pourquoi aimons-nous tant nous faire peur ?

pourquoi aimons-nous tant nous faire peur ?
pourquoi aimons-nous tant nous faire peur ?

L’horreur comme passe-temps

Pourquoi aimons-nous tant nous faire peur à Halloween ?

Déguisements terrifiants, films d’horreur et montées d’adrénaline seront au rendez-vous ce jeudi soir. Notre goût pour la terreur s’explique. Entretien.

Publié aujourd’hui à 8h06

Des sueurs froides attendues en ce jeudi soir d’Halloween. N’en déplaise à ceux qui préfèrent chasser les bonbons, mais jouer avec nos peurs n’est pas seulement amusant. Il s’agit d’une véritable méthode de régulation émotionnelle, souligne Donald Glowinski. La chercheuse en neurosciences à l’UNIGE et professeure ordinaire à l’Institut et Haute Ecole de Santé La Source de Lausanne répond à nos questions.

Comment notre corps réagit-il à la peur ?

Lorsque nous rencontrons des peurs récréatives, notre corps détermine automatiquement s’il s’agit d’une menace réelle ou d’une fiction. L’amygdale transmet l’information à l’hypothalamus, qui libère de l’adrénaline. Cela augmente notre fréquence cardiaque et notre transpiration. Ensuite, notre cortex préfrontal évalue si notre intégrité physique est en danger et si nous devons ou non déclencher une montée d’adrénaline. Le circuit de la récompense entre également en jeu : la dopamine est libérée et nous place dans un état d’euphorie car la menace est surmontée et notre intégrité physique est préservée. A chaque fois, cela mobilise le corps de manière très intense et ce cycle est très excitant.

Quand la peur devient-elle agréable ?

Il existe plusieurs réponses possibles. Cela devient un plaisir si la Source de stress reste modérée et teintée d’émotions mitigées (anxiété, dégoût et fierté d’avoir surmonté la peur initiale). Mais aussi transitoire. Imaginez un film d’horreur qui dure trois semaines !

En affrontant ses angoisses dans un environnement sécuritaire (une salle de cinéma, un canapé ou une attraction), on apprend à comprendre comment on réagit dans certaines situations. C’est donc un véritable outil de régulation émotionnelle. Sommes-nous favorables à une stratégie d’auto-évitement ? l’autorégulation ? Une envie de se dépasser ? Nous nous testons. Certaines personnalités sont également accros à l’adrénaline et recherchent les sensations fortes. Ils souhaitent tester leur seuil de tolérance au stress : quel est leur point de rupture ?

Est-il possible d’apprendre à aimer avoir peur ?

Notre socialisation avec la peur est décisive. Si nous y avons été confrontés dans un environnement sécurisé, il est possible de surmonter notre sentiment d’impuissance (fermer les yeux suffit parfois). On peut même le percevoir de manière transgressive : on joue avec. On se fait rire en se surprenant soi-même, en voyant les personnages forts de l’histoire se faire écraser par des monstres… Au-delà du niveau individuel, les films et les cérémonies, comme la Toussaint, jouent sur le mystère. Ils nous permettent de nous familiariser avec l’inattendu et, souvent, de nous confronter à un événement universel qu’est la mort.

Notre capacité à distinguer la réalité de la fiction joue également un rôle essentiel. Au Festival international du film fantastique de Neuchâtel, il existe même une tradition. Lors du premier meurtre, la salle applaudit. On se « rassure » en se rappelant qu’il s’agit d’une fiction.

Une sensibilité accrue, des références à un traumatisme ou un manque d’humour peuvent cependant rendre les adultes incapables d’apprécier ces peurs récréatives. D’autres, ayant une vie stressante par exemple, préféreront d’autres sources de divertissement.

L’amour de la peur, est-ce une question d’âge ou de sexe ?

Les enfants apprennent ce qui fait peur au fur et à mesure. Jusqu’à 2-3 ans, ils n’ont pas peur du noir car ils n’ont pas assez d’imagination. Le système limbique (ndlr : partie du cerveau impliquée dans le comportement, les émotions et la formation de la mémoire) n’est pas mis en œuvre. Notre circuit de régulation émotionnelle se construit jusqu’à 25 ans. Durant cette période, on apprend aussi les codes sociétaux : le requin, par exemple, joue un grand rôle depuis le film « Les Dents de la Mer ».

Le sexe n’influence pas l’amour du risque. Ceci est lié à l’éducation et à ce qui sera socialement accepté (crier, pleurer). La sensibilité de chacun dépend d’autres facteurs : avoir vécu dans un environnement sécurisant, avoir eu une figure d’attachement sécurisante durant l’enfance, etc. La manière dont on a été confronté au stress (si on a été accompagné ou au contraire laissé à soi) marque toute une vie.

Wendling aux bleuets est journaliste à la rédaction numérique. Après une licence en sociologie à l’Université de Paris, elle obtient son master à l’Académie des médias et du journalisme de l’Université de Neuchâtel. Elle a travaillé pour La Région, Le Temps, Watson et L’Illustré.Plus d’informations

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