Carrière prometteuse –
Stefan Crépon, le feu sacré du cinéma français
Dans “Jouer avec le feu”, il incarne le frère de Benjamin Voisin qui évolue à l’extrême droite. L’élément sage du film, c’est lui.
Publié aujourd’hui à 11h45
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- Stefan Crépon, acteur français, est devenu une révélation notable du cinéma.
- Il est devenu célèbre grâce à son rôle dans « The Legends Bureau ».
- En 2025, il prévoit de tourner quatre films.
- Dans « Jouer avec le feu », il joue aux côtés de son ami Benjamin Voisin.
Concernant Stefan Crépon, peut-on encore parler de révélation ? Il semble si évident, si unique, si constamment raison qu’on rêve d’en rencontrer dix comme lui chaque année. C’est dans « Le Bureau des Légendes », la célèbre série de Canal+, qu’on l’a remarqué pour la première fois. Un rôle secondaire de jeune informaticien membre du bureau, une sorte de geek dont la présence est si forte qu’il semble apparaître à chacune des saisons. Erreur, puisqu’il ne joue que dans 4 et 5. On le revoit ensuite dans “Lupin”, mais c’est surtout le cinéma qui va l’accaparer.
Dans « Peter von Kant » de François Ozon, il brille brillamment dans le rôle de l’assistant muet, analgésique et probable amant du héros. Dans « Making of » de Cédric Kahn, il incarne un jeune cinéaste prêt à tout pour préparer son scénario. Il révèle un potentiel comique inattendu. Puis après le moins incontournable « Drone » de Simon Bouisson, le voilà de nouveau en tandem avec Benjamin Voisin, son frère de cinéma qui est un peu sa face cachée dans « Jouer avec le feu » des sœurs Coulin. C’est un bon élève, dans les rangs, très sage, tandis que Voisin flirte avec la délinquance et l’extrême droite, et tourne mal. Ils étaient récemment au GIFF à Genève. Nous avons passé beaucoup de temps avec Stefan Crépon.
Comment vous êtes-vous impliqué dans ce film ?
Très simplement. Suite à un casting. Delphine et Muriel Coulin voulaient de vrais frères. Je n’ai aucun lien avec Benjamin Voisin. Mais d’un autre côté, des liens d’amitié forts. C’est en fait mon meilleur ami en ville. Un directeur de production l’a dit aux réalisateurs et cela a dû avoir un impact. Ce qui est curieux, c’est que ces deux frères, dans le film, sont diamétralement opposés. Pour être d’accord, il fallait des points de connivence.
Saviez-vous avec qui vous étiez en compétition ?
Non, et je n’ai pas besoin ni envie de le savoir. Parfois, il y a des rôles que je veux à tout prix. Et quand j’ai débuté dans le métier, j’étais stressé, bourru. Je ratais souvent les castings. Aujourd’hui, je ne conseille pas aux jeunes acteurs de vouloir à tout prix un rôle. Quand on n’est pas pris, ça veut dire que le réalisateur n’a pas la même vision du personnage, c’est tout. En même temps, il est également important d’être exigeant.
Auriez-vous pu troquer votre rôle avec celui de Benjamin Voisin dans ce film ?
Je pense que oui, mais nous aurions dû prendre une autre voie. Et le film aurait été différent. Il y aurait eu un déséquilibre s’il avait joué mon petit frère qui réussit tout. Car en réalité, je suis par exemple plus introvertie que lui.
Avec Benjamin Voisin, vous étiez colocataires. Est-ce que cela complique les choses pour le casting ?
Nous avons été colocataires pendant cinq ans. Au contraire, c’était encore plus facile. Grâce à notre amitié, nous étions comme des frères. On arrive même à finir les phrases de chacun.
À ce jour, vous n’avez pas encore réalisé beaucoup de films. Acceptez-vous presque tout ou êtes-vous déjà sélectif ?
Je sélectionne pas mal et je ne sais pas si j’ai raison. Les projets doivent me parler. Les sujets et la manière de les traiter, c’est-à-dire le point de vue du réalisateur. Et cela n’a rien à voir avec la taille du rôle. En 2025, je devrais tourner quatre premiers films. Deux sont des rôles principaux et les deux autres des rôles secondaires. J’espère ne jamais en arriver au point de faire des calculs ou des stratégies de carrière.
Le public a commencé à vous identifier avec « Le Bureau des Légendes ». Avez-vous aimé cette expérience ?
Clairement, oui. En plus, mon personnage évolue, j’ai trouvé ça vraiment génial. Il passe de geek – voire très geek – à héros. Mais c’est bien que tout soit fini. Ce qui me bloque le plus dans un rôle, c’est la récidive. Et c’est le cas dans la série. Vous ne pouvez pas savoir ce qui arrive à votre personnage, puisque vous continuez à le jouer encore et encore. Je n’aime pas vraiment cette idée. Après « The Legends Bureau », on m’a proposé plein de rôles de geek.
De quel rôle vous sentiriez-vous proche ?
Plus un rôle est éloigné de moi, plus je l’aime. Ce que j’ai fait dans « Peter von Kant » d’Ozon m’a énormément amusé. C’était très, très loin de moi. A l’inverse, mon rôle dans le « Making of » de Cédric Kahn se rapprocherait le plus de qui je suis.
Que pouvez-vous dire de plus positif sur « Jouer avec le feu » des sœurs Coulin ?
Le bonheur que cela représentait d’avoir Benjamin Voisin pour frère et Vincent Lindon pour père. Je me souviens avoir rencontré Lindon un jour dans la rue et lui avoir dit toutes les bonnes choses que je pensais de « La loi du marché ». Et là, je jouais avec lui.
Et plus négatif ?
Haha, tu ne m’auras pas. Rien.
Vous aimez les défis, semble-t-il. Quel autre acteur aurait accepté un rôle muet comme vous l’avez fait dans le film d’Ozon ?
Je ne sais pas. C’est tout ce que j’aime, les défis. Je fais ce métier pour les défis.
Comment voyez-vous le tournage ?
Comme une façon de vivre intense pendant deux mois. On boit tous ensemble, on dort, on retourne sur le plateau. Le tout en gardant une exigence artistique.
Quels films aimerais-tu aller ?
Quoi qu’il en soit, je ne veux pas le prédéterminer. Je ne fais aucun choix préalable.
Êtes-vous quelqu’un qui aime aller au cinéma?
Oui, mais je vais surtout voir des classiques. La seule chose que je peux regarder à la télé, c’est tout.
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Critique : « Jouer avec le feu », point tournant de la radicalisation
Pierre a deux fils et les élève seul. Là où le plus jeune, Louis, réussit ses études et emprunte un chemin tracé à l’avance, l’aîné, qui porte l’étrange prénom de Fus, en fait le diminutif de Félix, est plus problématique. Tout commence par une rumeur que Pierre entend lors d’une réunion de travail. Son aîné fréquenterait un groupe d’extrême droite. Mais comment savoir si c’est la vérité ? Pour cela, Pierre observe et finit par constater que oui, Fus tombe dans la radicalisation. Alors, il tente de le raisonner, de lui faire la leçon, et l’écart se creuse, d’autant que son cadet continue de briller en s’apprêtant à aller à la Sorbonne. Mais c’est trop tard. Il est entré dans la délinquance et a fini par se faire prendre.
Ce nouveau film des sœurs Coulin, Delphine et Muriel, qui en avaient déjà réalisé trois, opte pour la sobriété et l’observation, épousant le regard du père, ce Vincent Lindon au bord du gouffre, justement récompensé par un prix d’interprétation à Venise. La rigueur et la composition du cadrage, l’économie même du récit nous familiarisent avec un drame dans lequel chaque partie renforce finalement ce qui a été construit juste avant. S’enfermant dans un vice engendré par ses propres démons, Fus compose un personnage perdu, en tout point opposé à ce frère modèle qui reste en parfaite harmonie avec lui-même. Le côté obscur pour Benjamin Voisin, la lumière pour Stefan Crépon, deux tendances irréconciliables que seuls les liens du sang peuvent préserver. L’un est un peu le miroir de l’autre, comme les deux faces d’une même existence, avec cette question à laquelle « Jouer avec le feu » n’apporte pas de réponse : comment arrive-t-on à rejoindre l’extrême droite ? Le débat de société est posé à travers un exemple individuel et le film, heureusement, n’apporte aucune morale. Brillant.
Classement : *** Drame (France – 110′) – en salles à partir du 22 janvier
En dates
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Dans 2018Cédric Kahn le repère et lui confie un rôle secondaire dans “La Prière”, aux côtés d’Anthony Bajon. Fidèle à l’acteur, il fera à nouveau appel à lui dans 2023 dans «Making of».
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