En 2019, l’accusation d’Adèle Haenel contre le réalisateur avait ébranlé le cinéma français. Son procès débutera le 9 décembre au tribunal correctionnel de Paris. Je me souviens des faits.
Par Lucas Armati
Publié le 9 décembre 2024 à 6h00
EEn 2019, il s’était confié sur #MeToo dans le cinéma français, acceptant pour la première fois de s’exprimer dans une enquête de Mediapart. Ce lundi 9 décembre, l’actrice Adèle Haenel voit s’ouvrir le procès contre le réalisateur Christophe Ruggia, jugé pour agression sexuelle sur mineure, au tribunal correctionnel de Paris. Il risque dix ans de prison.
Je me souviens des faits. Fin 2000, Christophe Ruggia, auteur du film La disparition de Chaâba, cherche une actrice pour son long métrage je les diables. Le film présente
l’amour incestueux de deux orphelins en fuite, et comprend la nudité. Il a rencontré Adèle Haenel lors d’un casting et s’est dit fasciné par la jeune adolescente – elle avait 12 ans, lui en avait 36. Durant les mois de préparation et de tournage du long-métrage, l’actrice a évoqué un « droit de préséance » poussé par le réalisateur, qui l’isole du reste de l’équipe. Sur le plateau, de nombreux protagonistes du film remarquent le comportement ambigu de Ruggia, mais aucun d’entre eux n’y assiste.” geste à connotation sexuelle ».
Des événements qui dureraient trois ans
C’est après le tournage que, selon Adèle Haenel, « touchant » se dérouleraient lors de réunions régulières, le week-end, dans l’appartement parisien du réalisateur. Cela durerait trois ans. Dans Mediapart, la comédienne déclare : « Je m’asseyais toujours sur le canapé et il s’asseyait en face dans le fauteuil, puis il s’approchait du canapé, m’a attaqué, m’a embrassé dans le cou, a senti mes cheveux, a caressé ma cuisse jusqu’à mon sexe, a commencé à passer sa main sous mon T -chemise vers la poitrine. Il était excité, je l’ai repoussé mais ce n’était pas suffisant, je devais toujours changer de place. » En 2002, lors de la tournée promotionnelle du film, Adèle Haenel racontait avoir subi le même type de comportement à de nombreuses reprises. Christophe Ruggia, « il le nie catégoriquement ” Tous ” harcèlement de toute sorte ou tout type de contact ».
A l’époque, le discours d’Adèle Haenel avait eu un fort retentissement : pour la première fois, une actrice engagée s’exprimait ouvertement, mais son récit était aussi renforcé, appuyé par de nombreux témoins qui, eux aussi, avaient accepté que son identité soit révélée. Initialement réticent à porter l’affaire devant les tribunaux, il a déclaré : « Justice nous ignore, ignore la justice » –, l’actrice a finalement porté plainte après l’ouverture d’une enquête préliminaire par le parquet de Paris en novembre 2019.
Lire aussi :
Des plateaux de tournage aux piquets de grève : Adèle Haenel, parcours d’une artiste en lutte
Depuis, Adèle Haenel est devenue l’un des visages de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. En février 2020 notamment, il avait quitté en beauté la cérémonie des César à l’annonce de la victoire de Roman Polanski, objet de plusieurs accusations de viols et d’agressions sexuelles. En mai 2023, dans une lettre envoyée à téléramal’actrice qui se consacre désormais au théâtre avait constaté son arrêt du cinéma par ces mots : « J’ai décidé de politiser mon retrait du cinéma pour dénoncer la complaisance générale de la profession envers les agresseurs sexuels et, plus généralement, la façon dont cet environnement collabore avec l’ordre écocide raciste et mortel du monde tel qu’il est. (…) Je te supprime de mon monde. Je pars, je fais grève, je rejoins mes camarades pour qui la recherche de sens et de dignité prime sur celle de l’argent et du pouvoir. »