La première motion de censure subie par le gouvernement de François Bayrou, jeudi 16 janvier, était sans risque pour le Premier ministre, dans la mesure où le Rassemblement national avait décidé de ne pas voter pour lui. D’un autre côté, cela représentait un défi important pour la gauche, qui devait se positionner non seulement par rapport aux ouvertures faites par le centriste, qui veut être le champion de “réconciliation”, mais aussi face à la gravité de la situation : la France est à l’arrêt, sans budget, paralysée par les déficits et menacée de marginalisation.
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Dans ce contexte, la décision de la direction du Parti socialiste (PS) et d’une très large majorité de députés socialistes de ne pas voter la motion de censure déposée par La France insoumise, les communistes et les écologistes apparaît comme un choix responsable.
Certes, les négociations ouvertes depuis une semaine entre l’exécutif et une partie de la gauche n’ont pas répondu à toutes les attentes : François Bayrou a notamment refusé de geler la réforme des retraites avant de redonner la main aux partenaires sociaux, mais, sur le projet de budget comme sur dépenses d’assurance maladie, il a concédé suffisamment de gestes pour qu’Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, puisse justifier sa démarche : la recherche du compromis, à condition qu’elle se poursuive de bonne foi, n’équivaut pas à une capitulation, mais à le contraire signale un progrès.
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Les socialistes ont notamment obtenu le maintien de l’emploi dans l’éducation nationale, une plus forte augmentation des dépenses hospitalières, et la suppression des trois jours d’attente dans la fonction publique. Il ne s’agit pas d’un chèque en blanc, ni d’un ralliement, ni même d’un quelconque pacte, puisque le vote de censure demeure “possible à tout moment”, si le gouvernement trahit ses engagements ou met fin au dialogue.
-Le pari de l’émancipation
L’initiative du PS, qui se définit toujours comme un « parti d’opposition », ouvre une brèche à gauche et marque la confrontation avec Jean-Luc Mélenchon. La réaction colérique de ces derniers accusant les non-censeurs de “fracture” le Nouveau Front populaire n’est que la pointe des pressions et des menaces reçues ces derniers jours par les députés socialistes, dont certains doivent leur élection au soutien des « rebelles ». Sept d’entre eux ont voté la censure, traduisant les fortes tensions qui ont agité leur parti.
Pour réussir le défi de l’émancipation sans assumer le rôle de traître, le PS devra prouver aux écologistes et aux communistes qu’il n’a pas fracturé l’union de la gauche et que ses exigences envers le gouvernement restent élevées. Le relatif isolement de Jean-Luc Mélenchon sur sa stratégie de rupture ne rend pas la tâche impossible. La campagne qu’il mène pour tenter d’obtenir le limogeage d’Emmanuel Macron et l’emporter dans un duel avec Marine Le Pen peine à convaincre au-delà de ses rangs.
Deux gauches cohabitent, comme cela a toujours été le cas dans l’Histoire. Ils ne sont pas condamnés à se séparer, mais sont de nouveau entrés en compétition. La tension entre rupture et réformisme, la place à accorder au dialogue social et à la société civile dans la mise en mouvement du pays, la réécriture d’un projet commun face aux bouleversements du monde ont toujours animé ce camp. À cela s’ajoute l’enjeu écologique majeur, à l’heure où des reculs s’opèrent. Que deux ans avant l’élection présidentielle, la gauche réformiste ait décidé de sortir de son long sommeil est un bon signe, à condition qu’elle se remette au travail. C’est dans la diversité et la confrontation que les gauches françaises ont toujours progressé.
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