagiaire qui vient de rejoindre son entreprise. Une relation basée sur une règle simple et convenue : la patronne se soumet sans exception aux moindres ordres de son subordonné qui n’hésite pas à la traiter comme son truc, voire comme sa chienne.
-Une provocation anodine
Si la vision de Nicole Kidman à quatre pattes, imitant un chien pour chevaucher la main de son jeune amant, vous semble dérangeante, alors cette « Babygirl » est faite pour vous. Certains n’ont pas hésité à qualifier le résultat de film féministe, remplaçant l’archétype de la femme fatale (beaucoup plus complexe aussi qu’il n’y paraît) par celui de la femme soumise, s’émancipant (oh bon ?) des carcans patriarcaux et ce fameux regard masculin qui, à force d’être utilisé à toutes les sauces, finit par ressembler plus à une étiquette morale qu’à une réflexion cinématographique.
Sauf qu’on voit un peu mal comment la cinéaste échappe au cliché autour de la domination masculine et de la soumission féminine, préférant déléguer à ses personnages le devoir de commenter son film on ne peut plus insaisissable. Alors, lorsqu’une stagiaire s’étonne qu’une femme à la tête d’une entreprise puisse se comporter comme elle le fait, Romy rétorque qu’elle confond « moralité et ambition ». Ou lorsqu’une autre scène confronte Samuel au schéma obsolète de la femme soumise au bon vouloir de son amant, le jeune éphèbe répond par un comique « on ne comprend pas ».
Pratique pour la cinéaste néerlandaise Halina Reijn qui ne prend pas la peine de creuser son sujet et réduit ses personnages à d’inoffensives incarnations de schémas éculés. C’est d’autant plus dommage que “Babygirl” bénéficie de l’implication totale de Nicole Kidman, qui va jusqu’à mettre des détails très personnels sur son personnage, comme cette scène d’injection de botox qui confine au portrait de la star elle-même.
Mais là encore, le film ne se met jamais en danger, évite de plonger sa caméra dans la boue, trop occupée à cocher les cases d’une dissertation scolaire mêlant sa thèse, son antithèse et sa synthèse. Quant au parfum de scandale, il s’évapore dès la fin du film.
Rafael Wolf/sc
« Babygirl » de Halina Reijn, avec Nicole Kidman, Antonio Banderas, Harris Dickinson. A voir dans les cinémas francophones depuis le 15 janvier 2025.