Dans son documentaire « Mon Enfant Chéri », Nicolas Bourgouin donne la parole aux parents confrontés à la toxicomanie de leurs enfants. A travers des témoignages intimes et émouvants, il explore leur incompréhension, leur culpabilité, mais aussi leur espoir. Ce film, centré sur les parents plutôt que sur les enfants, propose un regard inédit sur une épreuve familiale souvent taboue.
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Roselyne, Isabelle et Jocelyn ne se connaissent pas. Leurs paroles se répondent pourtant pour former une même histoire lorsqu’ils se confient sur le parcours de leurs fils respectifs. Un enfant, leur enfant, qui a un jour rencontré la drogue. Certains n’en sont pas sortis, d’autres oui. Comme Grégoire, le fils de Dominique et Patrick qui a traversé un long épisode de toxicomanie et est devenu pendant plusieurs années un étranger aux yeux de ses parents.
Nicolas Bourgouin, réalisateur de « Mon Enfant Chéri » a choisi de faire un film autour d’une parole intime qu’il collectionne avec délicatesse. Il cadre les visages à juste distance pour la conversation, utilisant des séquences de la vie quotidienne, rarement rares, qui rompent avec l’énormité de ce qui nous est raconté.
« Mon Enfant Chéri » n’appartient pas au genre des documentaires friands de reconstitutions de scènes de tournage, ou autres comportements de toxicomanes sur fond musical dramatique. Pas de mots d’expert non plus pour aborder le sujet de la toxicomanie et rapprocher le film d’une enquête journalistique. Pas même un entretien avec les enfants en question. Ce qui rend la démarche de Nicolas Bourgouin si puissante et si intéressante, c’est tout le contraire. Son sujet est le parent, ce qu’il dit, comprend, espère.
Il me dit qu’il fait ça pour échapper à la dureté de la vie.
Des mères, des pères qui racontent, entre émotion et résignation, les affres de questions restées longtemps sans réponse, ou qui le restent toujours.
Il y a d’abord une incompréhension. Pourquoi lui ? “Avant l’âge de 15 ans, c’était un enfant agile, vif, intéressé par beaucoup de choses, il avait beaucoup d’empathie. se souvient Isabelle, qui travaille dans l’immobilier à Paris. “Il a toujours aidé les autres, C’était ce genre d’enfant..
Elle en parle à l’imparfait, son fils a 19 ans aujourd’hui, il est toxicomane depuis 4 ans. Elle pense qu’il a été victime d’intimidation au collège. Une explication à laquelle s’accrocher, faute d’autre raison connue.
“Il me dit qu’il fait ça pour échapper à la dureté de la vie. se souvient Roselyne. “Mais faut-il rechercher un inconfort ? L’humanité toute entière est en détresse.. Comprenez : tout le monde ne consomme pas de drogue.
Le fils de Roselyne, aujourd’hui âgé de 27 ans, était perçu par sa mère, adolescent, comme «hypersensible, peu attiré par l’école, mais créatif”. A l’âge de 15 ans, pris d’un délire aigu, il trouble l’ordre public. Il est interpellé et hospitalisé. “J’apprends alors à connaître une partie complètement inconnue de lui.
Jocelyn, qui vit en Anjou au bord de la Loire, décrit son fils Adam comme «jovial, bon enfant, vif, insouciant » jusqu’à son accusation infondée par un parent d’élève du collège qu’il fréquente, qui le déstabilise complètement. Adam a tenté de se suicider à 13 ans et a commencé à consommer de la drogue.
Qu’est-ce que j’ai fait, ce que je n’ai pas fait, n’étais-je pas assez strict ?
DominiqueMère de Grégoire
Pour Grégoire, le fils de Dominique et Patrick, sa rencontre avec la drogue s’est produite après son bac, à 19 ans. Garçon plutôt renfermé, ils le voient changer, sortir, devenir extraverti, puis c’est la descente aux enfers selon leurs propres mots.
Enfer pour les enfants malades de la drogue, enfer pour les parents soumis à de fortes doses de culpabilité. Ils repassent tout comme Dominique : «Qu’est-ce que j’ai fait, qu’est-ce que je n’ai pas fait, n’étais-je pas assez strict ? ».
“Nous avons peur de le dire à notre entourage. » avoue Roselyne, «nous avons peur du jugement, de se faire dire que nous n’avons pas pris suffisamment soin de lui, que nous avons échoué.
Culpabilité bien sûr si on se sépare de l’autre parent. Jocelyn, dont le divorce ne s’est pas bien passé, admet qu’il était plutôt indifférent lorsqu’Adam était chez lui le week-end : «on se dit qu’on lui a fait assez de mal comme ça ».
Si l’on est toujours en couple, la toxicomanie la met à rude épreuve : Patrick, mari de Dominique et père de Grégoire, pensait que les choses reviendraient à la normale. Dominique confie qu’elle ne s’est pas sentie écoutée à ce moment-là, a pensé que son mari aurait dû intervenir davantage, que lui en tant que père avait des clés qu’elle n’avait pas. Patrick le reconnaît : «J’étais en difficulté, dans une sorte de paralysie, de non-action”.
Ce sentiment d’impuissance face à la toxicomanie fait que les parents se sentent disqualifiés. Car, comme le confie Isabelle, «tout se passe » : cannabis, opiacés, crack, cocaïne, champignons hallucinogènes, amphétamines, alcool. Roselyne s’en rend compte : la drogue a introduit deux poisons dans la relation avec son fils, le mensonge et le déni. “Ce sont des enfants qui disparaissent” conclut-elle.
Si la toxicomanie est une maladie, sa prise en charge thérapeutique laisse beaucoup à désirer. Adam et Grégoire ont bénéficié de l’aide de lieux de vie qui les ont accueillis, incluant travail et logement pendant plusieurs mois. Pour Isabelle, la situation est plus dure. “Le service toxicomanie n’a pas voulu le prendre dans un premier temps, au motif qu’il ne fumait « que » 5 joints par jour à 15 ans. Un suivi par un psychiatre reste possible, mais si le jeune ne le souhaite pas, il n’y va pas..»
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Documentaire « Mon enfant chéri » de Nicolas Bourgouin – extrait Soins déficients
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©LCP/AN – 416 Productions – France 3 Pays de la Loire
Il y a néanmoins une place pour l’espoir, nous dit Nicolas Bourgouin, nous laissant découvrir à la fin de son film la situation actuelle de Grégoire et Adam, aujourd’hui libérés de drogue et intégrés. Deux séquences magnifiques qui nous montrent que la relation parent-enfant dans laquelle les drogues s’interposaient peut être réparée. Mieux encore, il peut grandir et devenir plus beau.
Roselyne a écrit un livre, « Le battement de cœur du colibri, le combat d’une mère face à l’addiction de son fils » (Les éditions du Rocher) pour retrouver le sentiment d’action et alerter sur l’incompréhension. en charge de la toxicomanie chez les jeunes. Isabelle, bouleversée, mais toujours debout, espère envers et contre tout : « C“Peut-être qu’il pourra être rattrapé, après tout, il n’a que 19 ans”.
« Mon enfant chéri » est diffusé dans le cadre d’une soirée sur les addictions, avec deux regards, l’un sur la drogue et l’autre « Abonnés absents » sur smartphone.
Ce documentaire d’Anne-Sophie Levy Chambon traite donc d’une addiction plus récente. Parce qu’il fut un temps où on se promenait le nez en l’air et si on se perdait, on trouvait toujours une bonne âme pour nous remettre sur le bon chemin. Aujourd’hui, depuis l’avènement des smartphones, toute l’attention se porte mécaniquement sur ces petits rectangles lumineux qui nous collent et nous isolent du monde qui nous entoure.
La dépendance aux écrans est devenue un problème majeur. Selon les dernières études, près de 100 % des personnes possédant un téléphone portable estiment y passer trop de temps. Et pendant ce temps, les Français n’ont jamais eu le sentiment de manquer de temps… Cherchez l’erreur !
Face à ce phénomène universel de détournement des esprits, les âmes insoumises de toutes générations ont décidé de ne pas céder au chant des sirènes de la connexion permanente.
Ce sont les abonnés absents. Avec Amélie Nothomb, Sylvain Tesson, Alain Finkielkraut, Miguel Benasayag, William Lowenstein, Laurent Karila, Yves Marry et des abonnés absents libres et heureux.
►Ces deux documentaires sont à retrouver en intégralité sur la plateforme france.tv dans notre collection La France en vrai.