Avec « L’Armée des Romantiques » sur Arte, la génération de Balzac, Dumas et Berlioz renaît dans l’animation

Reconstituer le mouvement artistique phare du XIXe siècle en matière d’animation semblait un défi impossible. Le réalisateur, producteur et scénariste de la série revient sur cette aventure qui a duré huit ans.

Honoré de Balzac, Alexandre Dumas, George Sand et Victor Hugo, quatre des quinze grandes figures mises en lumière dans la série. Silex

Par François Ekchajzer

Publié le 21 décembre 2024 à 19h00

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Qorse d’Arte , enthousiastes comme nous l’étions en 2016 par LE UNaventuriers de l’art moderne, a demandé à Judith Nora quel mouvement artistique elle aimerait désormais documenter dans une série animée, la productrice de Silex Films a d’abord pensé à l’impressionnisme — « [sa] période préférée ». « Un professeur de CE2, dont je raconterai peut-être un jour l’histoire dans un film d’animation, a changé ma vie en nous emmenant au musée d’Orsay, à Bougival, à Port-Marly… Mais une discussion avec Dan Franck (1), auteur du travail Le - des Bohémiens (éd. Grasset, 2015) ne le faites pas Les aventuriers sont adaptés, m’ont orienté vers la période romantique, avec ses artistes engagés et son contexte politique unique. » A-t-elle compris l’ampleur de l’entreprise qui, pendant huit ans, l’associerait à nouveau à Amélie Harrault, brillante réalisatrice de cette série tout aussi passionnante ?

Le photographe Félix Nadar dans le quatrième épisode, « L'ère de l'émancipation ».

Le photographe Félix Nadar dans le quatrième épisode, « L’ère de l’émancipation ». Films Silex

« Il ne manque rien » observait Dan Franck en découvrant L’armée des romantiquesqui ressuscite les écrivains, peintres et musiciens majeurs de ce mouvement, inscrivant la trajectoire de Hugo, Dumas, Delacroix, Berlioz et Courbet dans le Paris soigneusement reconstitué des années 1827 à 1874. Un défi qui a nécessité de se plonger dans de nombreux plans de la capitale et gravures, mais aussi dans les journaux et correspondances de ces illustres personnages sculptés par l’histoire, afin de leur redonner vie et de restaurer leurs relations même dans le impétuosité de leur jeunesse.

Précision et petits pas de côté

“Je me suis immergé dans leur quotidien et j’ai utilisé leurs propres mots, pour les faire parler tout en donnant l’impression d’être dans leur tête”, explique la scénariste Céline Ronté, qui a beaucoup documenté sur chacun d’eux. « Nous avons vérifié chaque détail, confirms Amélie Harraultmais sans nous corseter. En supposant notamment d’habiller Balzac de sa robe de bure de 1828, alors qu’il n’a probablement commencé à la porter qu’à partir de 1830. L’historienne Judith Lyon-Caen, qui nous l’a fait remarquer, n’y a pas souscrit. »

Victor Hugo dans le premier épisode, « La Révolution romantique ».

Victor Hugo dans le premier épisode, « La Révolution romantique ».

Victor Hugo dans le premier épisode, « La Révolution romantique ». Films Silex

« Quand j’étudiais les Beaux-, se souvient le réalisateurnos professeurs des années 1970 étaient pour « libérer le geste » et « abolir la technique » – technique que les peintres romantiques maîtrisaient à la perfection. J’ai donc repris toutes les bases, aidé par mon beau-père, sculpteur, bouleversé par ma pratique de la perspective. J’ai également envoyé un assistant pour photographier les statues de ces monstres sacrés sous toutes les coutures, pour pouvoir les représenter de trois quarts ou de dos, quand les gravures et peintures que nous possédons d’eux les montrent principalement de face. Nous avons également dû imaginer à quoi ils ressemblaient bien avant que la célébrité ne leur donne l’opportunité d’être représentés. »

Le peintre Gustave Courbet dans le quatrième épisode.

Le peintre Gustave Courbet dans le quatrième épisode.

Le peintre Gustave Courbet dans le quatrième épisode. Films Silex

Parmi les quinze « grands hommes » présent dans la série, George Sand fait exception. « On aurait aimé inclure Marie d’Agoult, Berthe Morisot ou Louise Michel ; mais cela aurait été contraire aux exigences du récit, regrette Judith Nora, co-fondatrice du collectif 50/50 pour l’égalité femmes-hommes dans l’audiovisuel et le cinéma. J’avais néanmoins envie que la notion de « muse » soit remise en question. En soulignant par exemple que la peintre Victorine Meurent, connue comme modèle apparaissant dans de nombreux tableaux de Manet, était à proprement parler une collaboratrice du peintre. » Ou en me rappelant que « Tout le monde n’avait pas la fibre progressiste du Balzac de Physiologie du mariage et de La femme de trente ans », adds Céline Ronté.

Léopoldine Hugo, fille de Victor, dans le deuxième épisode, « La vie comme un roman ».

Léopoldine Hugo, fille de Victor, dans le deuxième épisode, « La vie comme un roman ».

Léopoldine Hugo, fille de Victor, dans le deuxième épisode, « La vie comme un roman ». Films Silex

Et L’armée des romantiques s’avère très masculine, l’équipe qui lui a donné vie l’est beaucoup moins. « 80 % des chefs de poste étaient des femmes »bienvenue à Judith Nora et à sa compagne Priscilla Bertin. Entendre Cécile de France prendre en charge la voix d’Honoré de Balzac ou les paroles de ce grand misogyne qu’était Charles Baudelaire est ainsi une forme de réparation. Enfin, à ce souci contemporain s’ajoute le soin apporté par Amélie Harrault à « inventer un langage qui parle aux petits comme aux grands »et à “trouver une écriture visuelle dans laquelle les emprunts aux peintures et gravures des artistes cités ne peuvent être offensés”. Quoi L’armée des romantiques s’avère également être une réussite indéniable.

L’armée des romantiquesSamedi 21 décembre à 21h50 sur Arte.
L’Armée des Romantiques, Coffret 2 DVD, enrichi de nombreux suppléments ; Les aventuriers de l’art moderne, 3 DVDs, Arte éditions.

 
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