La fille du regretté comédien Jean-Guy Moreau, Sophie, a largué une bombe lors de son audition mercredi. Non seulement elle a témoigné des agressions qu’elle aurait subies à l’âge de 15 et 16 ans, mais elle a évoqué le viol qu’a subi sa mère, Suzanne Deniger, à la fin des années 1990, et sa sœur Véronique, qui était en couple avec Gilbert Rozon. .
Sophie Moreau a expliqué à la juge Chantal Tremblay les circonstances dans lesquelles elle a appris le viol présumé de sa mère en décembre 2017.
L’accusée s’apprêtait à faire sa déclaration à la police en octobre 2017. L’enquêteur lui a demandé si elle pouvait identifier des témoins. Elle a donné trois noms : sa meilleure amie adolescente, sa sœur aînée Véronique, qui a été en couple avec Gilbert Rozon de 1989 à 2001, et sa mère, à qui elle a tout raconté en 2005.
« Il a fallu longtemps avant que ma mère me raconte sa rencontre avec la police. Je n’ai pas compris pourquoi. Le 27 décembre, nous étions chez moi, dans la cuisine. Véronique, ma mère et moi. J’ai posé la question à ma mère. “Comment était-ce?” Elle se figea, puis elle répondit : moi aussi. Ma sœur et moi nous sommes effondrés. Maman pleurait… »
Selon son témoignage, sa mère – décédée en 2022 – serait allée manger avec M. Rozon au Latini.
En fin de soirée, M. Rozon l’aurait raccompagnée chez elle, rue Garnier. Ce soir-là, selon ce qu’elle a dit à ses filles, mais aussi aux policiers qui l’ont interrogé, il l’a violée. En partant, Gilbert Rozon lui aurait dit : tu ne peux rien dire, je suis avec Véro. D’après sa mémoire, c’était en 1998 ou 1999. Sophie était employée chez Juste pour Rire.
La relation de Gilbert Rozon avec Véronique Moreau est bien connue, elle a également été évoquée lors de l’interrogatoire préliminaire de M. Rozon, mais l’agression présumée de sa mère n’a jamais été évoquée auparavant.
Sophie Moreau a commencé à travailler pour Juste pour Rire en 1988. Elle avait à peine 15 ans. C’est son père, le regretté comédien Jean-Guy Moreau, ami de Gilbert Rozon, qui l’a aidé à décrocher cet emploi d’été. Mmoi Moreau, qui travaillait comme réceptionniste, se souvient qu’au début M. Rozon était très gentil. « Il m’a pris sous son aile. Je lui ai fait confiance. »
Cet été-là, elle dénonce une première agression, survenue un soir du festival. M. Rozon l’aurait invité à l’accompagner en coulisses du spectacle de l’humoriste français Alex Métayer. En déambulant dans les couloirs de la Place des Arts, M. Rozon s’est arrêtée dans un endroit sombre qu’elle a décrit comme une « salle des machines ».
« Il s’est penché sur moi, m’a serré dans ses bras et m’a demandé de l’embrasser. Je me suis figé. J’ai secoué la tête, non. J’étais tellement impuissant qu’il m’a laissé partir. Il eut un petit sourire léger. Nous avons continué notre chemin vers les coulisses. » A cette époque, Gilbert Rozon avait 33 ans.
Sophie Moreau se souvient de la confusion qu’elle ressentait : « Je ne comprenais pas pourquoi un adulte ferait ça. Laissez un patron faire ça. Laissez un ami de mon père faire ça. Et puis je me suis demandé ce que j’aurais pu faire pour provoquer ça… »
L’été suivant, alors qu’il avait 16 ans, Mmoi Moreau a raconté plusieurs attaques. L’un d’eux l’a particulièrement frappé. Son père a animé trois des cinq galas Juste pour rire au Théâtre St-Denis. Elle est donc allée au théâtre pour le voir, mais elle a regardé le spectacle depuis le fond de la salle, appuyée contre le mur du vieux théâtre.
“Pendant l’émission, M. Rozon est venu par derrière, il s’est mis sur mon dos, il a mis ses mains sur mon ventre et il m’a dit : embrasse-moi, je vais prendre ta virginité, je vais être doux. avec vous… » D’après son témoignage, Gilbert Rozon serait venu les autres soirées de gala et aurait réitéré le même souhait.
D’autres attaques auraient eu lieu dans les semaines qui ont suivi. Mais quelques mois plus tard, sa sœur Véronique, qui vient d’avoir 18 ans, lui annonce qu’elle a un nouvel amant : Gilbert Rozon.
Sophie Moreau dit avoir « échoué ». Mon cœur me faisait mal. J’avais le vertige. Je lui ai raconté ce qu’il m’avait fait. Mais ma sœur a banalisé tout ça, elle m’a dit que j’avais complètement tort. »
D’après ce que M.moi Moreau, ses parents, séparés pratiquement depuis leur naissance, n’étaient pas disponibles. « Ma mère poursuivait mon père en justice pour une question de retraite, je ne me voyais pas leur dire quoi que ce soit… »
Pourquoi n’a-t-elle pas dénoncé M. Rozon avant 2017 ? “Ce n’était pas réaliste”, a-t-elle répondu. Personne ne m’aurait cru, cela aurait été dommageable pour la carrière de mon père et puis ma sœur était amoureuse de lui ! » Ce n’est qu’en 2005, trois ans après avoir quitté Juste pour Rire, qu’elle trouve le courage de raconter à ses parents ce qui lui est arrivé.
« À l’époque, ma mère m’a dit : qu’est-ce qui m’a manqué dans ma vie de mère pour que tu ne m’en parles pas. Et papa a pleuré. Il était bouleversé. En me reconduisant chez moi, il m’a dit : si tu me l’avais dit, je lui aurais parlé. Cela m’a choqué, cela m’a déçu, encore aujourd’hui. Leur dire n’a rien fait… C’est comme si je n’avais rien dit. »
Sophie Moreau, qui réclame 1,25 million de dommages et intérêts punitifs, identifie M. Rozon comme responsable de la dislocation de sa famille.
« Toutes ces histoires m’ont isolé de ma famille. Je n’ai jamais eu la relation que je devais avoir avec ma sœur, elle était l’amante de M. Rozon. Et comme j’en voulais à mes parents, j’ai coupé les ponts avec eux pendant un -, car je leur en voulais d’avoir accepté cette relation. »
Véronique Moreau, qui ne fait pas partie des neuf plaignants, doit témoigner ce vendredi. Sa sœur Sophie évoque brièvement un viol qui aurait eu lieu en 1994. « Véronique et Gilbert s’étaient quittés momentanément, elle avait commencé à fréquenter un autre homme. Gilbert l’a retrouvé à Paris, a mis de la drogue dans sa boisson et l’a violé. »