En soulignant son caractère romantique, cette excellente série documentaire, diffusée sur la plateforme Max, met en lumière les rebondissements du scandale financier de 2008.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, Jérôme Kerviel a prouvé, en 2008, qu’il était possible d’investir 50 milliards d’euros en toute discrétion. Et faire perdre cinq à un géant comme un établissement bancaire. Aujourd’hui, derrière son clavier d’ordinateur, l’ancien commerçant se moque sur les réseaux sociaux de cet ancien employeur, avec qui il s’est âprement battu devant les tribunaux. Comme si cette histoire n’avait pas fini de le hanter.
Avec des témoignages inédits et une mise en scène ambitieuse, la plateforme Max. fait la lumière sur l’affaire qui a traumatisé les marchés et la Société Générale, ce Goldman Sachs à la française qui s’était fait une spécialité des produits dérivés. La banque a beaucoup souffert de ce scandale. Kerviel a été condamné en 2010 à trois ans de prison, en partie gratuits sous bracelet électronique, et 4,9 milliards d’euros de dommages et intérêts (réduits à 1 million d’euros en appel).
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En même temps qu’il dresse un portrait instructif et peu avantageux de la finance, Fred Garson, réalisateur issu de fiction, met en lumière les raisons d’un fiasco, que la banque n’a pas su anticiper. Cela a été critiqué, notamment par la sphère politique, à gauche comme à droite, qui voyait dans cette affaire l’incarnation d’un capitalisme débridé et incapable de raisonner. La crise des subprimes allait prouver que ces récriminations n’étaient pas infondées.
Un jeu dangereux
Le film montre aussi combien – puisque rien ou presque ne résiste à la psychologie – l’affaire Kerviel est aussi et avant tout due à la personnalité de son protagoniste. Un jeune commerçant qui a visiblement compensé son manque de confiance en lui par une recherche désespérée de réussite professionnelle… Il témoigne ici. Pointe les failles des chaînes de contrôle et raconte les petits arrangements entre commerçants. Il décrit l’ivresse des millions qui tombent, comme l’inquiétude (« jusqu’à vomir ») causée par des investissements ratés. La Bourse est un jeu dangereux et Jérôme Kerviel était devenu « accro ».
Quand la direction de la banque prend conscience de la situation, tous ces milliards placés par son trader, ils pâlissent. « On se rend compte qu’on va couler et qu’en tombant, on fera tomber tout le système »se souvient le directeur de la communication de l’époque. Bien entendu, et c’est tout l’intérêt du documentaire, les versions de la direction de l’entreprise et de Jérôme Kerviel ne se chevauchent pas toujours. Le commerçant a l’impression d’être traqué. Les patrons, pour se laisser berner. Quinze ans plus tard, tout le monde parle à cœur ouvert, ou du moins c’est l’impression qu’ils donnent devant la caméra.
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Avertie d’une éventuelle déroute, la Banque de France a donné trois jours pour débloquer la situation, avant de la rendre publique. L’Élysée, parce que Nicolas Sarkozy le serait aussi « pouce »selon le responsable de la communication de l’époque, n’a pas été immédiatement mise en confiance. Enfermé dans une pièce, condamné au secret, un commerçant est chargé d’éliminer un à un les placements dangereux. La tâche est longue. Après tout, la Société Générale a découvert qu’elle avait perdu 6,3 milliards d’euros. Jérôme Kerviel, avec ses investissements acrobatiques qui ne semblaient pas si choquants jusque-là, lui avait fait gagner 1,4 milliard l’année précédente. Il aurait dû, mais tous les joueurs morts disent à quel point il est difficile de se coucher à l’heure…