Après une saison 2023 déjà marquée par la domination des grands coureurs, nous franchissons un nouveau cap en 2024, que ce soit en termes de statistiques ou de manière. L’année de Tadej Pogacar restera évidemment dans les mémoires mais celle de Van der Poel, sur les Flandriennes, a aussi laissé des traces.
Tant individuellement que collectivement, plusieurs joueurs ont dominé la saison 2024. Emirats Arabes Unis bien sûr, avec Pogacar, mais pas que. Van der Poel ou Roglic, malgré de nombreuses chutes, y ont également participé. Du coup, la majorité des équipes n’avaient quasiment rien à manger.
Les Émirats arabes unis sur une autre planète au classement UCI
Avec un leader comme Tadej Pogacar, qui a marqué tout seul 11655 points UCI Presque le double de celui de son vice-champion, Remco Evenepoel, il est facile d’être la meilleure équipe du monde. Mais si l’on enlève les résultats du Slovène, l’équipe Émirats arabes unis serait toujours à la première place. Avec Marc Hirschi, 6ème du classement mais aussi Ayuso, Almeida, McNulty et Yates dans le top 26, l’équipe émiratie était partout.
Avec 37 000 points environ, elle a 17 000 points d’avance sur Visma Louer un vélo2ème malgré une saison terne à cause de nombreuses chutes et beaucoup de malchance, il faut le dire. Ce chiffre peut être interprété de deux manières. La première est que l’écart est si grand qu’aucune équipe ne s’en rapproche.Émirats arabes unisavec des ressources imbattables ainsi que des dirigeants talentueux et de jeunes cavaliers en abondance. La seconde est que Visma Lease a Bike est la seule équipe capable de réellement, collectivement, causer des problèmes aux Émirats arabes unis. Finir 2ème au classement UCI avec Laporte et Van Aert qui ne courent pas les Flandriennes et avec Vingegaard absent 60% de l’année, c’est très très fort. Ces performances indiquent qu’en 2023, nous devrions avoir UAE à nouveau en tête mais avec une équipe Visma pas très loin et très 2ème au classement. Autant de malchance deux années de suite semble improbable.
Dans les grandes courses de la saison, la domination des grandes équipes est incontestée (5 Monuments, 3 GT + Strade Bianche, Paris-Nice, Tirreno, Tour de Catalunya, Flèche Wallonne, Gent Wevelgem, E3, Amstel, Pays Basque, Tour de Romandie, Tour de Suisse et Dauphiné, Saint-Sébastien, soit 21 courses).
L’équipe émiratie a gagné seule 42% des grands Tours Mondiaux de l’année, soit près de la moitié du calendrier ! Au total, sept équipes se sont partagé les 21 courses. Et là encore, la facture aurait sûrement été plus lourde sans les conditions extrêmes rencontrées sur la Flèche Wallonne.
Si l’on se limite aux Grands Tours et Monuments, il n’y a eu que 3 équipes gagnantes différentes :
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Alpecin : 3 (Milan-San Remo – Ronde – Roubaix)
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EAU : 4 (Liège – Giro – Tour – Lombardie)
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Redbull Bora : 1 (La Vuelta)
Jamais il n’a été aussi peu diversifié. Même en 2023, lorsque la Jumbo Visma avait remporté les trois Grands Tours, nous avions déjà atteint les sommets de la domination. Eh bien, c’est ce que nous pensions.
Heureusement, dans les courses secondaires du World Tour, plusieurs équipes ont réussi à tirer leur épingle du jeu, à commencer par Lotto, qui a réalisé une superbe saison avec trois courses du World Tour remportées grâce à Van Eetvelt et Van Gils : UAE Tour, GP Frankfurt et Guangxi Tower. Et c’est la bonne nouvelle. L’absence de grands noms dans ces courses a permis à d’autres équipes d’exister, portant à 11 le nombre d’équipes différentes vainqueurs sur le World Tour.
Individuellement, Pogacar met une gifle à l’histoire du World Tour
Lorsqu’on s’éloigne de la vision d’équipe et qu’on se concentre sur des cas individuels, c’est là que le problème est encore plus grand. Tadej Pogacar affole les buteurs en remportant le Strade, le Tour de Catalogne, Liège, le Giro, le Tour de France et enfin le Tour de Lombardie, toutes les courses majeures auxquelles il a participé. Sur 21 courses, cela représente tout de même plus du quart des épreuves prises en compte. Une pure folie. Et comme dans les autres grandes courses, que sont notamment la Ronde et Roubaix, autre moment fort de la saison, Mathieu Van der Poel a lui aussi fait un raid en entrant dans l’histoire avec ce doublé, ce qui n’avait plus été réalisé depuis Tom Boonen en 2012, cela réduit grandement le champ des possibles. D’autant plus que le Néerlandais a également remporté l’E3 et que Tadej Pogacar est également devenu champion du monde. Tous deux. Ils ont remporté 46 % des courses majeures du calendrier. Effrayant.
Sur les Monuments, on constate que depuis deux saisons, la domination s’est dessinée. Seulement trois vainqueurs différents en 2024, comme en 2023. Et c’est Mathieu Van der Poel qui offre la victoire à Philipsen à San Remo, sans laquelle on n’aurait peut-être eu que deux noms.
Au-delà des statistiques, c’est aussi la démarche qui laissera des traces dans l’histoire du cyclisme. Van der Poel a remporté ses deux Monuments en solitaire, avec une minute d’avance sur le Tour des Flandres et 3 minutes sur l’Enfer du Nord. Sur Paris-Roubaix, l’ancien champion du monde a attaqué à 60 km de l’arrivée. 60 kilomètres seul. Et si on pensait que c’était beaucoup, Pogacar a fait encore mieux. 80 kilomètres sur les Strade Bianche avec 2min44 d’avance sur son dauphin ou encore 34 km sur la Doyenne avec 1min39 d’avance sur Romain Bardet. Mais, le record est bien sûr aux mondiaux, avec cette attaque décisive à 100 kilomètres de l’arrivée puis à 51 km en solitaire après avoir lâché Sivakov. Nous n’aurions jamais cru assister à une telle démonstration de force.
Au final, que ce soit dans les chiffres ou dans la manière, la dictature imposée par les grands noms est montée d’un cran en 2024. Et comme cela ne suffit pas, la seule GT que Pogacar n’a pas remportée a été dominée par Primoz Roglic. Autre forme de domination puisqu’en 5 saisons, le Slovène a remporté 4 fois La Vuelta. On espère donc que 2025 sera un tournant, qui marquera la fin de la domination des géants.