Le vertige de défiler sur un canapé, de glisser sur le fil infini des réseaux sociaux, Laure Adler ne l’éprouve pas. Il ne le fera pas “Peut” sur TikTok ou Instagram. Et pourtant, c’était là. Une fois par semaine sur les réseaux sociaux de France Inter. A 74 ans, l’ancien rédacteur en chef de France Culture, l’intervieweur intime qui a parlé en termes familiers avec Alain Delon, s’est inventé un nouveau métier. Booktokeuse leur TikTokbookstagrameuse sur Instagram, elle est devenue une influenceuse littéraire, défendant un livre en 90 secondes chrono.
Otage des algorithmes, l’ancienne diva de Radio France a trois secondes pour capter l’attention, sous peine de se faire dépasser par une concurrente née avec les smartphones. Seule de sa génération dans le secteur, elle rivalise avec des stars aux 100 000 abonnés, comme Audrey Tribot, 27 ans, et son Souffle de mots, qui fait l’éloge du romance entre jeunes adultes, manga et fantastique. Spécialiste de la littérature blanche (littérature générale, par opposition aux genres), Laure Adler s’y est lancée le romantisme sombre, des histoires sombres où l’amour flirte avec l’interdit et la violence, ultra populaires auprès des jeunes filles. “Très intéressant”, assure ceux qui ont suivi les cours de Michel Foucault et Jacques Derrida en 1968.
Laure Adler, combien de followers ? Dans son salon parisien tapissé de beaux livres, ce matin de novembre, la question paraît insolite. Rien ne semble avoir changé depuis l’époque de la Nouvelle Vague, dans ce quartier de Montparnasse où a tourné Jean-Luc Godard Haletant et où vécurent Simone de Beauvoir et Agnès Varda, grandes inspiratrices de Laure Adler. Les bruits de la récréation proviennent d’une école locale, le soleil filtre à travers les fenêtres Art Déco.
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Chez Laure Adler et son partenaire Alain Veinstein, ancien producteur et animateur de France Culture, pas d’ordinateurs, pas de câbles emmêlés ni de LED clignotantes. Pas d’écran, ni de photo la représentant avec François Mitterrand, comme on pourrait s’y attendre de la part de celui qui fut le conseiller culturel de l’ancien président de 1989 à 1993. “Je ne me regarde jamais et je m’en fiche!” “, assurer Laure Adler avec sa voix lente et métallique qu’elle n’aime pas entendre.
On vous présente sa dernière vidéo Instagram pleine de likes. Elle se lève brusquement en se couvrant les yeux : “Je ne veux pas savoir” implore-t-elle, partagée entre le plaisir de se savoir écoutée et la peur de se perdre dans le vanity fair des réseaux sociaux. Elle ajoute : « Moi, influenceur ? Je suis trop vieux pour ça ! » Elle se définit comme une simple freelance, comme à ses débuts à la Maison de la radio dans les années 70, heureuse d’utiliser les réseaux sociaux comme outil “une petite fenêtre pour transmettre”.
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