A Tournai, fière d'avoir eu très tôt des relieurs, des imprimeurs et des libraires, il n'existait pas de bibliothèque publique. Rapports et traités de la ville, livres de comptes, volumes rares et livres d'heures de particuliers forment l'essentiel des volumes.
Cependant, les savants s'entourent de livres, surtout de chanoines. Dans leur bureau, on trouve principalement des livres nécessaires à leur état mais aussi des traités d'histoire, de sciences, de géographie. De nombreux chanoines et évêques en font don de leur vivant ou par testament, base de la bibliothèque capitulaire.
L'initiative des confrères réunit ces collections privées par la construction (1755-64) des « Anciens prêtres ». A l'étage, les volumes nourrissent la grande salle (40 x 20m) lumineuse, avec parquet à chevrons, boiseries, montants et étagères de chêne de même couleur, sciés en quartiers. Le coût (3140 florins) nécessita la vente d'une partie importante, à savoir 6000 épreuves des meilleurs maîtres et la collection de médailles (octobre 1762).
Le couronnement de l'édifice : le tympan. Il n'est pas de Nicolas Lecreux, artiste par ailleurs excellent, qui n'en a dessiné que le modèle (1757 pour 220 florins) ; la sculpture de l'allégorie de la Vierge protectrice des Arts et des Sciences est de Jérôme Denau, dont la carrière n'a pas été retracée dans l'histoire.
Dans la nuit du 3 juillet 1794, les troupes de la République, après un court séjour en 1792, s'installent jusqu'au 17 février 1814. Plus rien ne sera comme « avant ».
Les délégués de l'Etat ou des Domaines sont dans les fourgons avec des instructions précises qu'avec leurs partisans tournaisiens, ils mettent en œuvre. Dans une vaste gamme d'arrêtés, de décrets, de lois, rappelons la disparition des corporations, des consistoires et la loi du 15 fructidor an III (02.09.1795) ratifiant la suppression des maisons et établissements religieux.
La France devient propriétaire d'une multitude d'églises, de couvents, de monastères, d'hôpitaux pour religieux et religieuses, tant contenus que contenants.
Les bâtiments s’adaptent aux besoins des occupants (l’église des Dominicains devient le Temple de la Loi, les Carmélites une prison). Les moines et les religieuses quittent leur maison en novembre 1797. Tous les signes religieux extérieurs doivent disparaître : croix, statues cachées ou mutilées, cloches enlevées…
Notre-Dame requiert toute l'attention de l'occupant. Il est prévu de la démolir et de construire des rues autour, comme à l'abbaye de Cluny (F), puis de la vendre.
Le 17 janvier 1799, le ministère des Finances déclare que le département de Jemappes met en vente aux enchères l'ancienne cathédrale de Tournai et y joint un rapport d'estimation établi par l'expert Jean-A Carbonaro ainsi qu'un croquis.
L'estimation établit un prix de 1 400 000 livres avec cette note : « CLe monument offre un résultat de démolition singulièrement avantageux pour l’acheteur. Et cet ajout : « Cet immense édifice mérite d’être conservé comme monument des arts, fait du plus pur gothique, remarquable par le type de marbre bleuté avec lequel il est construit. »
Les Français aussi convoitent les livres. Mais le Tournaisien résiste. (à suivre).
