François Ozon, l’un des cinéastes français les plus audacieux de sa génération, s’est distingué par sa capacité à mêler drame et comédie dans des œuvres aussi diverses que « 8 Femmes », « Piscine », « Grâce à Dieu », « Sous le sable ». ou “Tout s’est bien passé.”
Invité pour la première fois au Festival International du Film de Marrakech (FIFM), il a évoqué devant le public son parcours, sa vision du cinéma contemporain et l’importance de préserver l’expérience du grand écran face à l’explosion des plateformes de streaming. . Il a également participé au jeu de questions/réponses avec Le360.
Le360 : Dans l’émission « Conversations », vous avez animé un cours de cinéma lors du Festival International du Film de Marrakech. Que signifie pour vous un exercice comme celui-ci ?
François Ozon: Je suis très heureux de découvrir Marrakech. A un moment donné dans la carrière d’un réalisateur, il devient indispensable de transmettre son savoir. En tant qu’ancien étudiant en école de cinéma, j’ai toujours trouvé précieux d’écouter les réalisateurs partager leur expérience, leur méthode de travail, leur relation avec les comédiens et les techniciens… C’est très enrichissant. Avec plus d’une vingtaine de films à mon actif, j’ai accumulé une certaine expérience, et si je peux aider à répondre à vos questions, je le ferai avec plaisir. Bien sûr, il n’y a pas de règles fixes au cinéma, mais certaines expériences méritent d’être partagées.
Vos films mélangent drame et comédie. Comment trouver un équilibre entre ces deux registres ?
Ce n’est jamais prémédité. La comédie, par exemple, naît souvent d’une situation inattendue, parfois même du jeu des acteurs ou de leur façon de dire certaines lignes. Cela dit, la comédie reste l’un des genres les plus exigeants : tout est question de rythme. Une comédie qui ne fait pas rire est une catastrophe. En revanche, pour une comédie dramatique, il est plus facile d’instaurer un ton sérieux et lourd. Mais être capable de faire rire les gens est toujours un grand défi.
L’avènement des plateformes de streaming influence-t-il votre approche du cinéma ?
Pour l’instant je crée des films principalement destinés au théâtre. Pour moi, le cinéma sur grand écran reste important, même si j’ai reçu diverses offres de plateformes. Ce que j’aime dans l’expérience cinéma, c’est qu’elle représente une vraie fête : on achète le billet, on partage le moment avec des amis, puis on discute du film, peut-être autour d’un dîner. Toute cette cérémonie disparaît avec les estrades.
«Tant que j’aurai l’opportunité de faire des films pour le grand écran, je continuerai. Si un jour cela devenait impossible, je reverrais probablement ma façon de travailler.”
— François Ozon, réalisateur français
Sur les plateformes, les spectateurs consomment le cinéma différemment : ils interrompent un film pour répondre au téléphone, ils regardent Internet en même -… Cela change complètement la façon dont on perçoit une œuvre. Tant que j’aurai l’opportunité de faire des films pour le grand écran, je continuerai. Si un jour cela devenait impossible, je reverrais probablement ma manière de travailler, mais pour l’instant cet idéal reste intact.
Le cinéma d’art et d’essai a longtemps dominé le cinéma français. Est-il toujours aussi présent aujourd’hui ?
Je pense que le cinéma français est très diversifié. Si le cinéma d’auteur joue un rôle important, il existe également un cinéma commercial très apprécié, bien que moins visible à l’étranger, notamment au Maroc. Nous avons la chance d’avoir un système très structuré, soutenu par le CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée, ndlr), qui permet le financement indépendant des films. Ce cadre politique garantit la vitalité du cinéma français, malgré les crises. Personnellement, je pense que le cinéma français a encore de beaux jours devant lui.
En France, le cinéma national conserve une part de marché importante malgré l’hégémonie du cinéma américain. Cette diversité est une véritable richesse. Personnellement, même si je fais des films qui ne sont pas purement commerciaux, j’ai quand même l’opportunité de rencontrer un large public. Mon dernier film, « Quand l’automne arrive », qui raconte l’histoire de deux vieilles dames cueillant des champignons dans la forêt, a attiré 700 000 spectateurs. Peu de pays permettent à un cinéma national aussi unique de trouver un écho auprès d’un public aussi large.
Par Qods Chabaa et Adil Gadrouz
04/12/2024 13:07