Valérie Perrin, aux sources d’inspiration

Valérie Perrin, aux sources d’inspiration
Valérie Perrin, aux sources d’inspiration

La porte d’entrée est entrouverte, Black, le beauceron de 12 ans, nous accueille. Valérie finit de se préparer dans sa chambre. Sur la table de la cuisine il y a du thé, du café et une tarte aux cerises. A travers les baies vitrées, le soleil se lève sur la Bourgogne. On entend ses pas sur l’escalier métallique, pull et pantalon sombre : « Je dois vous dire que je n’aime pas du tout être photographié. J’ai toujours préféré l’ombre à la lumière», sourit l’ancienne photographe de plateau, co-scénariste et épouse de Claude Lelouch. Ici, sur la terre de son enfance, elle se sent en paix. Cette maison en lisière de forêt, achetée il y a trois ans, abrite sa solitude, nécessaire à l’écriture.

C’est là qu’elle finit d’écrire « Tata », son quatrième roman, blottie sur un canapé, l’ordinateur calé sur ses jambes, une tasse de café à la main et quelques mots griffonnés sur un cahier. Deux ans et demi de travail, durant lesquels elle a pu compter sur le soutien de son mari : « On passe nos journées à échanger nos idées… Je lui raconte tout sur mes personnages et lui aussi. Hier encore, il m’a dit : “J’ai eu deux idées incroyables pour mon prochain film !” D’un autre côté, nous avons un deal : on se dit tout mais on ne répète rien à personne. » Quand elle est en Bourgogne et lui en Normandie, ils s’appellent plusieurs fois par jour. « On s’encourage énormément, j’admire son émerveillement constant, il a toujours mille projets. J’ai un travail solitaire et il déplace des montagnes chaque jour, emmenant avec lui toute une armée de techniciens et de caméramans ; Je serais incapable de faire ce qu’il fait», explique Valérie.

“Avec Claude [Lelouch]on se complète, il n’y a jamais de jugement”

Elle se promène chaque jour avec Black sur les rives de l’Arroux qui traverse Gueugnon, la ville de sa jeunesse où vivent ses parents. Gueugnon, ses usines et ses forges, devenu champion de l’acier dans les années 1960, sert de décor à son livre. Dès les premières lignes, on rencontre Agnès, 38 ans, une réalisatrice dévastée par le départ de son mari, son acteur fétiche, pour une actrice plus jeune. Agnès vote à gauche, porte une médaille de la Vierge, est la fille d’un violoniste juif et d’un pianiste catholique. Alors que son chagrin la fait sombrer, elle reçoit un appel de la gendarmerie lui annonçant que sa tante Colette vient de mourir dans son sommeil. Impossible, elle est déjà décédée il y a trois ans. « Il n’y a rien de tel que de mourir à nouveau. » Pourquoi Colette, cordonnière si discrète aux vêtements vieillots et première supporter de l’équipe de football du FC Gueugnon, a-t-elle fait croire qu’elle était morte ? Valérie explique : « Agnès revient à Gueugnon pour reconnaître le corps, elle va rejouer la vie de sa tante et elle va reprendre son destin en main. » Agnès retrouve aussi la douceur rassurante de ses amis d’enfance, qu’elle avait abandonnés.

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Carnets de travail, coupures de presse de l’époque… matière à l’élaboration de son dernier roman.

Paris-Match
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© Baptiste Giroudon

Valérie quitte Gueugnon à 19 ans pour Paris. Plus tard, elle s’installe à Trouville avec le père de ses enfants. Son autre vie sera avec Claude Lelouch : « On n’a pas la même histoire. C’est un parisien, j’ai grandi dans une petite ville de province. On se complète, il n’y a jamais de jugement. C’est doux de ne jamais se sentir jugé», confie l’écrivain. Leur rencontre est digne d’un film : grâce à la plume de Valérie, tout a commencé le jour où elle a publié une lettre dans un journal local. Pas une lettre d’amour, une lettre de cinéphile. Claude va le lire et voudra retrouver celui qui décrit si bien son travail. Coup de foudre, cela fait désormais dix-huit ans qu’ils s’aiment. Est-il facile de partager la lumière ? Inconnue, Valérie est arrêtée dans la rue par des lecteurs. « On nous demande souvent si notre réussite est compatible, explique-t-elle, s’il n’y a pas de jalousie. Je ne pouvais pas rivaliser avec mon mari car nous ne faisons pas le même métier. Je ne suis pas réalisateur ; Si je l’étais, les choses seraient probablement plus compliquées, heureusement nous ne boxons pas dans la même catégorie. »

Lors d’une de ses séances de dédicaces parisiennes, Claude lui fait la surprise en venant l’embrasser. Il avait les larmes aux yeux en voyant la foule qui attendait sa femme. Lors de notre entretien, il l’appelle : « Allume France Info, ils vont parler de ton livre ! » Valérie éclate de rire. Rien ne la prédestinait à cette carrière : « J’ai commencé à 32 ans, j’ai mis plus de quinze ans pour écrire mon premier livre, ‘Les Oubliés du dimanche’, j’avais 48 ans et je venais de terminer le scénario de ‘Bâtard, on t’aime’. ” avec Claude. J’ai envoyé le manuscrit à Albin Michel sans rien attendre en retour », se souvient-elle. Succès immédiat : 13 prix littéraires. Elle veut arrêter mais ses lecteurs la supplient d’en faire « un autre ». Il s’agira de « Changer l’eau des fleurs », qui remportera le prix de la Maison de la presse et le prix Pocket Book Readers, et sera en tête des ventes dans plus de 60 pays.

Le reste après cette annonce

“Je suis conscient que ce que je vis est assez rare”

Le succès l’impressionne. Elle pense être à court d’inspiration, mais sa fille, Tess, l’encourage. Ce sera « Trois ». Dans chaque roman, il y a la mer de Cassis ou les plages de Normandie. Dans « Tata », il y a aussi le son des cloches des églises, le parfum des pivoines, un piano Steinway, un cimetière, la fête de la Toussaint pour ne pas oublier les morts et des cassettes audio sur lesquelles une femme livre sa vie. « Chacun devrait raconter son histoire sur des cassettes audio pour laisser une trace », souligne Valérie. « Depuis mon deuxième livre, poursuit-elle, ma vie s’est transformée en conte de fées, j’ai conscience que ce que je vis est assez rare. Bien sûr, si j’écris des romans, c’est aussi parce que je veux être admiré par Claude, je veux l’impressionner. Si un jour il part, j’arrêterai d’écrire, car il est mon moteur. » Dans son grenier, elle entreposait des copies de ses œuvres traduites dans toutes les langues.

Maintenant que le quatrième est terminé, elle s’est promis de réaliser un autre rêve : apprendre le piano. Elle est déjà installée dans le salon, en Bourgogne, où Claude aime la rejoindre. Cet été, ils ont relu Pagnol. Elle lit à Claude à haute voix leur rituel depuis toujours. Depuis plusieurs semaines, elle se sent « orpheline » de ses personnages. Alors, elle a déjà d’autres projets : adapter « Les Oubliés du dimanche » au théâtre avec sa fille et sa belle-fille, Salomé. Elle discute également avec Jean-Pierre Jeunet, qui travaille sur une adaptation de « Changer l’eau des fleurs » au cinéma. Claude adaptera-t-il un jour un de ses livres ? « Il rêverait de le faire mais il ne veut pas, car il ne peut s’empêcher de changer toutes les histoires… Et ce serait un vrai sujet de dispute ! »

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“Tata”, Valérie Perrin, ed. Albin Michel, 640 pages, 23.90 euros

© éd. Albin Michel

 
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